Ce n’est pas la première fois que la chapelle de Vaulry, perchée sur les monts de Blond, fait les frais de vandales de passage. Un vitrail cassé par ici, un graffiti par là. Mais en cette nuit de février 1991, les destructions ont pris une ampleur spectaculaire. Les bancs ont été réduits en cendre, les vitraux brisés, la statue de la Vierge éparpillée en mille morceaux. Même le sol de ciment est crevassé, comme si les enfers avaient frappé en dessous.
Au village, certains évoquent une messe satanique… Ils ne sont pas au bout de leurs surprises.
Un cri interminable
Tout dérape le jour où deux journalistes locaux se rendent à la chapelle, par une nuit de pleine lune, pour comprendre ce qu’il s’y trame. Sur place, ils rencontrent trois hommes qui disent être présents par curiosité. Soudain, l’un d’eux semble pris d’une crise de démence. Il se rue devant la porte défoncée de l’édifice et pousse un cri interminable. Puis se retourne vers les journalistes, se met à quatre pattes et grogne, la bave aux lèvres. Ses yeux sont exorbités, son visage cadavérique. Sidérés, les deux reporters prennent leurs jambes à leur cou. Mais l’individu les poursuit. Dans l’obscurité, ils parviennent finalement à le semer.
Le lendemain, ils racontent leur étonnante rencontre dans leurs médias respectifs. En lâchant un nom qu’on pensait oublié : loup-garou. La chapelle de Vaulry souillée par un homme-loup ? Au village, certains en sourient. D’autres se souviennent des mille légendes qui courent sur les monts de Blond. Ce chien mystérieux qu’on apercevrait à l’orée du bois. Cette femme décapitée qui hanterait les berges de la Glane. La statue de la Vierge, perchée en haut de l’édifice, qui tournerait la tête pour suivre le mouvement des visiteurs…
En revenant de l’Apocalypse
La mèche est allumée. Les médias nationaux découvrent Vaulry – c’est l’époque de La Cinq de Berlusconi – suivis par les journaux du monde entier, de l’Angleterre jusqu’au Japon.
Au Relais des randonneurs, unique bar de ce village de 432 âmes, les langues se délient, aidées parfois par la boisson : « Moi aussi, je l’ai vue, la bête ! ». Entre campagne dépeuplée, superstitions bien ancrées et presse déchaînée, le terrain était propice au retour des vieilles croyances.
Mais tout le monde ne cède pas à la psychose et les théories pour expliquer l’étrange face-à-face se multiplient. On dit que la chapelle est un lieu de rendez-vous pour les jeunes alcoolisés ou drogués qui reviennent de la boîte de nuit d’à côté, la bien nommée « l’Apocalypse ». Les deux journalistes ont-ils été témoins d’une crise de délire sous ecstasy ?
De semaine en semaine, le tohu-bohu médiatique ne faiblit pas. À tel point qu’un jour de juin, un habitant de Vaulry âgé de 25 ans se confie à la mairie. Et avoue tout. Quatre mois plus tôt, accoudé au bar, il avait entendu les journalistes évoquer les vandales de la chapelle. S’inspirant des légendes locales, il avait eu l’idée de cette blague… Sans penser au tumulte qu’elle provoquerait. Le loup-garou, bave aux lèvres ? C’était lui.
Aujourd’hui, à Vaulry, on préfère oublier. L’un des deux journalistes est mort, l’autre travaille désormais pour la presse « people ». Mais la chapelle a été reconstruite, grâce à la volonté des paroissiens. Catholiques et communistes réunis, comme dans le film Don Camillo. D’ailleurs, à propos de saga, il y avait un feuilleton qui marchait bien à la télévision, le vendredi soir sur M6 cet hiver 1991. Cela s’appelait La malédiction du loup-garou.
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