Christian G. était en vacance chez Laurent, son ami d’enfance, nouvellement marié et qui venait de s’installer avec son épouse dans ce petit village du Tarn et Garonne. Il était « descendu » de Paris, par l’autoroute au guidon de son bolide japonais. Christian était bel homme, grand, intelligent et possédant un certain sens de l’humour. Cette première soirée s’annonçait morose, ses amis étant fatigués par leur journée de travail pour envisager la moindre sortie. La fête du village battait son plein ; Christian décidât de laisser le couple affalé devant la télévision et sortit dans la nuit fraîche, bien décidé de voir comment on s’amusait en province, un samedi soir. Une légère brise s’engouffrait dans les ruelles. La lune était pleine.
Un groupe local jouait des reprises sur une scène bancale. La musique était forte mais agréable. Des couples s’embrassaient goulûment. Des jeunes, collés sur le comptoir de la buvette, engloutissaient bières sur bières. L’ambiance était terne et aussi morose qu’à l’intérieur de la maison de ses amis. Jetant un coup d’œil rapide sur cette place de village, Christian remarqua la jeune fille. Elle avait de long cheveux noirs qui retombaient sur ces épaules. Ses yeux d’un bleu transparent le laissèrent sans voix. Elle le regardait, lui souriait. Lui qui a toujours été d’une extrême timidité avec les femmes, décida, sans hésitation, d’aller s’asseoir près d’elle afin de tenter d’engager la conversation. Elle s’appelait Virginie, habitait le village et avait sensiblement le même âge que Christian. Ils discutèrent une bonne partie de la nuit, échangeant regards complices et sourires affectueux, se découvrant des dizaines de points communs. Ils avaient quasiment les mêmes goûts et les mêmes attentes de la vie. Comme on dit, le courant passé entre eux.
Vers 1h30, elle dit à Christian qu’elle devait rentrer car elle devait se lever tôt le matin même. Il proposa de la raccompagner ce qu’elle accepta, précisant quand même qu’il ne fallait qu’il se fasse des idées sur la continuité de la soirée car elle vivait chez ses parents… Il répondit, qu’il souhaitait simplement la raccompagner, qu’il avait passé l’âge de ces gamineries, mais qu’il souhaitait vivement la revoir le lendemain. Elle ne répondit pas. Elle se contenta de frissonner et même se mit à trembler. Christian proposa son blouson à la Belle qui accepta avec un grand sourire.
Ils arrivèrent devant la maison, d’un style très rustique et d’apparence modeste. Elle le fixa droit dans les yeux, leur visage se rapprochèrent et leurs lèvres se frôlèrent ; mais au dernier moment, elle tourna la tête. Christian eut juste le temps de sentir un souffle glacé sur son visage. Sans un mot elle ouvrit la porte et rentra. Christian n’eut même pas le temps de réclamer son blouson. Grelottant, il rentra chez ses amis. Il eut du mal à s’endormir, pensant à Virginie. Avait-il rencontré la femme de sa vie…
Le lendemain matin, Il raconta cette rencontre inattendue à son ami qui ne semblait pas connaître cette Virginie là. Christian avala rapidement son petit déjeuner avant de chevaucher sa moto pour retrouver la maison où la veille, il avait raccompagné la jeune fille. Il frappa à la porte qui s’ouvrit, laissant apparaître un vieille femme courbée, le visage marqué par le temps et les duretés que la vie nous réserve.
« Bonjour, madame, vous devez certainement être la grand mère de Virginie ? »
Un regard glacial plongea dans les yeux gris de Christian.
« Je suis sa mère…
– Toutes mes excuses madame. Virginie est-elle là?
Le jeune homme se sentait terriblement confus et honteux.
– Je vous demande pardon… Les yeux de la vieille femme se mirent à briller.
– J’ai raccompagné Virginie devant votre porte hier soir et elle est rentrée, emportant par mégarde le blouson que je lui avais prêté.
– Monsieur, je n’apprécie pas votre humour… ou votre méchanceté… Virginie est morte le 17 octobre 1964 dans un terrible accident de voiture. Elle était mon unique enfant.
– Mais madame, je…
– N’insistez pas
Elle referma la porte violemment. Christian fixait bêtement la porte close. Il sursauta lorsque la cloche du village sonna onze heures. Son regard fixait le clocher quand il fut déporté vers la petite porte verte qui menait au cimetière. Le jeune homme se dirigea dans cette direction, ouvrit la porte et pénétrait dans ce lieu de repos éternel et de quiétude. Le cimetière était petit, ombragé par quelques saules et autres tilleuls. Ses yeux s’arrêtèrent instantanément sur une tombe. Elle portait le nom de Virginie E., décédée accidentellement le 17 octobre 1964 à l’âge de 31 ans.
Ce n’était pas le nom, ou le mauvais état de la sépulture qui avait attiré l’attention de Christian, mais le blouson noir, type motard, soigneusement plié et rangé sur la tombe de Virginie.
Christian ne revint jamais dans ce petit village du Tarn et Garonne.
Bonjour Reynald
Pas mal cette histoire…Je la connais avec une ou deux déclinaisons différentes, une se passe en Bretagne, et une autre dans le Berry….
Dans une c’est la mère qui emmène le garçon au cimetière, et dans l’autre c’est un automobiliste qui prête son imperméable, à une belle inconnue, et qui va le chercher avec la mère au cimetière le lendemain…
A Bientôt
Berthille
Oui j’avais déjà lu cette histoire qui fait froid dans le dos.
je connaissais déjà cette histoire mais ça intrigue malgré tout
très jolie et un style très romantique… digne d’une nouvelle d’Edgar Poe 🙂