Edward Gein est né au tout début du 20ème siècle à La Crosse, une petite ville au beau milieu du Wisconsin, un état fortement boisé, à l’époque peuplé essentiellement de fermiers et de chasseurs. Il était le second fils d’Augusta et de George Gein ; le premier, Henry, étant son aîné de 7 ans. Augusta Gein avait prié en vain pour avoir une fille car elle en était arrivée à haïr les hommes.
Religieuse fanatique, elle était déterminée à élever ses garçons selon un code moral très strict et se jura qu’Edward ne deviendrait jamais l’un de ces « pécheurs » lubriques et irréligieux qu’elle voyait autour d’elle. Selon elle, le pêché était partout et sa manière d’éduquer ses fils consistait à leur lire quotidiennement la Bible.
Elle leur répéta que les femmes étaient toutes les « récipients du pêché », des créatures immorales, espérant ainsi décourager chez eux tout désir sexuel, de peur qu’ils aillent en enfer…
Augusta était une femme dure et dominatrice qui pensait que sa vision du monde était la seule et unique vérité. Elle n’avait aucune difficulté à imposer ses croyances par la force, tant à ses fils qu’à son mari.
George Gein, un homme faible et alcoolique, n’avait pas son mot à dire dans l’éducation de ses garçons. En fait, Augusta le méprisait et le considérait comme un individu sans valeur, incapable de travailler correctement : elle priait chaque jour pour qu’il meurt et demandait à ses fils de l’accompagner dans ses suppliques. Avec les années et la frustration (et la boisson), George Gein se mit à lui répondre et la battre, et Augusta tombait à genoux de plus belle pour prier…
Elle décida non seulement d’élever ses enfants selon ses propres convictions, mais aussi de subvenir au besoin du ménage. Elle ouvrit une épicerie à La Crosse l’année de la naissance d’Ed Gein, qui lui rapporta assez d’argent pour faire vivre la famille confortablement. Elle travailla dur afin d’économiser assez d’argent pour qu’ils puissent déménager dans un coin plus rural, loin de l’immoralité de la ville et de ses « pêcheurs ».
En 1914, ils s’installèrent à 9km de Plainfield (un petite ville de 640 habitants), sur un terrain de près de 80 hectares, dans une grande ferme entourée de bois et de champs, isolée de toute influence néfaste qui aurait pu « corrompre » la famille. Les voisins les plus proches étaient à plus de 250 mètres.
Bien qu’Augusta tenta d’éviter à ses fils des contacts avec le monde extérieur, elle ne pouvait éviter qu’ils aillent à l’école. Mais elle les en retira dès qu’ils eurent 13 ans, prenant pour excuse le fait qu’elle avait besoin d’eux pour les travaux de la ferme.
Ed Gein était un élève moyen, mais était excellent en lecture. Lire des ouvrages d’aventure et des magazines stimulait son imagination et lui permettait momentanément de s’évader dans son propre monde. Les autres écoliers se moquaient de lui parce qu’il était timide et efféminé. Il n’avait pas d’amis et, lorsqu’il tentait de s’en faire, sa mère le réprimandait. Bien que l’opposition de sa mère l’attrista, il la considérait comme la bonté incarnée et suivait ses ordres autant qu’il le pouvait.
Toutefois, Augusta était rarement satisfaite de ses garçons et les insultait souvent, persuadée qu’ils allaient devenir des ratés, « comme leur père ». Durant leur adolescence et le début de l’âge adulte, ils ne se lièrent avec personne et n’eurent que l’un et l’autre pour compagnie. La seule femme à laquelle Ed Gein s’attacha fut… sa mère.
Ed Gein admirait son grand frère Henry, qu’il jugeait être un bon travailleur et un homme au caractère fort. Après la mort de leur père, le 1er avril 1940, d’une crise cardiaque, ils occupèrent plusieurs emplois différents pour aider leur mère. Ed Gein tenta de prendre les bonnes habitudes de travail de son frère et ils furent tous deux considérés comme des ouvriers honnêtes et fiables. Ils travaillaient comme « hommes à tout faire » et Ed Gein fit souvent du baby-sitting pour les voisins. Il appréciait ce travail car il entrait plus facilement en contact avec les enfants qu’avec les adultes : il était socialement et émotionnellement retardé.
Henry s’inquiétait de son attachement malsain pour leur mère, qui s’était accentué après la mort de leur père. A plusieurs occasions, Henry avait critiqué Augusta et la relation intime existant entre eux deux, faisant fréquemment des commentaires désobligeants, et cela avait vexé Ed Gein. Pour lui, Augusta était une déesse et il était mécontent que son frère n’ait pas la même opinion que lui.
C’est peut-être pourquoi Henry mourut mystérieusement en 1944.
Le 16 mai, Ed et Henry tentèrent d’éteindre un feu de broussailles qui s’approchait dangereusement de la ferme. Selon la police, ils se séparèrent dans deux directions différentes et, alors qu’ils s’échinaient sur les flammes, la nuit tomba et Ed perdu Henry de vue. Lorsque le feu s’éteignit enfin, Ed ne retrouva pas son frère et appela la police. Les policiers organisèrent une battue et eurent la surprise, lorsqu’ils parvinrent à la ferme, de voir Ed Gein les conduire directement au « disparu », étendu sur le sol, mort.
Les policiers se posèrent des questions sur les circonstances de la mort d’Henry. Il était allongé sur un morceau de terre qui n’avait pas brûlé et présentait des contusions à la tête. La police n’inculpa pourtant pas Ed Gein car personne ne pouvait penser que cet homme timide et emprunté ait pu tuer qui que ce soit, et sûrement pas son propre frère. Le coroner du comté écrivit que la cause de la mort était « une asphyxie due aux fumées de l’incendie ».
Ed Gein resta donc seul avec sa mère, l’unique personne dont il avait besoin.
Mais elle mourut peu de temps après, le 29 décembre 1945, après une série d’attaques qui l’avait laissée paralysée.
La vie entière d’Ed Gein fut chamboulée et anéantie par son décès. A 39 ans, il se retrouva complètement seul et abandonné pour la première fois de sa vie, dans un monde qu’il ne connaissait pas.
Crimes et châtiment
Ed Gein resta à la ferme et vécut grâce aux maigres revenus que ses petits boulots lui rapportaient ainsi qu’à une aide de l’état, qui lui offrit une allocation pour qu’il laisse ses terres en jachère.
Il scella les portes des pièces de la maison que sa mère avait le plus utilisées, surtout à l’étage, ainsi que le salon du rez-de-chaussée et la salle de séjour. Il les préserva comme des reliques sacrées de sa défunte mère et les laissa en état, sans plus jamais y toucher, durant les années qui suivirent. Il s’installa au rez-de-chaussée, n’utilisant plus que la cuisine et la petite chambre attenante.
Seul, sans personne pour le surveiller, il glissa lentement dans la psychose et laissa libre cours aux fantasmes qu’il avait étouffés durant toutes ces années. Il était fasciné par ce que sa mère l’avait empêché d’approcher : les femmes. Ayant la maturité et les connaissances d’un enfant, il voulut tout apprendre.
La cuisine et sa chambre se remplirent de journaux et de livres sur les atrocités commises par les nazis et les pratiques des chasseurs de têtes. Il passa tout son temps libre à lire des histoires de rites mortuaires anciens, des magazines pornographiques et des livres d’anatomie. Seul dans sa ferme, entouré de ses livres, Gein pensait constamment au sexe et à la mort. Il devint complètement obsédé par ces histoires et les racontait souvent aux enfants qu’il gardait.
Il aimait aussi lire les journaux locaux, particulièrement la nécrologie. C’est grâce à cette rubrique qu’il apprenait les morts récentes de femmes du voisinage. Un jour, il lu dans le journal qu’une femme venait d’être enterrée, non loin de la tombe de sa mère. Le soir même, il se rendit au cimetière et déterra le corps. N’ayant jamais pu apprécier la compagnie des femmes, il étancha sa soif de sexe en exhumant des cadavres fraîchement enterrés.
Bien qu’il jura par la suite ne jamais avoir eu de rapport sexuel avec aucun des corps qu’il avait exhumés (« elles sentaient trop mauvais »), il prit un plaisir particulier à les dépecer, à tanner leur peau et à la porter, comme un vêtement. Il voulait savoir ce que cela faisait d’avoir des seins et un vagin et rêvait souvent d’être une femme. Il était fasciné par les femmes à cause du pouvoir sexuel qu’elles avaient sur les hommes. Il acquit une collection de morceaux de corps, dont des têtes qu’il préserva.
Un jour, un jeune garçon que Gein gardait parfois vint visiter sa ferme. Il expliqua ensuite qu’Ed Gein lui avait montré des têtes humaines qu’il gardait dans sa chambre. Il lui avait affirmé que ces têtes réduites venaient des mers du Sud, des reliques de chasseurs de têtes. Lorsque le jeune garçon raconta son expérience, il ne fut pas pris au sérieux. Mais quelques semaines plus tard, deux autres garçons rendirent visite à Ed Gein et virent eux aussi les têtes de femmes, pensant qu’elles étaient juste des costumes d’Halloween.
Des rumeurs commencèrent à circuler et bientôt, presque toute la ville commérait sur les étranges objets que Gein possédait.
Toutefois, personne ne prit cette histoire réellement au sérieux avant la disparition de Bernice Worden, en 1954. Les gens plaisantaient souvent avec Ed Gein au sujet des têtes réduites et Gein souriait ou disait qu’elles étaient effectivement dans sa chambre. Mais tout le monde pensait qu’il plaisantait ou se vantait.
À partir de 1947, la police fut déconcertée par plusieurs disparitions inexpliquées aux alentours de Plainfield, mais personne ne pensa réellement que Gein put en être l’auteur.
Le 1er mai 1947, à Jefferson, une fille de 8 ans dénommée Georgia Weckler disparut sur le chemin entre son école et sa maison. Des centaines d’habitants et des policiers explorèrent la ville et ses environs, espérant découvrir Georgia perdue dans un coin, malheureusement sans résultat.
Il n’y avait aucun suspect sérieux et les seules preuves physiques disponibles étaient les marques de pneus d’une Ford découvertes près de l’endroit où Georgia avait été vue pour la dernière fois.
En novembre 1952, deux hommes s’arrêtèrent pour boire un verre dans un bar à Plainfield avant de partir chasser le cerf. Victor Travis et Ray Burgess passèrent plusieurs heures au bar, puis s’en allèrent. Malgré les recherches et les battues, on ne les revit plus jamais.
Une adolescente disparut en octobre 1953 à La Crosse. Evelyn Hartley, 15 ans, faisait du baby-sitting. Son père tenta de l’appeler au téléphone, mais elle ne répondit pas. Inquiet, il se rendit à la maison où elle gardait les enfants. Personne ne vint à la porte. Lorsqu’il jeta un œil par une fenêtre, le père d’Evelyn vit l’une des chaussures de sa fille et ses lunettes sur le sol. Toutes les portes et les fenêtres étaient fermées, sauf une, celle de la cave, à l’arrière de la maison. Elle était tachée de sang.
Le père d’Evelyn pénétra dans la maison par cette fenêtre et découvrit des signes de lutte. Il appela la police, qui trouva d’autres indices, dont l’autre chaussure d’Evelyn et des traces de pas à la cave, du sang sur l’herbe du jardin devant la maison et l’empreinte sanglante d’une main sur une maison voisine. On organisa des recherches mais personne ne trouva Evelyn.
Quelques jours plus tard, la police découvrit des vêtements ensanglantés appartenant à l’adolescente, près de la grande route sortant de La Crosse.
Le 8 décembre 1954, la tenancière d’une « taverne » de Pine Grove, Mary Hogan, disparut mystérieusement. Les enquêteurs suspectèrent un meurtre lorsqu’ils découvrirent du sang sur le sol de la taverne, qui formait une traînée jusqu’au parking. Ils trouvèrent également une cartouche de fusil vide sur le sol. Rien n’avait été volé et la caisse enregistreuse était pleine de billets. Mary Hogan ne fut pas retrouvée. La police n’avait pas de corps et peu d’indices.
Mary Hogan était originaire de Chicago et avait une réputation quelque peu sulfureuse, soi-disant liée à la mafia. Des rumeurs selon lesquelles elle aurait été « rattrapée par son passé » coururent dans la région…
Toutefois, l’un des voisins de Gein, Elmo Ueeck, discuta de cette disparition avec lui quelques semaines plus tard : Gein, qui se rendait assez souvent à la Hogan’s Tavern, avait l’air d’apprécier Mary Hogan et Ueeck le taquina en lui affirmant que s’il l’avait courtisée avec plus d’attention, elle serait avec lui plutôt que nulle part. Après quelques secondes de réflexion, Gein répondit timidement : « Elle n’a pas disparu. Elle est à la ferme ». Ueeck pensa qu’il plaisantait…
Presque 3 ans plus tard, le 16 novembre 1957, jour de l’ouverture de la chasse, Bernice Worden, une méthodiste de 58 ans à la réputation irréprochable, propriétaire d’un magasin à Plainfield, disparut dans les mêmes circonstances que Mary Hogan. Le soir, les policiers trouvèrent du sang sur le sol qui menait jusqu’à la porte de derrière, ainsi qu’une cartouche vide. Mais cette fois, la caisse enregistreuse avait disparu.
De nombreux habitants étaient partis chasser, la ville était déserte et il y avait peu de témoins, mais le fils de Bernice Worden, un adjoint du shérif, avait vu Gein parler à sa mère la veille, pour lui demander de sortir avec lui. Elle avait refusé. Un homme qui faisait le plein de sa voiture, en face, l’avait aperçu traînant autour du magasin à l’heure de la disparition de sa propriétaire. Sur le comptoir, les policiers trouvèrent une facture pour de l’antigel, au nom d’Edward Gein.
Frank Worden alerta le jeune shérif du comté, Art Schley, et lui annonça que Gein avait dû dévaliser sa mère. Ils se rendirent donc à la ferme délabrée d’Ed Gein, couverte de neige, mais il était absent.
Le shérif Schley lança une alerte générale par radio. L’agent Chase et le shérif adjoint Spees se rendirent jusqu’à une boutique de Plainfield où Gein allait parfois voir son cousin et sa tante. Ils le trouvèrent en train de monter dans sa camionnette avec son cousin, Bob Hill. Chase lui demanda de lui raconter ce qu’il avait fait de sa journée. Gein s’exécuta mais, lorsque Chase lui demanda de se répéter, des contradictions flagrantes apparurent entre les deux versions. Chase le lui fit remarquer et Gein lui répondit que c’était « un coup monté » contre lui au sujet de la mort de Bernice Worden… alors que Chase n’avait même pas mentionné la disparition de la commerçante. Gein fut arrêté sur le champ.
Prévenu de la nouvelle, le shérif Schley retourna à la ferme de Gein avec plusieurs de ses adjoints.
A l’intérieur, il faisait très sombre car la ferme ne possédait pas l’électricité et la nuit était tombée. L’habitation était poussiéreuse mais impeccablement rangée, excepté la cuisine et la chambre de Gein, où du bric-à-brac, des cartons, des vêtements sales, des boîtes de conserve vides, des magazines pornographiques et des piles de détritus pourrissant couvraient le sol. Il était presque impossible de marcher à travers ces deux pièces. L’odeur de saleté et de décomposition était suffocante.
Le shérif Schley inspecta la cuisine avec sa lampe-torche. Lorsqu’il leva les yeux, il vit une grande carcasse qui se balançait, pendue à l’envers à une poutre. Elle avait été décapitée, éventrée et vidée de ses entrailles. Dans cette région de chasseurs, cette vision était familière à l’époque de la chasse aux rennes. Aussi fallut-il un moment au shérif pour réaliser que ce qui pendait à cette poutre n’était pas la carcasse d’un renne, mais le corps sans tête d’une femme. Celui de Bernice Worden, comme il allait l’apprendre plus tard.
On amena un générateur et des lampes à arc pour éclairer tous les recoins de la ferme. Des policiers de la région et des enquêteurs du laboratoire criminel du comté se joignirent aux hommes du shérif. En fouillant les décombres, ils réalisèrent, stupéfaits, que les découvertes horribles risquaient de se succéder.
Un bol à l’allure étrange se révéla être le haut d’un crâne humain. Les abat-jours et la corbeille à papiers étaient en peau humaine. Un fauteuil était lui aussi en peau humaine. Le lit de Gein était « décoré » avec des crânes. Les adjoints découvrirent des sexes de femmes desséchés dans une boîte à chaussures, une ceinture faite de mamelons, des têtes humaines réduites (en fait des « masques de peau »remplis de chiffons), et quatre nez.
Ils finirent également par trouver la tête de Bernice Worden et celle, desséchée, de Mary Hogan. Le coeur de Worden était emballé dans un sac plastique, posé dans la cuisine, et ses entrailles reposaient non loin, recouvertes d’un vieux costume.
Plus ils fouillaient la maison et plus les policiers écoeurés trouvaient des « trophées » atroces. Ils mirent finalement la main sur un costume entièrement en peau humaine, présentant des « jambières » ainsi que de véritables seins et un sexe féminin.
A leur grande surprise, les autres pièces de la ferme étaient propres et inoccupées. Ils ôtèrent les planches que Gein avait clouées sur les portes et découvrirent des pièces tout à fait normales, mais couvertes de poussière du sol au plafond. Ils comprirent que Gein avait créé une sorte de mausolée pour sa défunte mère…
Les policiers se décidèrent alors à fouiller le reste de la ferme et le terrain qui l’entourait. Vu la « décoration » particulière de la ferme, il était possible qu’Ed Gein ait tué d’autres personnes qui auraient pu être enterrées sur sa ferme, tels Georgia Weckler, Victor Travis, Ray Burgess, Evelyn Hartley.
Alors que les policiers commençaient les excavations, Ed Gein attendait calmement au pénitencier du comté de Wautoma sous la surveillance des deux policiers qui l’avaient arrêté, Spees et Chase. À 2h30 du matin, hors de lui, le shérif Schley vint l’interroger, sans la présence d’un avocat, et le brutalisa. Gein se renferma sur lui-même. Pendant les 12 heures qui suivirent, il ne parla plus et n’admit aucun des meurtres.
Le lendemain, il se décida pourtant à parler. Il commença à expliquer ce qui s’était passé, comment il avait tué Bernice Worden et comment il s’était procuré les morceaux de corps trouvés chez lui. Il eut du mal à se souvenir des détails parce que, selon lui, il avait été « dans un état second » avant et pendant le meurtre. Il se rappela avoir traîné le corps de Bernice Worden jusqu’à son pick-up Ford, avoir emmené la caisse enregistreuse et les avoir ramenées chez lui. Il ne se souvenait pas l’avoir tuée d’un coup de fusil calibre .22 à la tête, ce que le rapport d’autopsie établit comme cause de la mort.
Le procureur Earl Kileen fit une déclaration à la presse le 18 novembre, durant laquelle il répéta ce que Gein avait avoué, tout en ajoutant quelques spéculations pour faire bonne mesure, notamment sur le fait que le corps de Bernice Worden avait été mutilé et que cela « ressemblait à du cannibalisme ». Il ajouta que selon un technicien, le cœur de Bernice Worden avait été découvert dans une casserole sur le poêle, alors qu’il avait été trouvé dans un sac plastique, près du poêle, dans le capharnaüm de la cuisine.
Les journalistes s’empressèrent de diffuser les plus horribles détails de cette affaire et Kileen alla lui-même interroger Ed Gein. Ce dernier affirma de nouveau qu’il avait été dans une sorte de « brouillard » lorsqu’il avait tué Bernice Worden, que « tout cela n’avait finalement été qu’un accident ». Lorsque Kileen lui demanda pourquoi il avait volé la caisse enregistreuse, Gein répondit qu’il avait eu l’intention de la démonter afin d’en examiner le mécanisme…
Lorsqu’on lui demanda d’où venaient les morceaux de corps trouvés chez lui, Gein affirma aux enquêteurs abasourdis les avoir volés dans les tombes du cimetière local.
Généralement, il connaissait les femmes de leur vivant, avait appris leur mort grâce au journal, et se rendait au cimetière la nuit même de l’enterrement. Il insista sur le fait qu’il n’avait tué personne d’autre que Bernice Worden.
Le 18 novembre, Gein fut uniquement inculpé de vol à main armée. Le bureau du procureur ne l’accusa pas de meurtre tant que les résultats du laboratoire n’étaient pas définitifs et qu’il n’avait pas été soumis à un détecteur de mensonges.
Gein fut interrogé sur les meurtres dont il aurait éventuellement pu être responsable, mais sans résultat. Il continua de nier le meurtre de Mary Hogan, bien que l’on eut retrouvé sa tête dans sa ferme. Gein nia l’avoir jamais connue, se mura dans le silence, puis admit s’être rendu à son bar plusieurs fois…
Le lendemain, la presse fut autorisée à pénétrer dans la ferme de Gein et à y prendre des photos.
Gein fut conduit au laboratoire d’état du Wisconsin, à Madison, où on l’interrogea avec le détecteur de mensonges. Ce test ne prit que 30mn, mais durant les huit heures d’interrogatoire qui suivirent, il admit avoir porté son « vêtement de peau” et avoua finalement le meurtre de Mary Hogan, tout en ajoutant de nouveau qu’il s’était trouvé dans un état second. Il maintint que, là aussi, il l’avait abattue « accidentellement ».
Il ne montra aucun remords ni aucune émotion durant tous ces interrogatoires. Lorsqu’il parla des meurtres ou des vols dans les tombes, il fut calme, coopératif, très pragmatique et parfois même joyeux. Il ne concevait absolument pas l’énormité de ses crimes. Il ne se troubla et ne devint réticent que lorsque les questions portèrent sur les meurtres de Mary Hogan et de Bernice Worden, et sur le fait qu’il aurait pu avoir des rapports sexuels avec les cadavres.
Les policiers tout comme les habitants de la région se posèrent évidemment des questions sur sa santé mentale et l’on suggéra qu’il allait plaider non coupable pour cause d’aliénation mentale.
Le 21 novembre, Gein fut inculpé des meurtres de Bernice Worden et de Mary Hogan. Le lendemain, lors de l’audience préliminaire, l’avocat nommé d’office de Gein plaida effectivement la démence, et le juge envoya Gein à l’hôpital central d’état pour les fous criminels de Waupun, à 75km au sud de Wautoma. Gein y subit tout une batterie de tests psychologiques, ce qui permit au moins de conclure qu’il était « émotionnellement diminué ».
Les psychologues et les psychiatres qui l’interrogèrent affirmèrent qu’il était intelligent, mais schizophrène. Son état fut attribué à la relation malsaine qu’il avait eue avec sa mère et à la manière dont celle-ci l’avait élevé. Gein souffrait apparemment de sentiments conflictuels envers les femmes, son attirance sexuelle naturelle envers elles contredisant les comportements non naturels que sa mère lui avait inculqués. Ce sentiment d’amour/haine envers les femmes s’était exagéré avec le temps et s’était transformé en une psychose complète.
Alors que Gein passait d’autres examens psychiatriques, les enquêteurs continuèrent à fouiller sa propriété. Ils découvrirent les « restes » des corps d’une dizaine de femmes. Gein jura que ces morceaux de corps provenaient tous des tombes qu’il avait profanées dans le cimetière, mais les policiers pensèrent immédiatement que Gein avait tué plus de deux femmes. Le seul moyen de savoir s’ils provenaient bien des corps profanés était d’examiner les tombes gelées du cimetière local.
Après de nombreuses controverses concernant l’exhumation des corps, les policiers obtinrent finalement l’autorisation de déterrer les cercueils que Gein disait avoir profanés. Il était évident qu’ils avaient été « visités » et des corps ou des morceaux de corps étaient effectivement manquants.
Mais le 29 novembre, la police déterra un squelette dans la propriété de Gein et l’on se demanda si ce n’était pas celui de Victor Travis, l’un des deux chasseurs disparus des années plus tôt. Le squelette fut immédiatement envoyé au laboratoire et examiné. Il se révéla être celui d’une femme d’âge moyen, lui aussi volé dans une tombe. Les policiers découvrirent également deux vagins « frais » dans la cuisine qui, selon les analyses, provenaient de femmes jeunes. Après vérification, ils apprirent qu’aucune n’avait été enterrée à Plainfield.
Selon les enquêteurs, l’une des victimes pourrait avoir été Evelyn Hartley, la jeune baby-sitter de 15 ans disparue à LaCrosse, le jour où Gein rendait visite à des amis, à deux rues de là…
Les policiers trouvèrent aussi une Ford blanche, alors que personne n’avait jamais vu Gein la conduire. Lorsque Georgia Weckler avait disparu à Jefferson, des témoins avaient vu une Ford blanche rôdant dans le quartier (et les traces de pneus trouvées près de l’endroit où la fillette avait disparu étaient celles d’une Ford).
Les policiers tentèrent d’impliquer Ed Gein dans ces disparitions, mais sans résultat probant. Les seuls meurtres pour lesquels Gein fut inculpé furent ceux de Bernice Worden et Mary Hogan.
Lorsque les enquêteurs révélèrent ce qui avait été découvert dans la ferme de Gein, la nouvelle se répandit rapidement. Des journalistes du monde entier se rassemblèrent dans la petite ville de Plainfield, qui devint mondialement connue. Le pays entier apprit tout et même plus sur Gein en décembre 1957, lorsque les magasines « Time » et « Life » firent tous deux leur couverture sur « la maison des horreurs ».
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Gein devint une célébrité. Les gens étaient à la fois répugnés et attirés par la ferme et ses atrocités.
Des psychologues tentèrent de comprendre le comportement de Gein. Il devint le cas documenté le plus célèbre impliquant la nécrophilie, le travestissement et le fétichisme.
Les habitants de Plainfield durent endurer le flot continu de journalistes qui importunaient leurs vies tranquilles en les bombardant de questions sur Gein.
Pourtant, nombre d’entre eux se retrouvèrent impliqués dans la folie qui entoura cette affaire. La plupart de celles et ceux qui connaissaient Gein n’avaient que du bien à dire de lui, d’autres ajoutèrent qu’il était timide, un peu étrange et avait un sens de l’humour particulier. Personne ne l’aurait jamais soupçonné d’être un assassin et encore moins un nécrophile.
Après que Gein eût passé 30 jours dans une institution psychiatrique, il fut déclaré mentalement incompétent et il ne fut plus possible de le juger pour meurtre. Les habitants de Plainfield exprimèrent immédiatement leur colère, mais ils ne pouvaient pas y faire grand chose.
Gein fut envoyé à l’hôpital central d’état de Waupun.
Peu après, on déclara que sa ferme et certaines de ses possessions allaient être vendues aux enchères. Des milliers de curieux convergèrent vers la petite ville pour voir les objets qui seraient mis en vente, notamment sa voiture, des instruments de musique et des meubles. La société responsable de la vente aux enchères demandait 50 cents à toute personne désirant visiter la propriété d’Ed Gein. Les habitants de Plainfield étaient ulcérés. Selon eux, la maison de Gein devenait un musée du morbide et l’on demanda que tout cela se termine. La société cessa de demander de l’argent pour les visites, mais les habitants n’en furent pas satisfaits.
Le matin du 20 mars 1958, les pompiers se rendirent à la ferme d’Ed Gein, où un incendie s’était déclaré. Ils ne purent pas le circonscrire et la maison fut rapidement réduite en cendres, devant les yeux de nombreux citoyens de Plainfield. La police comprit que l’incendie était criminel car la ferme n’avait même pas l’électricité. Une enquête fut menée, mais les policiers ne trouvèrent aucun suspect… Bien que l’incendie ait détruit la plupart des affaires de Gein, de nombreux objets avaient pu être sauvés.
L’équipement rouillé de la ferme fut vendu à des ferrailleurs. Le pick-up Ford de Gein, qu’il avait utilisé pour transporter les corps de ses deux victimes, fut âprement disputé et partit à 760 dollars (une belle somme, pour l’époque). L’homme qui l’avait acheté, un promoteur de spectacle forain nommé Bunny Gibbons, l’exposa à partir de juillet 1958 à la foire-exposition de Seymour, dans l’Illinois, où des milliers de personnes payèrent pour voir la voiture de « la goule de Plainfield »… jusqu’à ce que les autorités locales l’interdisent.
Dix ans plus tard, la justice décida finalement que Gein était sain d’esprit et pouvait être jugé. Son procès pour le meurtre de Bernice Worden commença le 7 novembre 1968.
Des techniciens de laboratoire, ainsi que le shérif et ses adjoints témoignèrent contre Ed Gein. Les preuves étaient nombreuses et il ne fallut qu’une semaine pour boucler le procès et obtenir un verdict. Gein fut déclaré coupable de meurtre avec préméditation. Et pourtant, comme il avait été déclaré aliéné au moment du meurtre, il fut ensuite déclaré non coupable car mentalement irresponsable, puis acquitté !
Peu après le procès, il fut renvoyé à l’hôpital central d’état. Les familles de Bernice Worden, Mary Hogan et celles des personnes dont les tombes avaient été profanées furent déçues et meurtries par cette décision.
En 1978, Gein fut envoyé au service de gériatrie du Mendota Mental Health Institute, où il passa des jours heureux jusqu’à la fin de sa vie. Les médecins le décrivirent comme un patient modèle qui s’entendait plutôt bien avec les autres malades, bien qu’il soit assez solitaire. Il mangeait bien et lisait beaucoup. Il aimait discuter avec les psychiatres et accomplissait avec ardeur les travaux qui lui étaient assignés. Il était aimable et même docile, l’un des rares patients qui ne requérait pas de médicaments pour rester calme.
Excepté sa manière déconcertante de fixer les infirmières ou les autres femmes qui passaient devant lui, il était même difficile de dire qu’il était « fou ».
Le 26 juillet 1984, à 78 ans, Gein mourut à la suite d’une insuffisance respiratoire. Il fut enterré au cimetière de Plainfield, à côté de sa mère.