L’affaire Kulik ou affaire Élodie Kulik est une affaire criminelle française qui a défrayé la chronique en 2002, à la suite du viol et du meurtre dans la nuit du au d’une jeune femme de 24 ans, Élodie Kulik, entre Cartigny et Tertry, dans la Somme.
Les détails donnés lors de témoignages sous protection des sources et une rigoureuse enquête scientifique de police et de justice débouchent dix ans plus tard sur l’identification d’un des violeurs.
Description de l’affaire
À 24 ans, Élodie Kulik était surnommée « la banquière de Péronne » parce qu’elle dirigeait une agence de la Banque de Picardie à Péronne. Deux ans auparavant, elle était devenue la plus jeune directrice d’agence bancaire du pays. Le , elle passe la soirée dans un restaurant chinois de Saint-Quentin avec Hervé Croisile, un ami, puis boit un thé chez lui. La jeune femme rentre à son domicile en automobile en fin de soirée, alors que la route est gelée avec un important brouillard et peu fréquentée à cette heure tardive. À 0 h 21, elle appelle les pompiers, mais l’appel est brusquement coupé après des hurlements indiquant qu’elle vient d’être enlevée. Ses agresseurs lui arrachent son téléphone, le débarrassent de sa batterie et le jettent dans la nature. Plusieurs (deux, peut-être trois) voix d’hommes sont entendues sur l’enregistrement des pompiers.
Son véhicule, une Peugeot 106 rouge, est signalé une demi-heure plus tard, accidenté dans un champ bordant la route départementale 44, sur la commune de Cartigny. Son corps est retrouvé le par un agriculteur dans une décharge, sur un terrain militaire désaffecté datant de la Première Guerre mondiale, sur la petite commune de Tertry dans la Somme. L’autopsie indiquera qu’elle a été violée et étranglée. Son corps a été volontairement incendié mais un ADN nucléaire, c’est-à-dire complet, extrait du sperme retrouvé dans un préservatif, quatre ADN incomplets et une empreinte digitale sont retrouvés. Autant de signatures que les assassins n’avaient pu effacer en brûlant le corps retrouvé sur place.
L’enquête
Vaste recherche infructueuse
La piste d’un tueur en série est rapidement écartée, lorsque Jean-Paul Leconte est accusé des deux autres meurtres survenus dans les mois suivants, ceux de Patricia Leclercq 19 ans le 6 juillet 2002 et de Christelle Dubuisson 18 ans le 21 août 2002. Une cellule de la gendarmerie est dédiée à la recherche des meurtriers et lance plusieurs appels à témoins.
Le , Rose-Marie Kulik, la mère d’Élodie, désespérée de voir que l’enquête n’aboutit pas, tente de se suicider avec de la mort aux rats. Elle restera dans le coma, jusqu’à sa mort le .
Les parents d’Élodie avaient déjà été frappés par un drame. En décembre 1976, le soir de Noël, son père, Jacky Kulik avait eu un accident de voiture dans lequel leurs premiers enfants Laurent et Karine étaient morts.
En octobre 2011, c’est l’affaire criminelle française dont le nombre de prélèvements d’ADN est le plus important : entre 5 000 et 6 000.
Identification d’un des agresseurs
En janvier 2012, quelques jours après une marche blanche en mémoire d’Élodie pour le 10e anniversaire du drame, un des agresseurs est identifié par recoupement avec le fichier national automatisé des empreintes génétiques, où figure l’ADN de son père alors emprisonné pour une affaire d’agression sexuelle sur mineurs : cette recherche en parentèle est une première en France (mise au point par le commandant de gendarmerie Emmanuel Pham-Hoai, chef du département de biologie de l’IRCGN) pour cette technique venue des États-Unis et qui se base sur l’ADN nucléaire. Ce jeune homme, Grégory Wiart, plombier né en 1979, s’était tué dans un accident de voiture le , en fonçant sur une ligne droite, sur une route sèche, pour aller s’encastrer sous un camion arrivant en face.
Le , l’exhumation du corps de Gregory Wiart est organisée dans le cimetière de Montescourt-Lizerolles afin de pouvoir définitivement comparer les ADN et ces dernières confirment l’identité de l’agresseur. Ses relations de l’époque sont placées sur écoute par les gendarmes.
En , les parents de Grégory Wiart déclarent que leur fils n’était pas le genre à laisser par négligence un préservatif sur une scène de viol. Ils révèlent qu’il avait subi à plusieurs reprises des mauvais traitements : « resté deux jours attaché à un arbre, humilié » et une autre fois « séquestré, enfermé dans un coffre », en 2001, « pour des histoires d’argent », témoignage concordant avec celui recueilli auprès d’un trentenaire de Montescourt-Lizerolles, selon qui un ami de Grégory Wiart était connu pour réclamer d’imaginaires dettes à des personnes du secteur, dont l’une au moins raconte qu’il l’avait poursuivi avec sa camionnette.
Par ailleurs, trois jeunes de Montescourt-Lizerolles, ou y ayant des attaches, meurent dans des circonstances suspectes au premier semestre 2008, sans qu’un lien puisse être prouvé avec l’affaire Elodie Kulik. Éric Mouton, de Jussy, à 4 kilomètres, a été retrouvé mort en janvier 2008 dans un canal un mois après sa disparition, avec des traces de coups dans le bas du dos et le foie éclaté, sa mère Ginette Mouton estimant que la piste criminelle ne fait aucun doute. Selon la gendarmerie, la famille Mouton a reçu des coups de téléphone d’un homme se moquant du nom de famille à l’heure exacte de la disparition et un témoin affirme qu’il a été séquestré dans des caves à Jussy durant plus de quinze jours. Julien Cordier, 20 ans, « connu pour entretenir des relations avec les amis de Grégory Wiart », est retrouvé mort carbonisé dans une voiture de location en avril 2008, mais l’autopsie ne fait pas état de traces de coups ou de fractures. Un troisième jeune, Nelson Paquet, 17 ans, est retrouvé mort dans un canal, des traces de coups ayant été relevées à l’autopsie, après un décès ayant eu lieu entre le 7 août et le 10 août 2008. Le parquet de Laon ne privilégie aucune thèse. Comme Éric Mouton, il n’avait pas d’eau dans les poumons et n’est pas mort noyé.
En avril 2012, un témoin révèle qu’une amie de Grégory Wiart a reçu pendant près d’un an des lettres postées en 2002 – 2003 la menaçant de finir étranglée, violée et brûlée. La gendarmerie révèle un peu plus tard avoir découvert après une planque discrète devant le domicile, que la personne qui glissait les missives dans la boîte aux lettres et celle qui en était destinataire ne faisaient qu’une : il s’agissait de l’ex-compagne de Grégory Wiart, mère de son fils, qui a sans doute voulu attirer l’attention de ses parents.
Puis en décembre 2012, les gendarmes révèlent qu’un ADN mitochondrial de celle-ci a été identifié sur la scène de crime, et probablement transporté par lui involontairement, après un contact rapproché dans la journée. La mère du fils de Gregory Wiart, qui était encore alors enceinte, se trouvait le soir du meurtre alitée chez ses parents. Selon le frère de cette dernière, Gregory Wiart « a commencé à être violent avec l’enfant » après la naissance, et le dernier Noël avec lui, « est sorti en la laissant enfermée dans la maison, en coupant l’électricité, et en emmenant son portable ». Le frère s’est aussi plaint que Gregory Wiart lui ait volé un chéquier et signé des chèques pour un montant de 7 000 euros.
Identification d’un autre des agresseurs
Le , alors que le juge d’instruction Jordane Duquenne est parti à Nouméa en Nouvelle-Calédonie, sept hommes membres de la même bande de copains et du même club de 4×4 que Grégory Wiart sont placés en garde à vue. Deux d’entre eux sont rapidement libérés car ils « ont été mis hors de cause », fait savoir à la presse Bernard Farret, le procureur de la République d’Amiens.
Le 18 janvier 2013, l’un des sept est présenté au juge d’instruction, mis en examen pour enlèvement, séquestration, viol en réunion et meurtre, puis incarcéré. Il s’agit de Willy Bardon, originaire de Montescourt-Lizerolles, le même village que Grégory Wiart, et ex-patron du « Will Bar » à Fieulaine, un village proche de Saint-Quentin, dont il avait été expulsé par la mairie deux ans plus tôt car il ne payait plus le loyer, mais qui a un casier judiciaire vierge. Il a d’abord reconnu, puis nié, que sa voix était l’une des trois figurant sur l’enregistrement de l’appel aux pompiers lancé par Élodie Kulik la nuit du crime. Cinq des six autres hommes interpellés avec lui début janvier 2013, dont son propre frère, ont aussi affirmé que c’était sa voix.
Amis proches, Willy Bardon et Grégory Wiart avaient fêté le Nouvel An 2002, selon des photos fournies aux gendarmes, dans le restaurant chinois de Saint-Quentin dans l’Aisne, là-même où Élodie Kulik a dîné dix jours plus tard, le soir de son assassinat, mais cette dernière n’y était pas le soir du Nouvel An.
L’incarcération de Willy Bardon déclenche un nouveau témoignage d’une ex-restauratrice, déjà cité dans la presse en 2002 mais réitéré et précisé, qui affirme être passée devant deux voitures, dont un break, garées sur les lieux de l’accident, le soir où il s’est produit. L’ex-restauratrice affirme avoir été menacée de meurtre et de viol deux mois plus tard par un homme ressemblant à Willy Bardon, assis sur le siège avant à droite d’un véhicule break, dont il est sorti. La femme affirme être parvenue à fuir en lui donnant un coup de poing puis se serait réfugiée à un péage autoroutier surveillé par des caméras. Elle aurait également réussi à appeler le 17 (numéro de la police) de son téléphone portable. Les agresseurs auraient attendu qu’elle quitte le péage, mais, lassés, se seraient finalement éloignés. Cet épisode avait été suivi par l’établissement d’un portrait-robot ressemblant à Willy Bardon.
Début juin 2016, Willy Bardon, âgé de 42 ans, est libéré et placé sous bracelet électronique. Le procès ne devrait pas avoir lieu avant novembre 2017.
En avril 2017, les juges d’instruction décident de renvoyer Willy Bardon devant la cour d’assises, une année après une décision similaire du parquet.