Enfant non désiré, Patrice Alègre est né le 20 juin 1968 à Toulouse d’un père policier, souvent absent et très violent, et d’une mère protectrice qui multiplie les aventures dont il sera parfois le témoin.
Le climat familiale n’aidant pas, Patrice aura une scolarité difficile, sa mère racontant qu’il était tellement agité et désobéissant en CM2 que les sœurs étaient obligées de l’attacher. L’ambiance à la maison ne va pas en s’améliorant et à 13 ans, Patrice assiste à une correction affligé à sa mère, il s’interpose et menace son père de le tuer mais sa mère le retient.
Patrice Alègre sera par la suite confié à sa grand-mère. Il quitte l’école en quatrième et tombe petit à petit dans la délinquance, du vol au trafic de drogues. Il s’échappe du foyer familiale pour se retrouver à la rue à l’age de 13 ans. Il dira à ses psychiatres avoir subi une agression sexuelle à cette période. Son père policier essaie de gommer les délits à répétition de Patrice, non pas pour aider ce dernier mais surtout pour protéger son honneur. Le père finit par appeler un juge des enfants et Patrice est placé en maison de correction à l’age de 15 ans.
A peine un an plus tard, pendant une fête, Patrice, saoul, flirte avec une fille, l’entraîne dans un coin du parc, mais face au refus de celle-ci d’aller plus loin dans la relation, il tente de l’étrangler.
En janvier 1988, il rencontre Cécile, avec qui il aura une fille mais malgré la relative stabilité de sa vie amoureuse, il plonge toujours davantage dans le crime.
Au début de l’année 1988, Patrice Alègre travaille en tant que barman au buffet de la gare Matabiau, à Toulouse. Il y croise Valérie Tariote, 21 ans, serveuse dans le même café. Patrice et Valérie sympathisent et des relations amicales se nouent. Mais un soir de février 1989, le 21 précisément, leur relation dégénèrent car il veut plus et face au refus de Valérie, Alègre l’étrangle avant d’abuser d’elle.
Entre temps, sa fille naît mais cela n’aura aucun impact sur les pulsions de Patrice et, sept mois après la naissance de sa fille, le 24 janvier 1990, il viole et étrangle Laure Martinet, 19 ans. Etudiante, elle suivait des cours à Toulouse et habitait dans le même village que Alègre et sa famille, à Saint-Geniès-Bellevue. Son corps sera retrouvé trois jours plus tard, dans un fossé de Bonrepos-Riquet, par deux promeneurs.
En 1994, Alègre, dans une altercation avec un autre homme, sort une arme mais celle-ci s’enraye. Il est interpellé et part en prison huit mois pour coups et blessures volontaires.
Le 16 février 1995, après une nouvelle dispute conjugale, Cécile obtient de la police que Patrice Alègre quitte leur appartement. Il s’installe chez sa maîtresse Sylvie Prouilhac, gérante de la discothèque Planète Rock à Toulouse et s’y fait embaucher comme videur. Mais elle le renvoie au bout de huit mois à la suite d’une crise de violence.
Le 11 février 1997, Martine Matias 29 ans, croise Patrice dans un fast-food. On ne la reverra pas vivante. Comme les autres, Alègre n’a pas supporté qu’elle lui résiste. Il l’a étranglée, puis violée avant de mettre le feu à son appartement.
Dix jours plus tard, dans un bar toulousain, il croise une jeune femme de 21 ans, Emilie Espès. Ils passent plusieurs heures ensemble et sympathisent. Le lendemain soir soir, Patrice Alègre profite de son sommeil pour tenter de l’étrangler et de la violer. Emilie se réveille et réussi à lui parler. Peu à peu elle le calme et Patrice l’épargne.
Six mois plus tard, Alègre se rend en Ariège, au pied des Pyrénées pour un méchoui, il y rencontre Mireille Normand, 35 ans. Alègre, venu s’installer chez elle à sa demande, pour réaliser divers travaux, tente d’avoir des rapports mais face à son refus il l’a tue le 19 juin 1997. Trois semaines plus tard, le frère de Mireille, inquiet, se rend chez elle et découvre de la terre fraîchement retournée. La fouille entreprise par les gendarmes permet de retrouver le corps de Mireille. L’autopsie montre qu’elle a été étranglée et violée.
Le témoignage d’Emilie Espès avait déjà permis, une première fois, de mettre les enquêteurs sur la piste d’Alègre mais c’est l’identification sur photo par différents témoins qui va lancer la traque du tueur en série.
Patrice Alègre a lui quitté la France. Localisé en Espagne, en Allemagne, puis en Belgique, il revient à Paris où il se fait héberger par Isabelle Chicherie, avec qui il a sympathisé lors de son passage en Espagne. Dans la nuit du 3 au 4 septembre 1997, elle refuse un rapport sexuel. Il l’étrangle, puis la viole avant de mettre le feu à son appartement.
Ayant mis sur écoute les proches d’Alègre, les gendarmes leur demandent de collaborer et d’indiquer à Alègre un point de chute à Châtenay-Malabry. Il s’y rendra et se fera arrêté le 5 septembre 1997.
Enquête et procès
Patrice Alègre est mis en examen en septembre 1997 pour le meurtre et le viol d’Isabelle Chicherie. Il avoue deux autres assassinats précédés d’agressions sexuelles.
Le procès de Patrice Alègre débute 4 ans et demi plus tard, en février 2002, devant la Cour d’Assises de Haute-Garonne, pour cinq meurtres, une tentative de meurtre et six viols. Il est condamné à la réclusion criminelle à perpétuité assortie d’une période de sûreté de vingt-deux ans.
En avril 2003, le Procureur de la République de Toulouse a ouvert une information judiciaire contre Patrice Alègre pour viols aggravés et complicité et pour proxénétisme en bande organisée suite à la déclaration de deux prostitués. Mais la chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Toulouse confirme le non lieu général en juillet 2005 dans le volet viols et proxénétisme de l’affaire. Il a par la suite obtenu des non-lieu dans quatre autres dossiers de crimes non élucidés, en juillet 2008.
L’affaire Alègre garde des zones d’ombre car certains meurtres avaient été déclarés en suicides jusqu’à l’arrestation d’Alègre, et ce malgré la présence d’un foulard au fond de la gorge d’une victime par exemple. Plusieurs témoins affirment que le tueur a été longtemps protégé par des policiers et par un haut magistrat.
On dénombre pas loin de 200 assassinats non élucidés dans la région et beaucoup estime que les cinq meurtres et six viols, pour lesquels Patrice Alègre a été condamné, ne soient que la partie émergée de l’iceberg.
Profil criminel
Patrice Alègre réunit les caractéristiques des serial killer. Il possède notamment une signature caractéristique qui consiste a déshabiller entièrement ses victimes en ne leur laisse que leurs chaussettes.
Les experts psychiatriques ont formulé un pronostic très pessimiste sur ses chances de guérison, du fait de son penchant pervers et narcissiques. Il décrit ses crimes avec beaucoup de froideur et recherche le sentiment de toute-puissance sur les autres.
Du fait des viols systématiques de ses victimes, alors plongées dans un état d’inconscience, on le soupçonne de conduites nécrophiles et Alègre ne nie pas en répondant simplement ignorer si elles sont vivantes ou non au moment du viol, « puisque je ne sais pas quand elles sont mortes. »
Alègre a subi des traumatismes désorganisateurs précoces liés aux débordements sexuels maternels, les psychiatres évoquent l’hypothèse de matricides déplacés. L’enfant perturbé par les ébats de sa mère retrouve adulte la même ambiance de fête et d’ivresse dans les situations criminelles. Pour les experts, les viols et meurtres seraient une façon de réaliser «l’inceste» puis d’annuler «cet inceste horrifiant»: «L’enfant impuissant et terrorisé autrefois par les gémissements maternels, en proie à une excitation» alors inassouvie, «devient l’adulte tout-puissant et terrorisant qui supprime ces gémissements en étranglant ses victimes.»