Le Dénouement…!
Vous savez ce que c’est : on dit des choses dont on n’évalue pas toujours le sens et la portée. Avec le recul du temps, et à la faveur de certains évènements, certaines paroles se transforment alors en menaces ou ressemblent à une bien étrange prémonition. Connie Stevens s’était mariée en 1955. C’était une jolie fille, rêveuse et romantique comme on l’était en Californie, en ce temps là. Dès qu’elle avait vu Kenny Wilson, dans la cour du motel où elle avait rendez-vous avec ses amies, elle avait su que c’était lui. Il faut dire que Kenny était un beau garçon superbe, grand, fort, élancé, toujours souriant – surtout aux jolies filles. Kenny avait 25 ans. Connie 18. Depuis cette fameuse soirée, elle ne le quitta plus. Elle se rangea à ses côtés comme si le destin avait voulu qu’elle accompagne cet homme d’un bout à l’autre de sa vie. Brave Connie. Amante passionnée, femme d’intérieur parfaite, elle était fière de son homme et ne vivait que pour lui. Ses copines, Barbra, Jennifer et Avril se moquaient toujours un peu d’elle : le temps de l’esclavage c’est fini ! Vis ta vis ma petite ! Tu auras bien le temps de te caser plus tard.
Mais Connie tenait à son Kenny et lui vouait une adoration que tout le monde, au fond, enviait. Car, en plus de toutes ses qualités, Connie était fidèle, d’une rigoureuse fidélité. Depuis le jour où elle avait connu Kenny, elle n’avait plus regardé aucun garçon. Et ceux qui tentaient encore leur chance n’en avaient aucune : Connie baissait les yeux et ne répondait pas aux compliments. Les soirs où Kenny sortait seul – ce qui lui arrivait quelquefois – elle restait sagement chez elle, regardant la télévision, préparant un bon désert. Kenny lui, s’il était amoureux de sa femme, ne concevait pas la vie exactement sous le même angle. Il appréciait sa liberté, et en usait fréquemment. Il avait coutume de dire : « Avoir une petite aventure n’est pas bien grave. L’important c’est de ne pas se tromper moralement. » Ainsi donc, il préservait sa liberté, sortait avec ses amis, quittait quelquefois la ville pour un week-end. Connie acceptait tout cela, en répétant avec douceur : « J’ai confiance en toi, Kenny. Mais si un jour j’apprends que tu me trompes, tu en mourras ». Et Kenny éclatait de rire en embrassant sa femme : « Grosse bête, lui disait-il, tu sais bien que je ne te tromperais jamais ».
Au printemps 1971, la foudre tomba aux pieds de Connie : alertée par une lettre anonyme, rendue soucieuse par les absences de plus en plus fréquentes du séduisant Kenny, elle se rendit sur la plage de Long Beach, près de Los Angelès. Ce qu’elle découvrit, par une belle soirée de juin lui glaça le coeur : Kenny, à demi nu sur la plage, flirtait tendrement avec sa meilleure amie, Barbra. L’attitude de Kenny ne laissait aucun doute sur la nature de leurs relations : les baisers qu’il donnait à sa rivale étaient ceux d’un amant passionné, et pas ceux d’un bon copain. Connie n’était pas au bout de ses peines : elle apprit par Avril, confuse et navrée d’avoir été la complice involontaire de Barbra – mais les deux filles partageaient le même appartement et Avril avait gardé le silence pour éviter le drame – que Kenny était l’amant de Barbra depuis plus d’un an. Depuis plus d’un an, c’est avec elle qu’il passait la plupart de ses soirées, bon nombre de ses week-ends. C’est avec elle, sa meilleure amie, qu’il partait en voyage, qu’il allait au cinéma ou au restaurant. Accablée de douleur, torturée par la jalousie, Connie pensa un instant acheter un pistolet chez le premier armurier et, comme au cinéma, surgir chez sa rivale : elle la tuerait d’abord et lui ensuite. Mais bien vite, elle renonça à cette vengeance : elle était totalement incapable de tenir une arme, de s’en servir efficacement.
Et surtout son chagrin était trop profond pour qu’il puisse être soulagé par la vengeance. En vérité, Connie était brisée. Le soir du 14 juin, seule dans l’appartement qu’elle occupait avec Kenny depuis leur mariage, au 8° étage d’un bel immeuble donnant sur la mer, elle écrivit une lettre à sa mère, lui expliqua son désespoir, lui demanda pardon : « Quand tu liras ces mots, ma chère maman, je serais morte… ». Puis elle se rendit sur la terrasse de l’appartement, regarda la mer une dernière fois et se lança dans le vide…
Kenny venait juste d’apprendre par Avril que sa femme avait découvert sa liaison. Il hésita un moment – il n’était pas particulièrement courageux – et se résigna à rendre une dernière visite à Connie, pour lui faire des excuses, et lui expliquer qu’il acceptait le divorce pour vivre avec Barbra. Il gara sa voiture devant son immeuble, sortit en cherchant ses clefs dans sa poche. Au moment où il arrivait devant la porte de l’immeuble, il reçut le corps de Connie sur les épaules…!! Par un hasard inimaginable et exceptionnel Connie tomba sur Kenny qui fut tué sur le coup. Connie ne souffrait que d’une fracture de la jambe.
La police crut un moment au crime parfait. Mais bien vite, les enquêteurs abandonnèrent cette théorie rocambolesque. C’est par hasard que Connie avait annoncé : « Si tu me trompes tu en mourras »…
Elle n’avait pas dit comment…!