En 1949, tandis que la police britannique enquêtait sur la disparition d’une femme, les soupons se portèrent sur l’un de ses proches. Arrogant, ce dernier pensait que les forces de l’ordre ne pourraient rien contre lui en l’absence de cadavre. Il leur raconta comment il avait bu le sang de la disparue, avant de se débarrasser du corps en le plongeant dans un bain d’acide. Cette victime n’était hélas que la dernière en date d’une série de meurtres perpétrés par celui que la presse allait bientôt surnommer » le vampire au bain d’acide »
Enfance
John George Haigh naquit le 24 juillet 1909 dans le Yorkshire. Enfant unique, il fut élevé par ses parents membres de la secte religieuse » Peculiar People « . Pour ces puristes anticléricaux, le monde était mauvais. John Haigh ne devait pas s’amuser avec les autres enfants ni même faire du sport. Ses parents lui apprirent à prêter attention à chacun de ses gestes, qui ne devaient pas offenser le Seigneur. Son père, qui avait une marque sur le front, lui affirmait que c’était le signe du diable en réponse à ses péchés. Le jeune Haigh ne devait en aucun cas refaire les mêmes erreurs. L’enfant, devenu anxieux à cette idée, guettait sans cesse l’apparition éventuelle d’une telle marque. A cette époque, il développa également une aversion à la saleté qui le contraignit, été comme hiver, à porter des gants tout au long de sa vie.
Le jeune John Haigh finit par comprendre que les mensonges qu’il racontait à ses parents se révélaient sans conséquence. Pour se faciliter la vie, il inventait des histoires et disait à ses parents ce qu’ils voulaient bien entendre. C’est ainsi qu’il pu s’adonner à sa passion pour la musique dans les chœurs d’une cathédrale de la région. John Haigh composait ainsi dans deux mondes radicalement opposés.
La quête d’argent
Très jeune, il eut plusieurs emplois dont celui de conseiller en assurances qui lui assura un revenu plutôt aisé pendant un temps. A 21 ans, il fut suspecté de vol et perdit son poste. En 1934, il se maria mais fut emprisonné quatre mois plus tard. John Haigh voulait gagner de l’argent facilement en escroquant les gens. Ses magouilles le conduisirent plusieurs fois en prison.
Entre deux incarcérations, il fut engagé par William McSwan (qui deviendra plus tard sa première victime). Ayant des passions communes, les deux jeunes gens sympathisèrent rapidement. Content de son employé, William McSwan, le présenta à ses parents. Après un an de collaboration, John Haigh démissionna pour monter sa propre affaire. Reprenant ses habitudes, il monta de fausses entreprises qui lui valurent cette fois des incarcérations de quatre, puis de deux ans.
C’est en prison que John Haigh mis en place un plan pour gagner davantage d’argent sans être inquiété par la police. Il comptait tuer de vieilles femmes riches puis faire disparaître leur corps. Avec de l’acide sulfurique volé dans l’atelier de la prison, il fit des essais sur des souris.
La famille McSwan
Une fois libre, John Haigh continua ses fraudes. Il loua un sous-sol qu’il aménagea avec des bacs d’acide. Il renoua avec la famille McSwan, heureuse de le revoir. Son empathie lui permit d’en savoir plus sur leurs récents investissements. Le 6 septembre 1944, il tua William McSwan en le frappant à la tête puis, selon ses dires, il l’égorgea pour boire son sang. John Haigh dépouilla ensuite sa victime de ses biens avant de se débarrasser du corps dans l’acide. Ce meurtre facile, et surtout l’absence de cadavre, lui procurèrent une véritable euphorie. Il annonça aux parents McSwan que leur fils était parti à l’étranger et prit soin de leur envoyer de fausses cartes postales.
Selon le même mode opératoire, John Haigh se débarrassa des parents McSwan en juin 1945. Il annonça à leur propriétaire leur départ pour l’Amérique et se fit livrer dans le même temps leurs courriers. De fausses signatures lui permirent de disposer de toute la fortune des McSwan. Leur disparition ne fut jamais signalée.
Le couple Handerson
Peu de temps après son forfait, John Haigh emménagea dans un hôtel de Kensington où séjournaient de riches veuves. Il s’inventa une fausse société. Dès la fin de l’année 1947, ayant dépensé toute la fortune des McSwan, John Haigh chercha de nouvelles proies. Il releva une annonce immobilière de M. et Mme Henderson avec qui il se lia rapidement d’amitié. Partageant un intérêt commun pour la musique, John Haigh fréquenta régulièrement ce couple aisé durant cinq mois.
John Haigh loua un entrepôt à Crawley. Le 12 février 1948, il tua M. Henderson avec un revolver qu’il lui avait volé auparavant. Puis il parvint à convaincre Mme Henderson de l’accompagner à Crawley, où il la tua également. La contrefaçon d’une lettre d’Henderson lui donna accès à toutes leurs possessions. John Haigh liquida tout puis envoya de faux courriers au frère de Mme Henderson ainsi qu’à leurs connaissances, signalant leur émigration en Afrique du Sud…
Olive Durand-Deacon
En juin 1948, John Haigh signala à la police le vol de sa voiture. Elle fut découverte au fond d’un gouffre. Non loin, la police trouva le corps d’une femme non identifiée mais les deux affaires ne furent pas reliées. A la fin de l’année, John Haigh contractait déjà des dettes, ayant notamment dépensé de fortes sommes au jeu. Plusieurs tentatives pour appâter de futures victimes échouèrent, jusqu’à ce qu’une de ses voisines, Olive Durand-Deacon, l’approcha pour une affaire. John Haigh tua cette riche veuve selon sa méthode habituelle, avant de revendre ses biens.
Le 20 février 1949, John Haigh et Constance Lane (une proche amie de la victime) signalèrent à la police la disparition de Mme Durand-Deacon. Selon le témoignage de Haigh, elle avait rendez-vous avec lui mais ne serait jamais venue. Le Directeur de l’hôtel reporta à la police les nombreux impayés de Haigh. L’inspectrice chargée de l’enquête s’interrogea sur ce personnage qui côtoyait de riches vielles femmes. Après enquête, les inspecteurs découvrirent que John Haigh avait déjà été arrêté à plusieurs reprises pour escroquerie. Il devint alors leur suspect numéro un. Haigh, avenant et poli, se révélait parfaitement coopératif avec les forces de l’ordre.
Arrestation
L’enquête démontra que le suspect n’était pas, contrairement à ce qu’il affirmait, le Directeur de la société » Hurstlea Products » à Crawley. Les inspecteurs perquisitionnèrent le local loué par Haigh et y trouvèrent un revolver (ayant récemment servi), ainsi que des documents aux noms des Henderson et des McSwan. Sur un reçu de nettoyage, figurait la mention d’un manteau de fourrure ayant appartenu à Mme Durand-Deacon. Un bijoutier témoigna au sujet de bijoux reçus le lendemain de la disparition de Mme Durand-Deacon. Ces derniers s’avèrèrent appartenir à la disparue. L’assistant du bijoutier reconnut en John Haigh le client concerné.
Dans le même temps, la police reçut le témoignage du frère de Rose Henderson, signalant sa disparition. Haigh aurait été le dernier à l’avoir vue. Après avoir menti au sujet des bijoux et inventant une histoire de chantage, John Haigh finit par avouer. Les inspecteurs en charge de l’affaire demandèrent l’aide de Scotland Yard. Le local fut minutieusement fouillé ainsi que le terrain attenant, où Haigh déversait les résidus de ses bacs d’acide. Ils y découvrirent des preuves accablantes : restes humains (calculs biliaires, débris d’os, graisses, un pied gauche (qu’Haigh déclara être celui de M. Henderson), des dents, ainsi qu’un morceau de sac, un étui de rouge à lèvres et une épingle à cheveux. Dans le local, des traces de sang résultant des coups de feu étaient nettement visibles.
La soif de sang
John Haigh relata en détail ce qu’il avait fait à Mme Durand-Deacon : après lui avoir tiré dans la tête, il but un verre de son sang. Haigh avoua ensuite avoir déjà tué cinq autres personnes selon le même mode opératoire. Selon lui, un besoin soudain et irrépressible de boire du sang le poussait à tuer. La nuit précédant les meurtres, il expliquait faire des rêves où il voyait des crucifix ensanglantés. Il annonça également être fasciné par le sang depuis son enfance. Il évoqua sa mère qui le punissait en lui frappant les mains. C’est à cette époque qu’il commença à goûter son propre sang et à faire des rêves ensanglantés. Des crucifix, plantés comme des arbres, se mettaient à saigner. Un homme recueillait le sang pour le lui donner à boire. Il évoqua également un accident de voiture qu’il avait eu en 1944, et qui aurait généré une nouvelle fascination pour ses blessures et ses saignements.
Douze médecins et quatre psychiatres l’examinèrent durant sa détention. John Haigh persistait à évoquer son besoin de boire du sang humain, mais la majorité du personnel médical qui l’examina ne croyait pas en sa prétendue folie. L’excitation à la vue du sang est toujours accompagnée de pulsions sexuelles, ce qui n’était pas le cas chez Haigh. Au cours de ses incarcérations, et même durant son arrestation dans l’affaire de Mme Durand-Deacon, Haigh posait des questions sur les maladies mentales. Il avait également noué des liens d’amitié avec un employé d’un hôpital psychiatrique et il finit ainsi par penser bien connaître le sujet.
Un seul psychiatre le catalogua comme paranoïaque mais son diagnostic ne déboucha pas sur la folie. Ce spécialiste signifia que John Haigh fut marqué durant son enfance par le fanatisme et la paranoïa de ses parents. Haigh se croyait plus intelligent que les autres, voir omnipotent. Souffrant de paranoïa égocentrique, Haigh aimait tirer avantage des autres et les manipuler par ses mensonges. Avec ses meurtres non signalés, il se sentait même au dessus de la loi.
Son procès pour le meurtre Mme Durand-Deacon débuta le 18 juillet 1949. La presse s’empara de l’affaire en exacerbant notamment l’aspect vampirique du meurtrier, utilisant des gros titres comme » Chasse au vampire « . Le Daily Mirror proposa de l’argent à Haigh pour des interviews exclusives. Ce goût du sensationnel ne plut pas à la Cour, qui porta plainte contre le Daily Mirror. La défense monta son dossier en plaidant la folie, mais l’avis du psychiatre ne fut pas suffisant. Ce spécialiste finit par admettre que John Haigh restait conscient de ses actes et simulait la folie pour justifier ses crimes. Haigh fut jugé coupable et condamné à mort. De nouveaux examens psychiatriques suivirent le procès et confortèrent la simulation de John Haigh. Il termina d’écrire son autobiographie pour la presse et accepta qu’on réalise un moulage de son visage pour le musée des horreurs de Madame Tussaud.
John Haigh fut exécuté le 6 août 1949.
John Haigh était un tueur en série avide d’argent. Il tuait ses proies pour s’emparer de leur fortune puis dissolvait leurs corps dans l’acide. Persuadé que l’absence de cadavres garantirait son innocence, il avoua librement ses meurtres à la police. A ce jour, on ignore toujours s’il ressentit réellement le besoin de boire du sang humain, ou s’il s’agissait uniquement d’une manœuvre pour tenter d’échapper à la justice en simulant la folie. Quelle que soit la vérité, il fait désormais partie de la liste des tueurs ayant la réputation d’avoir été un vampire humain.