Les petits bergers n’avaient pas peur des loups. Tous plusieurs fois ont lancé leurs chiens aux trousses de ces voleurs de moutons. Quant aux petits gardeurs de troupeaux qui ne possédaient pas de chiens, ils couraient eux-mêmes sus aux loups avec leur bâton en criant, ou bien ils leur jetaient des pierres. Et les loups animaux timides, beaucoup plus timides qu’on ne le croit, s’enfuyaient, tenaillés par la faim, mais avec, peut-être, l’espoir de trouver ailleurs une proie moins gardée.
Une vachère du village de Langogne est sauvée de justesse par son troupeau alors qu’une bête inconnue tente de la tuer. C’est la première victime d’une longue série de meurtres dont les victimes seront en majorité des enfants et des adolescents des deux sexes et des femmes. On parle alors de loup, mais la piste est vite oubliée par les paysans : ils connaissent les loups, et les loups ne font pas ce genre de choses… L’évêque de Mende, Monseigneur de CHOISEUL BEAUPRE, rédige et fait lire en messe, le 31 décembre 1764, un mandement qui explique à tous les gévaudannais que la bête n’est qu’une punition de Dieu, car nombre d’entre eux avaient déserté les bancs des églises.
De grandes battues sont organisées assez rapidement sous la direction du capitaine major de Clermont Prince, DUHAMEL (sur ordre du Comte de MONCAN, gouverneur militaire du Languedoc), qui arrive le 3 novembre 1764 à Mende et s’installe le 5 du mois courant à Saint-Chély d’Apcher avec 57 Dragons.
Le 12 janvier, le jeune Jacques PORTEFAIX et ses six camarades sont attaqués par la bête mais parviennent à la faire fuir. Leur combat héroïque ne manquera pas d’attendrir le roi Louis XV, qui leur fera verser une gratification de 300 livres.
Mais le temps passe, les meurtres continuent et la cour s’impatiente, il faut des résultats. DUHAMEL est, après plusieurs mois d’échecs, secondé puis finalement remplacé par Jean-Charles-Marc-Antoine Vaumesle d’ENNEVAL, et son fils Jean-François, des gentilshommes normands qui sont considérés comme les meilleurs louvetiers de France. Ils arrivent le 17 février 1765 à Clermont-Ferrand avec ses piqueurs et huit chiens limiers spécialisés dans la chasse au loup.
Les d’ENNEVAL n’abattent rien et le massacre continue de plus belle. Ils sont donc contraints d’accepter à contre coeur l’appui de l’armée pour organiser des battues. Les d’ENNEVAL sont plus habitués au calme terroir normand qu’aux sauvages monts du Gévaudan.
On les fait à leur tour seconder par François ANTOINE, porte arquebuse du Roi et Grand Louvetier du Royaume, qui arrive au Malzieu le 22 juin 1765.
Puis on demande aux d’ENNEVAL de bien vouloir s’en retourner chez eux, ce que, au vu de la pression générale et de la mauvaise entente avec les consuls et paysans gévaudannais, il s avaient prévu de faire.
Les battues reprennent de plus belle avec l’aide des cavaliers de la maréchaussée dont la plupart des « Gens d’armes » est issue du terroir…
Le 9 août 1765 l’une d’entre elles mobilise 117 batteurs armés, plus de 600 hommes et presque une centaine de chiens sans le moindre résultat mais le 11, une bonne nouvelle arrive au porte arquebuse : une jeune femme du nom de Marie Jeanne VALET a combattu la bête et l’a mise en fuite en la blessant. Cela s’est passé à l’entrée du village de Paulhac, où François ANTOINE se rend immédiatement.
Il nommera même la jeune femme la « pucelle du Gévaudan », la comparant à Jeanne d’ARC.
Le 21 août, après une altercation qui manqua de très mal se terminer (le 16 du même mois) avec les gardes PELISSIER et LACHENAY, le père et les deux frères CHASTEL (Antoine et Pierre) sont emprisonnés à Saugues; ils ne ressortiront que le 2 novembre.
Pendant cette même période, la bête ne fait aucune victime et n’attaque personne.
A la fin août, monsieur ANTOINE envoie à la Cour le garde REYNAULT, un homme de toute confiance, pour porter une missive demandant un secours d’urgence. A partir du 15 septembre on lui fait savoir que ce secours est en chemin et un cavalier se tient dès lors en permanence au Besset.
On s’étonne que Monsieur ANTOINE, qui dispose déjà des meilleurs piqueurs et pisteurs du royaume, ainsi que des meilleurs chiens de la Louveterie Royale (plus de quarante au total), attende avec tant d’impatience deux valets et une douzaine de chiens communs.
Heureusement le hasard fait très bien les choses et le 19, des gardes avertissent François ANTOINE qu’ils ont vu un loup dans la forêt de l’abbaye royale des Chazes. L’animal est cerné et le 21 septembre il abat personnellement un grand loup gris dans une allée forestière du Bois des Dames de l’Abbaye des Chazes. Mais il tire le fameux loup comme à la parade à cinquante pas puis à dix pas où il l’atteint d’abord au défaut de l’épaule, comme il se doit, puis à l’oeil droit. Le grand loup fait encore vingt cinq pas et tombe raide mort.
L‘animal est d’une hauteur de trente deux pouces, d’une longueur de cinq pieds sept pouces et demi, la grosseur du corps de trois pieds, le poids de cent trente livres. Tout le monde présent, et il y a de nombreux témoins, y compris les piqueurs de la Louveterie Royale, spécialistes en la matière, reconnaît un loup de très belle taille quoique de couleur assez inhabituelle. ANTOINE rapportera : « Nous déclarons par le présent procès verbal signé de notre main, n’avoir jamais vu aucun loup qui puisse se comparer à cet animal. C’est pourquoi nous avons jugé que ce pourrait bien être la bête féroce qui a fait tant de ravages « … ce qui est pour le moins étrange.
Le loup empaillé est présenté à Versailles où Monsieur ANTOINE est reçu en véritable héros. Il recevra le règlement de ses dépenses, plus une très importante prime (qu’il partagera entre les gardes qui l’accompagnaient) ainsi que des terres et des titres dont la Croix de Saint Louis.
Mais le 2 décembre la Bête attaque à nouveau à la Besseyre Saint Mary où elle blesse gravement deux enfants, puis une jeune vacher le 10 à Paulhac.
Plusieurs agressions meurtrières suivirent… mais la bête ayant officiellement été tuée par ANTOINE, on étouffe ces nouveaux meurtres puis on les colle sur le compte des loups.
C’est le Sieur Jean Joseph de CHATEAUNEUF-RANDON, marquis d’APCHER qui prend la relève pour organiser des battues et se dépensera sans compter.
Mais sans autre résultat que la continuation du massacre des loups.
La Bête quant à elle, ne fait « qu’une douzaine » de victimes durant l’année 1766, les dernières attaques datant du mois de novembre.
Après une relative période de tranquillité depuis le tout début de l’année 1767 jusqu’au début du mois d’avril, les crimes reprennent de plus belle fin avril et en mai dans la région de la Besseyre Saint Mary, puis de la paroisse du Malzieu où la dernière victime, Jeanne Bastide est tuée le 17 juin 1767 à Lesbinières. Ce sera donc la dernière victime officiellement recensée de la fameuse bête.
De son coté, le marquis d’APCHER dirigeait les opérations depuis le Château de Besques, situé près de Charaix.
Le 19 juin 1767 le marquis d’APCHER organise une grande battue dans les bois de la Teynazère sur les pentes du Mont Mouchet à proximité de La Besseyre Saint Mary et de Paulhac en Margeride.
Cette battue comporte seulement une douzaine de chasseurs expérimentés… dont Jean CHASTEL, posté sur la Sogne d’Auvers.
La légende veut qu’il ait eu le temps de ranger ses litanies de la vierge, de plier ses lunettes, prendre son fusil, viser et tirer sur la Bête qui, toujours selon la légende, l’attendait sagement assise à quelques mètres.
Suivant la description du notaire royal Maître Marin, qui étudia la dépouille au château de Besques, il ne s’agissait visiblement pas d’un loup mais d’un énorme mâtin aussi grand qu’un taureau d’un an avec de longs poils hérissés, une grosse tête, le poitrail large et blanc maculé de taches roussâtres, une crinière noire sur le dos allant de la tête à la naissance de la queue qu’elle avait fort longue et recourbée et qui battait ses flancs.
Après avoir montré la dépouille de la Bête à tous pour, selon l’usage, récolter quelques pièces, Jean CHASTEL la fit embaumer par un certain sieur BOULANGER, pharmacien apothicaire de Saugues et décida de l’emmener à Paris afin de toucher une récompense bien méritée. Mais le Roi ne l’entendit pas de cette oreille et ordonna qu’on enterre la dépouille dans les jardins de Versailles, après qu’elle fut vue par BUFFON.
Après avoir fait des reproches en public à Jean CHASTEL, il le renvoya chez lui sans indemnités. L’affaire fut donc classée une nouvelle fois. Mais, cette fois-ci, les massacres cessèrent pour de bon.
Jean CHASTEL toucha quand même une prime de 72 livres qui lui sera accordée par le diocèse de Mende.
Depuis, il semblerait que la bête n’est pas tout à fait morte.
Chaque ouvrage qui en parle la ressuscite et tous ceux qui cherchent encore des réponses s’en imprègnent tant qu’il se pourrait bien qu’un de ces quatre matins, la bête finisse par revenir…
hey moi je fait u expo dessut c’est trop trop interessant j’adore!!! 😀