Dans la nuit du 24 au 25 décembre 1972. La famille Méchinaud au complet passe le réveillon de Noël chez des amis à Cognac, rue de la Plante. Il y a Jacques Méchinaud, le père, âgé de 31 ans, sa femme Pierrette 29 ans, et leurs deux enfants Éric, 7 ans, et Bruno, 4 ans. Vers une heure du matin, la famille prend congé de leurs hôtes et monte dans la Simca 1100 familiale (de couleur grenat). Ils prennent alors la direction de leur domicile situé dans le village de Boutiers saint-Trojan, à moins de 4 kilomètres de là. Ils n’arriveront jamais à destination et plus personne ne les reverra jamais.
L’enquête
Une semaine après, alertés par les parents de Jacques Méchinaud sans nouvelles de leur fils, les gendarmes investissent la maison des Méchinaud. Dans le réfrigérateur, ils trouvent une dinde avariée ainsi que des huîtres, également avariées. Sous le sapin de Noël traditionnellement décoré, trônent les cadeaux encore emballés des deux enfants. Sur la table du salon, un carnet de chèques. Aucun vêtement ou effet personnel de la famille ne manque.
Après quelques semaines d’enquête, l’image de la famille sans histoire semble voler en éclats. Pierrette avait un amant depuis quelques mois (Maurice Blanchon, un voisin du village), songeant à divorcer, et selon le frère de Jacques Méchinaud et un de ses collègues de l’usine Saint-Gobain de Chateaubernard, Jacques Méchinaud l’aurait découvert depuis peu de temps. Mais aucun élément de l’enquête ne permet de privilégier cette piste plus qu’une autre comme étant l’élément déclencheur de cette disparition jusqu’à preuve du contraire.
Dans les mois et les années qui suivent la disparition de la famille, des fouilles de grande ampleur sont organisées autour de Cognac, puis dans une grande partie de la région. De même que le fleuve Charente sera dragué sur des kilomètres durant un long moment, mais aucune découverte notable ne permettra de faire avancer l’enquête.
Depuis 45 ans, à intervalles réguliers, des nouvelles fouilles sont entreprises et le fleuve régulièrement inspecté de nouveau. Comme par exemple récemment en 2011, 2012, 2013.
De plus, à chaque découverte de nouveaux ossements quelque part en Charente, des analyses sont effectuées dans l’espoir qu’elles mènent enfin à une découverte concrète dans cette affaire. Toujours en vain à ce jour.
Cette affaire des disparus de Boutiers est un cas absolument unique à ce jour dans les annales judiciaires Françaises, puisque c’est la seule affaire en France où, après la disparition d’une famille entière, aucun des corps n’a jamais été retrouvé, ni la voiture, et où l’on ne dispose ni du moindre témoignage ou du moindre indice, ni rien qui permettrait d’orienter l’enquête. Mauvaise rencontre nocturne ? Suicide collectif ? Assassinat de la famille par le père, avant que lui-même ne mette fin à ses jours ou ne s’enfuie ? Fuite précipitée de la famille à l’étranger pour y refaire leur vie ? Toutes ces pistes (et d’autres encore) ont été explorées par les gendarmes chargés de l’enquête, mais à ce jour, nul ne sait ce qui est arrivé à la famille Méchinaud en cette nuit du réveillon de Noël 1972, et le mystère reste entier.
Les nouvelles opérations de recherche, effectuées ces dernières années, et profitant des nouvelles technologies modernes mise en œuvre par la Police Technique et Scientifique de la Gendarmerie, portent le nom de « Bruneri 47 », du nom des deux enfants du couple Méchinaud, Bruno et Eric, et de l’âge de ces enfants au jour de la disparition de la famille (4 et 7 ans). Une boite mail a aussi été ouverte à ce nom, destinée au public, et aux personnes qui voudraient écrire aux forces de Police pour éventuellement leur fournir de nouveaux témoignages ou de nouvelles informations susceptibles de faire avancer l’enquête.
Pour mémoire : Une adresse internet destinée à recueillir tout renseignement utile à la disparition de la famille Méchinaud est ouverte par la gendarmerie de Cognac depuis l’automne 2011 : bta.cognac@gendarmerie.interieur.gouv.fr
Retour sur les dernières pistes explorées
(SUD-OUEST du 25 décembre 2014)
L’inexplicable disparition de la famille Méchinaud en Charente dans la nuit de Noël 1972 reste à l’esprit des enquêteurs. Différentes pistes ont été explorées depuis deux ans, en vain…
C’était il y a quarante-deux ans. La famille Méchinaud disparaissait à bord d’une Simca 1 100 dans la nuit de Noël 1972, après avoir passé le réveillon chez des amis cognaçais, rue des Plantes. Jamais on n’a retrouvé la trace de Jacques, 31 ans, ouvrier à l’usine verrière Saint-Gobain de Châteaubernard, sa femme Pierrette, 29 ans, et leurs enfants Éric, 7 ans, et Bruno, 4 ans. Restent des détails de circonstance qui font froid dans le dos : dans la maison des Méchinaud, à Boutiers-Saint-Trojean, les gendarmes trouveront trois semaines plus tard les cadeaux au pied du sapin, une dinde et des huîtres avariées au frigo. Une famille volatilisée sur fond de dissension conjugale : Pierrette a pour amant un voisin du village et songe à divorcer.
De nouvelles recherches sont lancées en 2011 avec des outils modernes.
Début des années 2010. Désireux de vendre un terrain en indivision hérité de leurs parents, le frère et la sœur de Jacques Méchinaud se retrouvent confrontés au vide juridique laissé par la disparition de celui-ci. Ils sollicitent Nicolas Jacquet, alors procureur de la République d’Angoulême, qui se résout à lancer de nouvelles recherches avec les technologies dernier cri : deux jours durant, en novembre 2011, la Charente et plusieurs points d’eau alentours comme les cavités de Saint-Même-les-Carrières avaient été sondées, en vain. L’enquête ouverte par le parquet d’Angoulême n’a pas été bouclée pour autant : depuis, plusieurs actes y ont été versés, signe que les disparus restent à l’esprit des enquêteurs.
- L’espoir de la chênaie de Courcerac
Les ossements d’un adulte et d’un enfant abandonnés à l’orée d’un bois de Courcerac, près de Matha (17), vingt-deux kilomètres au nord de Boutiers : révélée par « Sud Ouest » en décembre 2012, la découverte d’un cueilleur de cèpes avait été prise d’autant plus au sérieux que l’âge des ossements était alors estimé à « plus de 40 ans » par un médecin légiste. Le laboratoire bordelais du Dr Christian Doutremepuich en a extrait de l’ADN mitochondrial, non sans difficulté, ADN ensuite confié pour comparaison au laboratoire de l’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN), à Rosny-sous-Bois. Les recoupements avec l’ADN de parents de la famille disparue n’ont rien donné.
- Une Simca 1 100 dans la Charente !
L’opération s’est déroulée dans la plus grande discrétion, le 7 octobre 2013, entre l’écluse et le pont de Basseau. Aussi incroyable que cela puisse paraître, la présence d’une Simca 1100, de couleur plus ou moins identique à celle de la famille Méchinaud, c’est-à-dire rouge grenat, est signalée dans le lit de la Charente. Les gendarmes plongeurs de la brigade nautique de La Rochelle interviennent, le véhicule est remonté à la surface. Las, ni la plaque d’immatriculation, ni le numéro de châssis frappé, que les enquêteurs ont pris soin de recouper, ne correspondent au véhicule disparu.
Photo Sud-Ouest – La Charente, entre le pont et l’écluse de Basseau : une improbable Simca 1100 y a été repêchée dans la plus grande discrétion, en octobre 2013.
- Sept dépouilles mis au jour à Cognac
Dernier acte versé, pas plus tard qu’en octobre dernier, rue de la Providence, à Cognac. En brisant une dalle pour faire place nette dans son jardin, un propriétaire met au jour des ossements. Il est alors question de trois adultes et un enfant. L’endroit a beau recouper l’emprise d’un ancien cimetière mérovingien, l’enquête est confiée à la gendarmerie, gage présumé que l’hypothèse disparus de Boutiers n’est pas tout à fait exclue. Au total, des dizaines d’ossements sont récoltés sur place. Soit sept dépouilles différentes : cinq adultes et deux enfants ou adolescent, le tout étant confié à l’IRCGN. Les conclusions des techniciens ne laissent guère de place au doute : après datation par méthode colorimétrique, le délai post-mortem est « estimé à plus de 90 ans » selon un rapport rendu début novembre. Par acquis de conscience, l’ADN sera toutefois comparé avec celui des parents de la famille Méchinaud que l’IRCGN a désormais sous la main.
Écoutez l’émission de Jacques Pradel sur cette disparition.
48 ans… et pas un « foutu » indice
C’est une des affaires parmi les plus mystérieuses des annales judiciaires françaises. « La plus insensée parce qu’il n’y a aucune piste, pas un seul foutu indice », témoigne un officier de gendarmerie qui s’est passionné pour cette affaire. En 2011, l’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN) avait tenté de résoudre l’énigme. Étangs sondés, sols scannés, prélèvements réalisés dans une maison abandonnée. Sans résultat. Le 23 janvier 1973, Paul Boujut écrivait dans Charente Libre: « On frémit à la pensée du drame qui a pu se jouer cette nuit de Noël dans ce brouillard épais. » Le 28 mars, il ajoutait: « Seul le hasard permettra un jour peut-être d’élucider cette mystérieuse disparition »
Dates clés
24 décembre 1972. Après un repas partagé chez des amis, la famille Méchinaud quitte la rue de la Plante à Cognac pour rejoindre sa maison de Boutiers. Plus personne ne reverra Jacques Méchinaud, le père, 31 ans, ouvrier chez Saint-Gobain, sa femme Pierrette, 29 ans, et les deux enfants Éric, 7 ans, et Bruno, 4 ans.
Janvier 1973. La gendarmerie lance une enquête dix jours après la disparition. Un hélicoptère scrute
le lit de la Charente, afin de repérer l’éventuelle présence de la Simca 1100. Les recherches restent vaines. Toutes les pistes sont envisagées: accident, suicide collectif, meurtre, départ à l’étranger…2011 et 2012. L’enquête est une première fois relancée. Plusieurs cours d’eau sont à nouveau sondés, des carcasses de voitures et des ossements retrouvés à à Courcerac (17) expertisés… Mais rien n’est lié à la disparition des Méchinaud.