Le 15eme siècle en Europe de l’Est était très mouvementé. Le Saint-Empire Romain Germanique et les autres pays chrétiens d’Europe de l’ouest, étaient sérieusement menacés par la poussée de l’Empire Ottoman. Les régions situées entre les deux constituaient le dernier rempart de la chrétienté catholique et orthodoxe contre les musulmans. La Valachie, une des trois principautés médiévales à l’origine de la Roumanie actuelle, a été dirigée pendant six générations par la famille de Vlad III.
Famille et enfance
Vlad III est né en 1431 à Schassburg (l’actuelle Sighisoara). Cette même année, son père, Vlad II, alors commandant de frontière, intégra l’Ordre du Dragon (un ordre chevaleresque créé par Sigismond, Roi de Hongrie, sur le modèle de l’ordre de Saint Georges). Il prit le surnom de Dracul ( » dracul » signifie » diable »). Le dragon devint le symbole de la famille, que l’on retrouvera sur leur blason et sur les monnaies de l’époque. Vlad II devint prince de Valachie en 1436.
Vlad III passa ses premières années à la cour à Targoviste (capitale de la principauté de Valachie). A cette période, la politique de son père était plutôt neutre. En 1442, le sultan Murad II exigea comme garantie que deux des fils de Vlad II lui soient envoyés comme otages. Vlad III fut conduit en Turquie, avec son jeune frère Radu. Cette période de captivité joua un rôle décisif dans sa vie, car il sera marqué dès son enfance par la violence, les guerres et les trahisons.
En 1447, son père et son frère Mircea furent assassinés par les boyards (nobles des cours médiévales d’Europe de l’est) de Targoviste, soutenus par Jean Hunyadi, gouverneur de Hongrie. Hunyadi put alors placer son protégé, Vladislav sur le trône de Valachie.
Lutte pour le trône et contre les Turcs
Lorsque la nouvelle de la mort de son père arriva en Turquie, Vlad III fut relâché et obtint l’appui du sultan pour renverser Vladislav. Radu l’Elégant (son surnom !) resta volontairement en Turquie, où il se convertit à l’Islam et devint l’amant de l’héritier du sultan. En 1448, Vlad III profita de l’absence de Vladislav pour s’emparer du trône. Mais il dut l’abandonner deux mois plus tard lorsque Vladislav revint. Il s’exila en Moldavie où il passa les années suivantes à organiser la reconquête de son pays.
En 1456, il réussit à remonter sur le trône pour une durée de six ans. Pour garder sa place, il centralisa l’autorité et élimina sans pitié ses opposants. Il devint l’un des plus ardents défenseurs de son pays, face aux tentatives d’invasion des Turcs. C’est à cette époque qu’il obtint le titre de Voïvode (terme slave signifiant » commandant militaire » ou » chef suprême « ) Dracula et le surnom de Tepes. Ce terme signifie » l’empaleur » en roumain. Il tuait sans distinction hommes, femmes, enfants ou vieillards, les survivants finissant empalés. Les Turcs n’avaient pas forcément connaissance de ses réelles forces militaires mais craignaient sa cruauté. En 1458, ses victoires lui permirent d’attaquer l’ennemi sur son propre territoire.
En 1462, sous la pression des Turcs, il dut s’enfuir en Transylvanie. Son allié, le roi hongrois Mathias Corvin ne souhaitait pas s’impliquer davantage dans une guerre contre les Turcs. Vlad Tepes fut alors emprisonné pendant près de dix ans. Les Turcs placèrent son frère Radu sur le trône de Valachie. Il y resta épisodiquement jusqu’en 1474 où il mourut de syphilis.
Ce n’est qu’en 1476 que le roi de Hongrie, en guerre contre les Turcs à cette période, rendit le trône de Valachie à Vlad Tepes. La même année, il fut assassiné à Bucarest. Les circonstances de sa mort restent obscures et personne ne sait exactement ce qu’il advint de sa dépouille…
Origines de la légende
Le châtiment du pal permettait à Vlad Tepes d’entretenir un climat de terreur chez ses ennemis. Selon la légende, il aurait empalé des centaines de milliers de personnes ! C’était un souverain cruel et inflexible : tous les crimes, quelle que fut leur gravité, étaient punis de mort. De là découlent un grand nombre de légendes qui mirent en avant les aspects négatifs de son règne. Ces histoires proviennent notamment des pamphlets allemands du 15eme siècle et des anecdotes colportées par ses adversaires (marchands saxons ou boyards transylvaniens souhaitant conserver leurs privilèges). Mathias Corvin, roi de Hongrie, avait également entretenu cette réputation. Il cherchait alors à justifier son appui pour Radu, alors qu’il avait auparavant soutenu Vlad Tapes.
Il était dit que Vlad Tepes enterrait ses ennemis vivants, les faisait rôtir ou bouillir. Il suffisait qu’une femme soit jugée paresseuse pour mériter l’empalement. Voici quelques anecdotes illustrant sa terrible réputation :
- Pour débarrasser ses terres des mendiants et des infirmes, il les rassembla tous et leur offrit une grande fête. Une fois le repas terminé, il fit fermer les portes et incendier le bâtiment.
- Des ambassadeurs étrangers eurent le malheur de garder leurs turbans lors de leur salut à la cour. Vlad Tepes les leur fit alors clouer sur la tête.
- Pour s’assurer que le vol avait disparu de son pays, il fit placer une coupe en or auprès d’une fontaine. Personne n’osa la dérober, tous craignaient le châtiment de Vlad Tepes.
- Un étranger en visite osa se plaindre de l’odeur des cadavres qui pourrissait sur des pals. Vlad Tepes le fit empaler sur un tronc plus grand que les autres afin qu’il ne fut plus gêné par l’odeur.
- Souhaitant se venger des boyards, responsables de la mort de son père et de son frère Mircea, Vlad Tepes les arrêta tous. Il fit empaler les plus vieux et obligea les autres à marcher sur une centaine de kilomètres puis à construire une forteresse. Les survivants furent ensuite empalés à leur tour. Vlad Tepes pu créer ainsi une nouvelle noblesse parmi ses paysans. La forteresse est, dit-on, l’actuel château de Bran.
Bram Stoker a utilisé le nom de Dracula pour son roman paru en 1897. Il ne s’est pas directement inspiré de la vie du souverain, mais plutôt de sa réputation sanglante. Depuis, la Transylvanie et le nom » Dracula » sont liés aux vampires dans l’imaginaire du grand public. A noter que Vlad Tepes reste un héros national pour les Roumains et que le roman Dracula fut interdit dans leur pays jusqu’en 1989 (chute du régime de Ceoucescu).