Pierre Bodein est né le 30 décembre 1947 à Obernai, dans le Bas-Rhin en Alsace. Il grandi dans une communauté tzigane jenisch, et fait partie d’une fratrie très nombreuse, de seize enfants.
Il reste dans sa famille, à Obernai, jusqu’à l’âge de 26 ans et a eu, selon ses propres dires, une enfance heureuse. Même s’il quitte l’école à 14 ans, il sait parfaitement lire et écrire et cela lui donne un ascendant non négligeable sur une partie de son entourage.
Pour tenter d’expliquer la folie de Pierre, la famille de Bodein évoque un accident de mobylette à 18 ans, qui le plonge dans le coma pendant plus d’un mois. Mais son dossier médical n’indique qu’une commotion et une plaie à la main.
Quoi qu’il en soit c’est à partir de 22 ans, qu’il commence a alterner les passages en hôpital psychiatrique et les incarcérations, pour vols, braquages, viols, et même tentative de meurtre. Mais dans le milieu dans lequel il évolue, son pedigree lui permet surtout d’accroître son ascendant et d’imposer la peur autour de lui.
Il essayera plusieurs fois de fonder un foyer et deviendra père de quatre enfants mais la violence, tant physique que sexuelle, qu’il impose au sein du couple, conduit à chaque fois à la séparation. Pour l’anecdote glauque, et selon le témoignage de l’une de ses anciennes compagnes, il les forçait parfois a avoir jusqu’à quinze rapports sexuels par jour.
Au final, Pierre Bodein a passé plus de temps en prison ou en hôpital psychiatrique qu’en liberté.
Parcours criminel
Multipliant les actes délictueux depuis 1969, c’est en 1973 que l’on trouve une première affaire pour laquelle il sera condamné, une affaire d’agression sexuelle. Sa victime déclara avoir été contraint et que Pierre Bodein l’avait menacé de la tué et de la jeté dans la rivière.
A peine un an plus tard, en 1974, c’est la sœur de sa première femme, 16 ans, qui l’accuse de viol. Bodein l’agresse alors qu’ils revient de la maternité où son premier fils vient de naître.
En 1976 un responsable d’un service psychiatrique le déclare atteint de schizophrénie catatonique et donc dans un état incompatible avec la détention. Bodein se plonge en effet dans le mutisme, avale ses excréments et reste cloîtré dans un fauteuil roulant.
De ce fait il obtient même une carte d’invalidité à 80 % mais, libéré en 1980, il reprend aussitôt ses braquages. Il est arrêté en 1989 et passe de nouveau pour fou. Il parvient en effet, si on estime qu’il est sain d’esprit, à bluffer tous les experts psychiatriques. Il jouera son rôle pendant trois ans, jusqu’à un jour de décembre 1992, où il quitte subitement son fauteuil roulant pour s’évader par un vasistas resté entrouvert.
Bodein entame une cavale de trois jours pendant laquelle il prend deux femmes en otage, viole l’une d’elle, braque une banque et une armurerie, force plusieurs barrages de gendarmerie avant d’être intercepté. Cet à partir de cet épisode que le surnom de Pierrot le fou lui est attribué. Il est condamné en 1996, après appel et pourvois en cassation, à 20 ans de réclusion pour cette série de quinze crimes et délits.
Pierre Bodein, peut-être pour prendre le contre-pied du surnom qu’on l’affuble, et/ou éviter l’incarcération psychiatrique à la fin de sa peine, joue cette fois-ci le détenu modèle et est ainsi libéré sous contrôle judiciaire le 15 mars 2004, quelques mois avant la fin de sa peine.
Un peu plus de trois mois se passe et il est de nouveau suspecté pour enlèvements, viols et meurtres sur une femme et deux jeunes filles mais, faute de preuve, Pierre Bodein est relâché. L’enquête progresse et il est de nouveau arrêté quatre jours plus tard, le 30 juin 2004, et mis en examen. Malgré les preuves et témoignages à charges, il nie catégoriquement les faits.
Enquête et procès
Quelques jours avant l’interpellation de Pierre Bodein, le 18 juin 2004, une fillette de 10 ans, Jeanne-Marie Kegelin, partie seule ramasser des balles autour du cours de tennis de la ville de Rhinau, disparaît. Recherchée depuis trois jours, des enfants du village pensent apercevoir le corps d’une fillette dans un camps de Gitans sédentaires d’Artolsheim. Les gendarmes interpelle huit personnes mais l’enquête même nul part.
Ce même jour, le 21 juin, une mère de famille de 38 ans, Hedwige Vallée, disparaît à la fête de la musique d’Obernai. Son corps partiellement dénudé sera retrouvé le lendemain dans un ruisseau d’une commune voisine. D’après l’autopsie elle a été probablement droguée par des calmants, puis violée et tuée à l’arme blanche. Elle présente d’atroces mutilations dans la zone du bas-ventre.
Trois jours après cette découverte macabre, le 25 juin, Julie Scharsch, 15 ans disparaît de Schirmeck. Les gendarmes s’oriente dès lors vers la piste d’un tueur en série pédophile opérant dans la région. Pierre Bodein, résidant tout près des lieux de l’enlèvement de Julie, est aussitôt suspecté et interpellé le lendemain mais est relâché faute de preuves.
Le corps sans vie de Jeanne-Marie Kegelin finit par être découvert à proximité d’un ruisseau à Valff près de Bourgheim le 29 juin. La fillette, disparu depuis 11 jours, a été déposée nue dans le cours d’eau par son agresseur. elle présente elle aussi de multiples lacérations au niveau des parties génitales et a été violée.
Les gendarmes progressent et le VTT de Julie, l’adolescente de 15 ans disparue, est retrouvé immergé dans un ruisseau à 4 km du domicile de Pierre Bodein et des traces de sang de ce dernier sont retrouvées dessus. Bodein est à nouveau interpellé le 30 juin 2004 et est mis en examen pour enlèvement et séquestration, suivis de mort pour l’affaire concernant Julie.
Le samedi 3 juillet 2004 le corps de Julie est retrouvé près du Schernetz, un cours d’eau situé sur la commune de Nothalten. Il présente lui aussi des traces de coups à l’arme blanche au niveau des parties génitales.
Quelques semaines plus tard, sa présence, le jour du meurtre de Jeanne-Marie, sur la commune d’Artolsheim est prouvée, et des traces de sang de l’enfant sur le tapis du coffre de sa voiture sont retrouvées. Pierre Bodein est mis en examen dans le viol et le meurtre de Jeanne-Marie. Après plus de deux ans d’instruction, le procès de Pierre Bodein s’ouvre le 11 avril 2007 à la Cour d’Assises de Strasbourg.
Pendant tous le déroulement du procès, Pierre Bodein nie les faits, accusant d’autres membres de sa famille, les gendarmes de falsification et parle de complots ourdi contre lui. Il réfutera les témoignages, les preuves ADN et les relevés de téléphonie mobile situant Bodein près de certaines victimes.
Il sera définitivement condamné en octobre 2008 par la Cour d’Appel de Colmar à la réclusion criminelle à perpétuité réelle. Les dix-huit personnes qui comparaissent à ses côtés sont mis hors de cause.
Profil criminel
Même si Pierre Bodein nie être l’auteur des meurtres, sa première condamnation pour agression sexuelle dépeint déjà un mode opératoire spécifique. La victime déclara en effet aux enquêteurs que Bodein l’avait menacé de la tué et de la jeté dans la rivière.
Tout au long de son parcours criminel, il fera l’objet de multiples expertises psychiatriques, souvent contradictoires. Les experts psychiatres estiment aujourd’hui que Pierrot le fou ne souffre pas de maladie mentale, ni de troubles psychiatriques. Il ne présente pas de délire de la pensée ou d’hallucination. Mais tous soulignent son extrême dangerosité et son obsession du sexe.
Les échanges de courriers qu’il a eu lors de sa précédente incarcération prouvent, sans nul doute, des traits bien particuliers. Par exemple, il rencontre un jour, par hasard, la fille de 11 ans d’un de ses codétenus et se met à lui écrire des lettres délirantes et obscènes. Puis c’est au tour de l’une de ses propres filles de subir ses fantasmes sexuels lors des parloirs et dans des lettres qui lui envoie.
A sa sortie de prison, en mars 2004, Pierre Bodein se mettra a avoir des gestes déplacés avec sa fille et, très probablement conscient de ses pulsions, disparaît début juin pour entrer en chasse. Selon certains psychiatres, les agressions qu’il a commis constitueraient des substituts à ses filles.
Sur l’éventration on pourra noté que lors de perquisition on retrouvera dans sa caravane des dessins de l’appareil génital féminin. Une sorte de fascination qui le mènera au bout de l’horreur.
Pierre Bodein a une personnalité structurée autour de la perversion et centrée sur l’immédiateté du plaisir. Il fonctionne sur un mode profondément archaïque. Même s’il présente parfois des traits à caractère hystérique, c’est surtout pour appuyer son personnage manipulateur, et non un signe de maladie mentale.