Un hélicoptère américain survole le temple de Zigourat dans l’ancienne cité d’Ur, dans le sud de l’Irak le 4 février 2010
TELL AL-MOUQAYYA, Irak — La cité sumérienne d’Ur, où le patriarche Abraham naquit selon la Bible, pourrait devenir aussi célèbre que le site de pyramides de Gizeh en Égypte si une volonté politique existait, assurent les responsables irakiens et étrangers travaillant sur le site.
A peine 20% de la cité, située près de Nassiriya, dans le sud l’Irak, ont été découverts lors de fouilles réalisées aux 19e et 20e siècles par des archéologues britanniques et américains.
« Quand les fouilles reprendront, des tonnes d’antiquités seront mis au jour et rempliront les salles de musée. Ce site deviendra peut-être plus important que le site de Gizeh » où se trouvent les pyramides de Khéops, Képhren et Mykérinos ainsi que le Sphinx, s’enthousiasme Dhaif Mouhssin, responsable de la protection du site.
« Certains archéologues estiment qu’il faudra plus de trente ans pour faire sortir de terre la cité », ajoute l’homme en arpentant son territoire.
Le royaume d’Ur, fondé il y a plus de 4.500 ans, repose enseveli sous un grand tertre balayé par les vents au sommet duquel trône le majestueux Zigourat, une construction de briques à degrés dédiée à la déesse sumérienne de la lune, Nana.
Ur fut l’un des premiers centre de civilisation, établi sur les rives fertiles de l’Euphrate, où pour la première fois dans l’histoire de l’Humanité une écriture sous la forme de symboles cunéiformes a été utilisée.
C’est sous le règne du roi Ur-Nammu (environ 2112-2095 avant notre ère), un guerrier accompli et fondateur de la troisième dynastie de Sumer, que la cité a atteint son apogée pour s’étendre jusqu’à l’Iran. L’économie, la culture, l’art et la poésie ont fleuri. Le royaume était régi par une réelle administration et un code de lois.
« Il est certain que beaucoup plus de matériel reste à découvrir », assure Steve Tinney, professeur d’assyriologie à l’Université de Pennsylvanie (États-Unis), à l’origine des premières fouilles scientifiques menées avec le British Museum entre 1922 et 1934.
Il espère que des textes seront découverts pour mieux comprendre la culture et la religion polythéiste sumériennes. « Nous ne possédons pas de littérature sur Ur-Nammu et ses successeurs, sur les rituels et les prières », dit-il, joint par téléphone.
Le site d’Ur pourrait s’avérer unique s’il est confirmé qu’il recèle ce qui pourrait être, selon Dhaif Mouhssin, la demeure du patriarche Abraham, le père des trois religions monothéistes.
« On pense que c’est là qu’il résida car lors des fouilles de 1922, on a retrouvé son nom inscrit sur une pierre », explique-t-il devant un édifice de 27 pièces reconstruit sur ordre de Saddam Hussein en prévision d’une visite en 1999 de Jean Paul II, qui n’a jamais eu lieu.
Protégée par une fragile barrière et quelques gardes, Ur risque toutefois de rester une cité perdue dans un pays encore secoué par la violence et plus préoccupé par sa reconstruction que par l’archéologie.
« Il reste beaucoup à faire et un effort doit être consenti de concert avec le gouvernement central si le pays entend tirer profit de son énorme potentiel et devenir une Mecque du tourisme », estime Anna Prouse, une diplomate italienne responsable de l’Equipe de reconstruction régionale (PRT) dans la province de Zi Qar.
Outre Ur, la province possède 47 sites « d’une grande valeur archéologique », poursuit-elle.
Les autorités provinciales n’ont pas le budget pour entamer des fouilles titanesques et « se concentrent sur l’électricité, les systèmes d’égouts, les écoles, les routes, l’eau potable plutôt que l’archéologie », dit-elle.
Quant au gouvernement irakien, il n’a pas fait preuve jusqu’ici de volonté pour planifier des fouilles, même si des équipes d’archéologues ont recommencé depuis 2005 à travailler, insiste Mme Prouse