Yvan Keller, né le 13 décembre 1960 à Mulhouse et mort le 22 septembre 2006 dans la même ville, est un tueur en série français, surnommé le « le tueur à l’oreiller ».
Il a sévi de 1989 à 2006 en France, en Suisse et en Allemagne. Il a avoué avoir tué environ 150 personnes, ce qui ferait de lui le tueur en série français le plus prolifique du XXe siècle.
Enfance
Yvan Keller est né le 13 décembre 1960 à Wittenheim, une cité ouvrière. Ses parents sont des « vanniers », des gens du voyage sédentarisés. Ils habitent rue du Bourg. Il a huit frères et sœurs. Son père Joseph, est employé à la mine de potasse. Il grandit dans un contexte familial plutôt instable. Son père est violent et oblige ses enfants à voler pour que la famille puisse survivre. Ils mènent une vie de débrouille. Sa mère meurt à 49 ans. Un de ses frères, tentant de voler des câbles électriques en cuivre sous haute tension est sérieusement blessé aux mains.
Parcours criminel
Yvan Keller se spécialise dans les cambriolages et acquiert une certaine réputation dans le milieu du banditisme.
En 1981, à Battenheim, Keller braque et frappe violemment un couple d’antiquaires dans leur boutique. Il vole des pâtes de verre du style Gallé ou Daum et des tableaux de peintres alsaciens. En 1984, Keller est condamné à 10 ans de prison pour braquage avec violence par la cour d’assises du Haut-Rhin à Colmar.
Libération et réinsertion
En août 1989, Keller est libéré. Il s’installe à Mulhouse rue de Verdun, dans un appartement dans une maison bourgeoise, au sein d’un quartier tranquille et verdoyant, à l’écart du centre-ville. Il vit en couple avec Marina. Il devient jardinier-paysagiste et crée sa petite société : Alsa-Jardin. Ses clients sont très satisfaits de son travail et le recommandent. Ils le décrivent comme gentil, serviable, compétent et disponible. Il mène une vie modeste. Pour ses voisins et collègues, il est « monsieur tout-le-monde ». Marina et Keller se séparent. Sa nouvelle compagne est Séverine.
Les faits et l’enquête
À Sausheim, deux sœurs Hélène et Alice Muller habitent ensemble au 17 grande rue, et emploient Keller pour entretenir leur jardin. Alice, 88 ans, est presque invalide, elle prend un traitement pour des troubles cardiaques et dort au rez-de-chaussée. Hélène dort à l’étage. Dans la nuit du 7 au 8 mars 1991, Hélène est réveillée par un bruit. Elle se lève et se retrouve face à un cambrioleur. Celui-ci s’enfuit immédiatement. Hélène trouve Alice allongée sur le dos dans son lit, les bras le long du corps, le drap remonté sous le menton. Elle est morte. Le médecin conclut qu’Alice est morte d’un arrêt cardiaque. 600 francs sont toujours sous l’oreiller d’Alice. L’affaire est classée.
À Mulhouse, rue de Bantzenheim, Yvette, 76 ans, est découverte par les pompiers et son petit-neveu Jean-Marie Baechler, morte dans son lit, allongée sur le dos. Le médecin conclut à une mort naturelle. Jean-Marie remarque une tache de sang, au niveau du bassin d’Yvette, sous les draps. Sachant Yvette très soucieuse de son hygiène, il ne peut pas croire qu’elle se soit couchée dans son lit s’il y avait une tache de sang. D’après Jean-Marie, la mort d’Yvette n’a pas été paisible. Il remarque qu’un volet n’est pas complètement fermé. Yvette était méfiante et fermait toujours avec précaution les trois verrous et la serrure de sa porte d’entrée. Il s’étonne que certaines des serrures de la porte ne sont pas verrouillées.
En 1993, François de Nicollo ami d’enfance de Keller et complice au cours de certains cambriolages, le dénonce aux policiers de la brigade anticriminalité de Mulhouse. Il déclare que Keller lui a demandé de le conduire de nuit, à bord de sa voiture pour commettre des cambriolages. Il dépose Keller à un peu plus d’un kilomètre du lieu où il veut aller. Il n’accompagnait jamais Keller sur les lieux. Il attend Keller dans la voiture pendant plusieurs heures. Keller lui donne ensuite 500 ou 1 000 francs pour le dédommager, sans lui faire aucun commentaire. François de Nicollo a remarqué une voisine de sa mère comme une proie potentielle pour Keller et la lui a indiqué. Peu de temps après, François de Nicollo apprend que cette femme a été retrouvée morte chez elle et que de l’argent de cette femme a disparu. Peu après, de Nicollo transporte Keller pour un cambriolage. Le lendemain, il apprend que la personne est morte. Il comprend que Keller est un meurtrier en plus d’être un cambrioleur. François de Nicollo est également un indic de la police. Pour les policiers, il a la réputation d’être mythomane et affabulateur. Ils ne le prennent pas au sérieux et ne donnent pas suite à ses déclarations.
En janvier 1994, à Burnhaupt-le-Haut, Marie Winterholer, 79 ans, habitant au 10 rue Basse, est retrouvée morte allongée sur le dos dans son lit. Le médecin conclut à une mort naturelle et délivre le certificat de décès.
Le 12 mars 1994, au 11 rue Basse, Germain Mang entre chez sa mère Ernestine, 86 ans. Il est étonné de trouver, juste derrière la porte d’entrée, une vieille baratte à beurre qui était rangée dans la cave de la maison depuis des années. Il trouve Ernestine morte dans son lit, allongée sur le dos. Il s’étonne que la literie soit tirée de manière impeccable. Ernestine avait du mal à se déplacer en raison de ses hanches. Germain est persuadé que ça ne peut pas être elle qui a déplacé la baratte. La boite en bois dans laquelle Ernestine conservait son argent liquide est vide. Germain constate qu’une bague d’Ernestine a disparu. Le médecin conclut à une mort naturelle par arrêt cardiaque.
Le 27 avril 1994, au 22 rue Basse, Augusta Wassmer, 77 ans, est retrouvée morte dans son lit, elle aussi allongée sur le dos. Aucune effraction n’est relevée. Sa fille Marie-Françoise Roecklin, trouve que le lit est trop bien fait. L’autopsie conclut à une mort par arrêt cardiaque, sans doute « due à une grande peur ». Nicolas Roecklin, petit-fils d’Augusta, n’arrive pas à croire à sa mort naturelle car elle était en pleine forme. La fille d’Ernestine Mang parvient à s’introduire dans la chambre d’Augusta et fait observer qu’Ernestine a été trouvée exactement dans la même position dans son lit. Le médecin refuse de signer le certificat de décès. Plus tard, Marie-Françoise remarque que la carte bancaire d’Augusta et une clé de la maison ont disparu. En consultant les relevés de compte, Marie-Françoise constate que la carte bancaire a été utilisée à Mulhouse pour effectuer trois retraits à des distributeurs automatiques. Ces distributeurs ne sont pas équipés de caméra, mais un passant a vu la personne qui a effectué un des retraits : c’est un homme mince, d’environ 1,70 m, aux cheveux châtain clair. Le corps d’Augusta est autopsié. L’autopsie conclut à une mort naturelle par asphyxie.
Le 12 février 1995, à Eschau, Madeleine Lesecq, 79 ans est retrouvée morte dans son lit, allongée sur le dos. Le médecin conclut à une mort par arrêt cardiaque et délivre le permis d’inhumer. Ses enfants Andrée et Christian constatent que 1 000 francs ont disparu.
En 2000, au tribunal de Saverne, une instruction dirigée par Jean-Baptiste Poli, est ouverte contre Keller pour une série de cambriolages. Le 30 mars 2001, l’enquête est close. Le 25 avril 2001, elle aboutit à un non-lieu.
Le 24 juin 2003, Pierre Keller se rend à la brigade criminelle de Mulhouse et déclare que son frère Yvan est un cambrioleur et un meurtrier. Les enquêteurs font le rapprochement avec la dénonciation de François de Nicollo en 1993. Ils placent les téléphones de Keller sur écoute et réalisent des filatures. Les voisins de Keller déclarent qu’il est aidant, sympathique et affectueux avec les animaux3. Les enquêteurs établissent que Keller et sa compagne Séverine mènent une double-vie. Ils vont régulièrement passer des week-ends dans des hôtels et des restaurants de luxe, ailleurs qu’en Alsace et jouent d’importantes sommes dans les casinos et aux courses de chevaux.
Marina, première compagne de Keller, déclare que Keller est un homme impitoyable et colérique qui l’a obligée à se prostituer, car il a un besoin permanent d’argent. Un des amis de Keller raconte que lorsque Keller a rencontré Séverine, celle-ci était déjà en couple avec Fabien. Keller est allé voir Fabien et l’a menacé en lui mettant une arme dans la bouche pour le contraindre à lui céder Séverine.
Arrestation
Keller et plusieurs membres de sa famille sont interpellés et placés en garde à vue. Pierre Peter est l’avocat commis d’office de Keller. Dans un premier temps, les interrogatoires ne donnent rien et Keller nie tous les faits qui lui sont reprochés. Les enquêteurs observent que Keller est impatient d’en finir et ils comprennent qu’il faut qu’ils fassent durer la garde à vue. Les enquêteurs bluffent et lui déclarent que des membres de sa famille en garde à vue, ont confirmé les accusations contre lui. Keller finit par céder et avoue qu’il est bien l’auteur de ces cambriolages. Les enquêteurs lui demandent de donner des détails pour confirmer ses aveux. À cet instant, Keller refuse d’en dire plus et pose deux conditions. Il exige pour sa compagne Séverine une sorte de statut de protection de témoin. Et pour lui, il exige d’être mis à l’isolement quand il sera en prison. Les enquêteurs prennent note et lui disent qu’il vont faire le nécessaire.
Keller poursuit alors ses aveux. Il affirme que sa compagne est innocente et qu’il s’est toujours introduit seul dans les logements qu’il cambriolait. Ses complices ne lui servaient que de chauffeurs pour le déposer à distance du lieu de cambriolage, faire le guet et attendre son retour dans le véhicule. Ce qui confirme la dénonciation de François de Nicollo de 1993.
Keller donne des informations sur des cambriolages qu’il a effectués. Certaines correspondent aux dossiers que les enquêteurs ont en main pour l’incriminer. Les détails qu’il donne permettent d’établir qu’il est bien l’auteur des faits. Mais Keller raconte aussi des faits sur lesquels ils n’ont aucun dossier. Ils comprennent que Keller a commis beaucoup plus de meurtres que ceux pour lesquels ils le soupçonnent.
Les enquêteurs demandent à Keller de décrire son mode opératoire. Il répond que pour cambrioler une maison correctement, il faut disposer de temps pour fouiller avec précaution, en essayant de faire un minimum de bruit et ne pas être dérangé. À ses débuts, il y a des cambriolages qui ont mal tourné. Des occupants de la maison se sont réveillés spontanément, ou parce qu’il a fait du bruit, ils l’ont surpris et il a été obligé de quitter les lieux précipitamment. Il a donc décidé de ne cambrioler des maisons qu’après des repérages attentifs et avoir récolté discrètement le plus d’informations possible sur les occupants. Il se sert de ses déplacements dans le cadre de sa profession pour effectuer des repérages, pour cibler des maisons à cambrioler. Il cible des maisons où vivent des personnes âgées, isolées, presque exclusivement des femmes. Il choisit des maisons à l’aspect un peu négligé et délabrées, car les occupants ont des économies qu’ils ne dépensent pas dans l’entretien de la maison. Il s’arrange pour se procurer une clé d’une porte extérieure. S’il doit pénétrer par effraction, il s’arrange pour le faire de manière aussi indétectable que possible. Il bénéfice d’une souplesse naturelle, qui fait de lui un parfait monte-en-l’air, et sa profession de jardinier paysagiste lui permet d’entretenir son agilité. Il s’introduit dans les maisons en escaladant les façades, les gouttières ou en se faufilant par un soupirail. Il ne vole pas les objets de valeurs qui sont en évidence, car les proches et les enquêteurs remarqueront facilement que ces objets ont disparu. Par contre, il prend les objets oubliés dans la cave et le grenier et s’empare des bijoux et des économies dissimulés dans les caches habituelles (sous les matelas, dans les piles de linge…) en remettant tout en place, pour que le vol passe inaperçu. Il revend les objets à des brocanteurs. Il ne cambriole que pendant la nuit. Pour ne pas courir le risque que l’occupante se réveille pendant qu’il fouille, il l’« endort ».
Les enquêteurs demandent à Keller d’expliquer ce qu’il veut dire par « endormir » la personne. Il dit qu’il s’approche de la personne endormie dans son lit, il plaque un chiffon ou une serviette sur la bouche et lui pince le nez, ou il prend un oreiller et le maintient sur le visage de la personne. Ils comprennent que c’est l’euphémisme qu’il emploie pour dire qu’il étouffe l’occupante. Il dit que quand il sent que la personne résiste moins, il la laisse reprendre une inspiration et il recommence, autant de fois qu’il faut pour que la personne « s’endorme » tranquillement, sans trace sur son visage. Keller décrit la scène comme si cela se déroulait paisiblement. Quand il sait que la personne « est endormie », il étend ses bras le long de son corps, remonte le drap sous le menton et refait le lit à la perfection, pour faire croire que la personne est morte pendant son sommeil de mort naturelle.
Les enquêteurs demandent à Keller le nombre total de personnes qu’il a « endormies », il répond qu’il ne sait pas. Les enquêteurs insistent pour avoir un nombre même approximatif, il finit par s’exclamer 1503,4. Stupéfaits, les enquêteurs réalisent qu’ils auraient face à eux le tueur en série français le plus prolifique du XXe siècle. Ils lui demandent des précisions. Il répond qu’il ne peut pas, étant donné le nombre, mais que s’ils lui fournissent des cartes il pourra leur désigner les communes où les faits ont eu lieu, et s’ils l’emmènent sur ces lieux, il pourra reconnaître et désigner les maisons qu’il a cambriolées. Il déclare avoir agi en Alsace, en Suisse et en Allemagne.
Yvan Keller est mis en cause dans 23 meurtres de vieilles dames, il est soupçonné d’en avoir tué 40.
Il est mis en examen pour cinq décès : trois dans le Haut-Rhin en 1994 et deux dans le Bas-Rhin. Huit crimes, aujourd’hui prescrits, auraient pu compléter cette liste. Les enquêteurs retrouvent des similitudes dans d’autres enquêtes.
Mort
Le 22 septembre 2006, dans sa cellule au sous-sol du tribunal de grande instance de Mulhouse, Yvan Keller se suicide en se pendant à l’aide de ses lacets de chaussures, en les entrelaçant jusqu’à former une corde qu’il insère dans le néon.