Ces fragments osseux, provenant du dessus du crâne pour lesquels des tests d’ADN ont établi qu’ils appartenaient bien au musicien ont été soumis à la machine à rayons X à source photon la plus puissante aux états-Unis.Ces analyses confirment des examens antérieurs de plusieurs cheveux de Beethoven qui avaient révélé une forte concentration de plomb dans son organisme, la cause probable de sa mauvaise santé pendant la plus grande partie de sa vie et de son décès, le 26 mars 1827 à 56 ans.
«Il n’y a aucun doute dans mon esprit que Beethoven a été victime d’un empoisonnement au plomb», a déclaré Bill Walsh, un toxicologue médicolégal de Pfeiffer Treatment Center à Warrenville (Illinois, nord) qui a dirigé cette recherche avec Ken Kemmer, un chercheur de l’Argonne National Laboratory du département américain de l’énergie.
«La présence de plomb dans les fragments osseux du crâne indique aussi que son empoisonnement au plomb n’était pas récent, mais a duré de nombreuses années», a souligné ce scientifique dans un communiqué.
Beethoven a commencé à souffrir de troubles abdominaux vers l’âge de 20 ans qui se sont ensuite aggravés et ont duré toute sa vie.
La description de ses symptômes abdominaux et les résultats de l’autopsie peu après son décès indiquent également un empoisonnement au plomb, a expliqué Bill Walsh.
Beethoven a vu d’innombrables médecins pour tenter de trouver une cure à ses troubles persistants de santé.
«Il souffrait de mauvaise digestion, de douleurs abdominales chroniques, d’irritabilité et de dépression», a rappelé ce chercheur.
Selon lui, il n’y a rien qui établit un lien entre la présence d’une forte quantité de plomb dans son organisme et la surdité dont souffrait le compositeur depuis l’âge de 26 ou 27 ans.
Ces chercheurs n’ont toutefois pas été en mesure d’expliquer l’origine de cet empoisonnement au plomb.
Le fait que Beethoven consommait des quantités respectables de vin dans des gobelets en plomb peut être une des explications, ont-ils dit. De plus, au 19e siècle, les traitements médicaux recouraient souvent à des métaux lourds comme le plomb ou le mercure.
Son testament
Le testament d’Heiligenstadt fut trouvé après la mort du compositeur, en même temps que la lettre à l’immortelle bien-aimée. Il fut tout d’abord rédigé pour les deux frères de Beethoven (le nom de Johann reste curieusement en blanc), mais c’est en même temps un document que le compositeur a souhaité destiner à la postérité, afinque les gens comprennent quel fut le plus grand drame de sa vie : la surdité.
Pour mes frères Carl et [Johann] Beethoven. A lire et a exécuter après ma mort.
Vous, hommes qui ne tenez pour hostile, entêté, misanthrope ou me déclarez tel, à quel point vous me faites tort ! Vous n’en connaissez pas la cause secrète. Dès l’enfance, mon c??ur et mon âme étaient pleins des tendres sentiments de la bonté. J’ai même été toujours prêt à accomplir de grandes actions. Mais pensez que depuis six ans je suis frappé d’un mal terrible, que des médecins incompétents ont aggravé. D’année en année, déçu par l’espoir d’une amélioration, finalement contraint de faire face à la possibilité d’une maladie de longue durée (dont la guérison prendrait des années, si tant est qu’elle soit possible), né avec un tempérament plein de feu et de vie, accessible même aux distractions de la société, j’ai dû m’isoler de bonne heure, vivre en solitaire, loin du monde. Quand, parfois, j’essayais d’oublier tout cela, oh ! comme j’ai été, alors, brutalement ramené à la triste expérience, sans cesse renouvelée de mon ouïe défectueuse. Pourtant il ne m’était pas possible de dire aux gens : » Parlez plus fort, criez, je suis sourd. »Ah ! comment avouer la faiblesse du seul sens qui devrait être chez moi plus parfait que chez les autres, sens qu’autrefois j’ai possédé dans sa plus grande perfection, dans une perfection que peu de gens de ma profession connaissent ou ont jamais connue.
Oh ! Je ne le peux pas, aussi pardonnez-moi, si vous me voyez m’éloigner alors que j’aimerais me mêler à vous. Mon malheur est doublement pénible pour moi parce qu’il me réduit à être mal compris. Pour moi, il ne peut y avoir de détente en société, ni de conversations raffinées, ni d’échanges d’idées. Je dois vivre presque seul, comme un banni, et je ne peux me mêler a la société que lorsque cela devient strictement indispensable. Quand je m’approche des gens, une terreur sans nom s’empare de moi et je crains de m’exposer à trahir mon état.
Il en a été ainsi pendant les six derniers mois que j’ai passé à la campagne. En m’invitant a ménager mes oreilles autant que possible, mon médecin compétent est presque allé a la rencontre de mon actuelle disposition naturelle, bien que poussé parfois instinctivement vers la société, je m’y sois laissé aller. Mais quelle humiliation pour moi quand quelqu’un a coté de moi entendait au loin une flûte et que moi je n’entendais rien ; ou quand quelqu’un entendait un berger chanter et moi, là encore, rien. De tels événements m’ont poussé presque au désespoir; un peu plus et j’aurais mis fin à ma vie.
C’est seulement mon art qui m’a retenu. Ah ! il me semblait impossible de quitter le monde avant d’avoir donné le jour a tout ce que je sentais en moi, et c’est ainsi que j’ai enduré cette vie misérable – vraiment misérable, avec un corps si sensible qu’un changement un peu brusque peut me faire passer du meilleur état au pire.
De la patience, me dit-on. Je dois désormais en taire mon guide. Et c’est ce que j’ai fait. J’espère que ma résolution de persévérer durera jusqu’à ce qu’il plaise aux Parques impitoyables de couper le fil. Peut-être irai-je mieux, peut-être non ; je suis prêt. A l’âge de vingt-huit ans, être déjà obligé de se mettre à philosopher, ce n’est pas chose facile, et pour un musicien c’est plus difficile que pour tout autre.
être divin, tu vois au plus profond de mon âme; tu sais qu’elle est habitée de l’amour des hommes et du désir de faire le bien. ?? humains, quand vous lirez un jour ceci, pensez que vous m’avez fait du tort; et celui qui est dans le malheur pourra se consoler en trouvant quelqu’un qui lui ressemble, quelqu’un qui, en dépit de tous les obstacles de la nature, aura pourtant fait tout son possible pour être admis dans le cercle des artistes et des hommes de valeur
Vous mes frères Carl et…. dès que je serai mort et si le docteur Schmidt vit encore, demandez-lui en mon nom de vous taire une description de ma maladie et vous joindrez cette feuille-ci a son compte rendu pour qu’au moins après ma mort le maximum de personnes se réconcilie avec moi.
En même temps, je vous institue ici, vous deux héritiers de rue, petite fortune (si on peut l’appeler ainsi). Partagez-la équitablement. Entendez-vous et aidez-vous mutuellement. Ce que vous avez fait contre moi, je vous l’ai pardonné depuis longtemps, vous le savez. Toi, frère Carl, je te remercie encore tout particulièrement de l’attachement que tu m’as témoigné ces temps-ci. Mon v??u est que votre vie soit meilleure et plus libre de soucis que la mienne. Recommandez la vertu à vos enfants, elle seule peut rendre heureux et non l’argent, je parle en connaissance de cause. C’est elle qui m’a relevé au temps de ma misère; c’est à elle et à mon art que je dois de n’avoir pas terminé ma vie par un suicide.
Adieu et aimez-vous !
Je remercie tous mes amis, en particulier le prince Lichnowsky et le professeur Schmidt. donnés par le prince L., je souhaite qu’ils puissent être conservés chez l’un d’entre vous. Mais ils ne doivent pas être pour vous un sujet de dispute, et si un jour vous trouvez la chose plus avantageuse, vendez-les. Que je suis content de pouvoir vous être utile encore dans ma tombe! Ainsi soit-il. C’est avec joie que je vais au devant de la mort. Si elle arrive avant que j’aie eu l’occasion de déployer toutes mes capacités artistiques – elle viendra toujours trop tôt en dépit de mon dur destin, et je voudrais qu’elle soit plus tardive – même ainsi je suis content : ne me délivre-t-elle pas d’un état de souffrance sans fin ? Viens à ton heure, je vais au devant de toi courageusement.
Adieu, et ne m’oubliez pas tout à fait après ma mort, je le mérite de votre part, car de mon vivant j’ai souvent pensé à vous et à la façon de vous rendre heureux. Soyez-le.
Ludwig van Beethoven
Heiligenstadt le 6 octobre 1802 – Ainsi je prends congé de toi – et cela bien tristement – car la douce espérance que j’ai emportée ici, d’être guéri au moins jusqu’à un certain point, je dois l’abandonner complètement à présent : telles les feuilles d’automne qui tombent et se fanent, cette espérance s’est desséchée pour moi. Je pars presque comme je suis venu. Même ce fier courage – qui m’a souvent animé dans les beaux jours de l’été a disparu.
Ô Providence, donne-moi une fois au moins un jour de joie pure. C’est que je suis privé depuis si longtemps déjà de l’écho intime de la vraie joie ! Oh ! quand. Oh ! quand, Ô Divinité, pourrai-je l’éprouver de nouveau dans le temple de la nature et de l’humanité. Jamais? Non. Oh! ce serait trop dur!
Texte extrait du Beethoven de Maynard SOLOMON (1985)
Pour plus de détails sur le testament d’Heiligenstadt : site de Dominique PREVOT : Testament d’Heiligenstadt