En 1954, des copains font valser des lumières au dessus de la colline de Millet et défraient la chronique pendant 50 ans.
Sur internet tapez « ovni-Bélesta ». Vous allez voir ce qui remonte. Vous ne serez pas déçu ! Le 16 octobre 1954, un samedi, dans le ciel nocturne de Bélesta on assista au surgissement « de boules lumineuses évoluant durant une demi-heure en une ronde magique ». C’était le titre de La Dépêche du Midi » qui, quelques jours plus tard, consacrait un long article au phénomène, rédigé par le docteur Millet, alors président de l’aéro-club de Lavelanet. On était en pleine période d’apparitions d’OVNI dans le ciel de France, des dizaines de témoignages avaient été dûment recensés, par les autorités.
A Bélesta des dizaines de personnes ont pu témoigner du ballet des boules lumineuses au-dessus du « Rocher » de Millet, où se trouve une croix. Les gendarmes le vérifièrent aussi, appelés par une population que le phénomène intriguait. Depuis ce « cas » est un des classiques de l’Ufologie, que l’on trouve référencé partout, des auteurs à succès s’y appuient pour développer leurs thèses autour des mondes inconnus qui viennent nous visiter. Et pourtant il va falloir rayer cette splendide apparition : car ce n’était qu’un canular !
«PRESCRIPTION»
« J’ai pensé qu’après 55 ans, il y avait prescription, que le temps était venu de dire haut et clair la vérité ». René Lagarde est au nombre des témoins. Ce septuagénaire, ancien de la police nationale n’est pas un rêveur. « Cette affaire, c’est un amusement de jeunes. Avec tous mes copains de Bélesta, nous étions une demi-douzaine, on s’ennuyait ferme ce samedi soir-là. Dans les journaux, à la radio, on ne parlait que d’Ovni. Alors on s’est dit : ils en veulent, on va leur en offrir ! ».
Cinquante-cinq ans après, ils sont là les principaux protagonistes de ce canular, tous entrés dans leur soixante-dixième année, encore amusés au souvenir de ces étranges apparitions lumineuses. : Jean et André Sibra, René Lagarde, Gérard Pibouleau, Gérard Coléra. C’est comme si c’était hier. Devant eux, le massif de Millet, très raide, qu’à l’époque ils grimpèrent quatre à quatre avec un étrange appareil entre les mains. Une fourche de vélo, un guidon, une roue et attaché un peu partout, des lampes électriques puissantes. C’est le père de l’un d’entre eux qui avait fabriqué ce curieux engin. Lui aussi était dans la confidence. Sur les lampes, des caches de couleurs faits avec des papiers d’enveloppe de bonbons. Rouge, jaune, vert…
Ils en rient encore
« Avec ce vélo spécial, on montait et on descendait autour de la croix, il n’y avait pas d’arbres à cette époque, dans la nuit les gens voyaient mal et ils avaient l’impression que ces lumières montaient et descendaient dans le ciel. »
poursuit René. Ses copains hilares, reprennent la chanson.
« De là-haut – se souvient André – on a vu monter une voiture, c’étaient les gendarmes: on a décampé ! »
Manque de chance pour les jeunes qui voulaient seulement s’amuser, le ciel en a rajouté une couche, comme pour rendre plus crédible leur canular.
« Alors que l’on partait, il est passé dans le ciel une énorme étoile filante ! », raconte René.
C’était la lueur qui semblait atteindre Belvis dans le témoignage !
En bas, dans les rues de Belesta où se déroulait un concours de belote, tout le monde était dehors, avec les gendarmes. Une grande partie de la population a donc pu témoigner de ce qu’elle a vu. Gérard Pibouleau se souvient :
« Quand nous sommes redescendus, on a essayé de dire que c’était nous. J’ai même reçu une bouffe de la part de quelqu’un qui me traitait de menteur. L’affaire a pris de l’ampleur. On n’a pas osé en reparler. Et depuis on vit avec ce secret ! »
DANS LES LIVRES
L’affaire depuis était devenue un classique de l’Ufologie. C’est parce que René Lagarde l’a trouvée relatée dans un livre, consacré à l’Ariège, et parce qu’il a aussi consulté internet, qu’il a décidé de parler. Il a appelé ses copains. L’un d’entre eux était décédé. Un autre malade, n’a pu venir au rendez-vous de ce sympathique « cinquantenaire ». Sous un soleil de printemps, ils se tenaient là, avec leur sourire espiègle, contemplant le massif de Millet, et les yeux encore perdus dans leur belle blague de jeunesse !
L’observation «officielle» dans «La Dépêche» de 1954
Selon les rapports de gendarmerie, les témoignages recueillis, voici le récit tel qu’il est repris dans toutes les revues ou sites concernant les OVNI:
« Vers 21 h 30 les habitants de Belesta aperçoivent les premiers, au-dessus des rochers qui bornent l’horizon vers le sud-ouest, une curieuse luminosité qui semble provenir d’un objet très brillant caché par le bord de la montagne. Il y a bientôt de nombreux témoins dans les rues. Presque aussitôt l’objet monte dans le ciel et apparaît sous forme d’une ellipse rayonnant une lueur intense. Il n’y reste pas longtemps, redescend, redevient visible, puis remonte, redescend, apparaissant et disparaissant plusieurs fois de suite. Il est très aisé de suivre ses mouvements. Il en est ainsi pendant huit à dix minutes, jusqu’à 21 h 40. À ce moment, ce n’est pas un disque qui réapparaît, mais deux, séparés par un espace très franc. Ils ne présentent ni le même éclat, ni la même coloration, l’un blanc brillant, l’autre vert pâle. Cette phase dure une minute environ.
UN OBJET FILE VERS BELVIS
Tout à coup on peut voir non plus deux, mais trois objets. Ils changèrent fréquemment et subitement de coloration. Avec ce troisième objet est apparue une nouvelle couleur : un rouge foncé extrêmement lumineux semblable au rouge d’un vitrail éclairé par le soleil. À 21 h 45, le phénomène disparaît subitement et définitivement. Mais les témoins principaux qui peuvent suivre la fin des événements, un docteur, le chef de la brigade, et une troisième personne montent en voiture au-delà de la forêt par la D 16, jusqu’au plateau de Sault. À 22 h 05 au sud ouest de Belesta ils peuvent observer la dernière phase du phénomène : un vaste objet vert pâle file à très grande vitesse en direction de Belvis, vers l’ouest.
[…] »
Le cas de Bélesta : souvent cité dans les livres et remis en cause
L’observation de Bélesta est citée dans de nombreuses sources (voir ci-dessous) mais il faut bien avouer que certains auteurs avaient des doutes sur la réalité du phénomène. Comme Gérard Barthel et Jacques Brucker qui ne sont pas loin de débusquer la supercherie lorsqu’ils écrivent que « la recette pour cette observation est d’un habitant de Bélesta qui a bien connu l’inventeur : il faut prendre une vieille roue de bicyclette ». E t de détailler le mode d’emploi, un peu différent de ce qu’il fut en réalité mais assez proche toutefois. Michel Figuet dans son extrait du catalogue Francat note lui aussi qu’il s’agit d’une mystification.
UNe blague souvent reprise
Il faut dire qu’à Belesta certains, qui n’étaient pas les auteurs du canular, avaient ensuite pris la blague à leur compte… C’est donc qu’ils se doutaient. À moins qu’ils aient voulu tirer une petite gloire en s’appropriant une part du mystère.
En revanche, le « cas Belesta » est largement évoqué dans les sources suivantes :
– « Flying saucers uncensored » de Harold T.Wilkins (1 954) page 57 ;
– « Mystérieux objets célestes » d’Aimé Michel Séghers Éditeur (1 958) pages 246-249,
Notons que sur le net l’affaire est aussi évoquée : Ovni dans la région Midi-Pyrénées. les-ovini.com. et de très nombreux blog font état des faits.
Article de Jean-Philippe Cros.
Source: http://www.ladepeche.fr/article/2009/05/22/610511-Ovni-a-Belesta-en-1954-c-etait-une-blague.html