1996, en pleine canicule estivale, éclate la « tuerie de Saint-Didier ». A deux pas de ce petit village d’Ille-et-Vilaine, dans une ferme tranquille, cinq personnes, dont deux gendarmes, sont tuées de sang-froid par le propriétaire du château voisin.
Pour ces « assassinats et tentatives », Joseph Allain, 55 ans au moment des faits, comparaît à partir d’aujourd’hui devant les assises d’Ille-et-Vilaine. Depuis qu’il avait acquis le manoir du Val, un an plus tôt, les villageois de Saint-Didier l’avaient surnommé « le châtelain ».
A 55 ans, Joseph Allain, ancien marin devenu chef d’une petite entreprise, était une figure locale. Roulant en 4 x 4 ou en grosse BMW, sa carrure imposante et son collier de barbe étaient connus de tous. Ses frasques aussi. Père de famille, en instance de divorce, l’homme entretenait une liaison de plus en plus tumultueuse avec Solange Brillet, une institutrice de 35 ans installée dans une longère jouxtant le château.
L’institutrice avait finalement porté plainte auprès de la gendarmerie
Depuis quelques mois, la jeune femme, soucieuse de discrétion, repoussait les avances de son encombrant voisin. En réponse, les pneus de sa voiture avaient été crevés plusieurs fois. De guerre lasse, l’institutrice avait finalement porté plainte auprès de la gendarmerie. Irascible, accoutumé à boire une bouteille de whisky par jour, Joseph Allain a-t-il, à ce moment-là, prémédité le macabre scénario du 5 août 1997 ? Ce qui s’est passé ce soir-là est-il le sanglant résultat d’un dépit amoureux incontrôlé ? Mis « dans une colère monstrueuse », selon ses propres déclarations, par une nouvelle rebuffade de sa maîtresse, c’est un Joseph furieux qui déboule chez Solange Brillet, peu avant 18 heures, un fusil de chasse à la main. Autour de la table, toute la famille est réunie. Depuis la cour, Joseph Allain commence par viser son amante qui, blessée à l’épaule, parvient à fuir chez des voisins pour donner l’alerte. Comme encouragé par la vue du sang, le chef d’entreprise se rend dans la pièce principale. Là, il tue à bout portant le père de Solange, le frère de la jeune femme, Patrick, handicapé moteur. La mère de son amante, recroquevillée dans un coin, est également abattue. Prévenus par les voisins qui ont recueilli l’institutrice en sang, deux gendarmes sont dépêchés sur les lieux. Joseph Allain, montrant ses mains vides, fait d’abord mine de se rendre. Puis il bondit sur son fusil, caché dans un buisson, et abat les deux hommes. Thierry Esnault et Didier Curot, 33 et 31 ans, étaient tous deux pères de famille. Venu à la rescousse, leur adjudant, Gérard Le Ber, se retrouve face à Allain qui a troqué le fusil de chasse pour un coupe-coupe. Ce n’est qu’en lui tirant dans l’abdomen que le gendarme parviendra, finalement, à neutraliser le tireur fou. Le procès du « châtelain » est prévu pour une durée de cinq jours. Le prévenu encourt la réclusion criminelle à perpétuité