Elles s’appelaient Christine, Jacqueline, Chantal, Madeleine, Françoise, Bernadette et Martine. D’elles, il ne reste que quelques photos d’identité jaunies par le temps, les visages sont flous, les sourires cachés . Entre 1975 et 1979, ces sept jeunes femmes, agées de 15 à 26 ans, ont disparu, dans le département de l’Yonne, sans laisser de traces. Elles étaient toutes des enfants de la DDASS, la Direction Départementales des Affaires Sociales et Sanitaires.Pendant des années, personne ne s’en est inquiété de ces disparitions successives. Il faudra l’abnégation d’un gendarme et d’une association pour que l’affaire soit enfin prise en charge par la justice. Ce n’est que trente ans après les faits que l’enquête aboutit. Et l’on découvre que derrière ces mystérieuses disparitions se cache un homme, l’un des plus grands tueurs en série de l’histoire judiciaire française. Un individu, qui, pendant toutes ces années, est passé à travers les mailles du filet. Cet homme, c’est Emile Louis, reconnu coupable du meurtre des sept femmes en 2004.
Comment expliquer cette inertie ?
Pourquoi ces disparitions n’ont-elles intéressé personne pendant si longtemps ?
Certains ont parlé de complot, de réseau, de protection… En réalité, derrière ce fait divers, se dévoile une réalité encore plus sombre, celle d’une justice à deux vitesses.Cette histoire nous plonge également au coeur de l’appareil social français : de la considération des handicapés mentaux à leur prise en charge, donc de la place qu’ils occupent dans la société et surtout comment la société s’en occupe… ou pas.
- Christine Marlot (16 ans), disparue le 23 janvier 1977.
- Françoise Lemoine (19 ans), disparue en été 1977 à Auxerre.
- Bernadette Lemoine (21 ans), disparue en 1977 à Auxerre.
- Jacqueline Weiss (18 ans), disparue le 4 avril 1977 à Auxerre.
- Madeleine Dejust (22 ans), disparue en juin 1977 à Auxerre.
- Chantal Gras (18 ans), disparue le 22 avril 1977 à Villefargeau.
- Martine Renault (16 ans), disparue début 1979.
Les sept jeunes handicapées sont donc toutes reliées à Emile Louis et lui vouaient une confiance sans bornes. Il copine avec ces jeunes femmes rejetées, quitte à les fréquenter. Elles ont toutes été aperçues près de lui peu de temps avant leur disparition. Le gendarme remet en 1984 un rapport circonstancié au parquet d’Auxerre qui accable Emile Louis et le met en cause dans les disparitions. Mais le parquet d’Auxerre classe l’affaire.
Emile Louis est un enfant du pays qui nait le 21 janvier 1934 à Pontigny à 25 km au nord-est d’Auxerre dans l’Yonne. Il est abandonné par sa mère au cours des premiers jours de sa vie et est pris en charge par la DDASS, puis adopté par une famille d’accueil.
Son père adoptif est artisan maçon et fossoyeur. Sa mère adoptive est autoritaire et froide, Il apprend à 14 ans que ses parents nourriciers ne sont pas ses vrais parents. Adolescent, il séjourne dans un centre de délinquance en Saône-et-Loire où il est violé. Elève moyen, il obtient son certificat d’études. En 1952, âgé de 18 ans, il s’engage dans la Légion étrangère et participe à la guerre d’Indochine pendant deux ans où il est affecté dans la marine en tant que transport de soldats tués au front. Il revient d’Indochine française à la fin de la guerre en héros avec plusieurs décorations militaires.