Cette très longue histoire est tirée du livre The Demonologist: The Extraordinary Career of Ed and Lorraine Warren, de Gerald Brittle, un ouvrage qui n’a pas été traduit en Français. L’histoire se divise en deux parties. La première, Une Famille Attaquée, raconte l’apparition des forces maléfiques et leurs premières manifestations. La seconde, Délivrance, relate l’arrivée des Warren et l’exorcisme. Les illustrations sont tirées du livre.
Une Famille Attaquée
Le 3 mars 1974, M. Theodore Donovan, cinquante ans, écrivit un mot sur le calendrier de la cuisine: sa fille Patty avait remarqué que l’un des pneus de sa voiture était à plat en allant à la pharmacie. Puis il alla tranquillement se verser une tasse de café. En ce dimanche matin, Ted aurait difficilement pu imaginer que cet incident apparemment ordinaire était le début du siège qu’un esprit maléfique avait décidé d’établir dans sa petite maison, et que ce siège se finirait par la destruction quasi totale de son ranch.
L’Enfer s’invitait ainsi chez les Donovan car la veille leur fille avait demandé à un esprit démoniaque de se montrer. Bien qu’elle ait accordé son autorisation sans le vouloir, elle l’avait néanmoins accordée, ce qui allait donner lieu à la pire des attaques démoniaques qu’Ed et Lorraine Warren, tous deux enquêteurs du paranormal, aient jamais connue.
Theodore et Ellen Donovan étaient des gens stricts, très religieux, et ils avaient deux enfants, Patty, âgée de dix-neuf ans et Brian, quinze ans. L’affaire avait commencé l’année précédente. Patty était une jeune fille solitaire, renfermée, qui avait peu d’amis. Alors une nuit, pour tromper son ennui, elle avait décidé d’essayer de s’en trouver un grâce à une planche Ouija. Après que tout le monde soit allé se coucher, elle avait déposé la planche sur le sol puis, posant ses doigts dessus, elle avait commencé à poser des questions:
Il y a quelqu’un? Mon nom est Patty Ann Donovan. Y a-t-il un esprit qui peut m’entendre?
Et brusquement, la goutte avait foncé sur le OUI. Un esprit venait de répondre à Patty, pour son plus grand malheur.
A partir de ce moment-là, la jeune fille l’avait contacté tous les jours, sans exception. Chaque soir, elle attendait avec impatience que tombe la nuit afin de pouvoir converser avec son nouvel ami éthéré. Elle passait des heures et des heures à parler avec lui. L’esprit se jouait souvent d’elle, flattant sa vanité:
Tu me sembles si belle dans ta robe marron aujourd’hui Patty. Tu es si jolie comparée aux autres filles. Relève tes cheveux demain. Ça donne bien comme ça.
Nuit après nuit, il lui faisait des déclarations romantiques qui menaient la jeune fille solitaire au désastre.
Tu me rends tellement heureux, chérie. J’adorerais me marier avec toi, si je le pouvais.
L’esprit lui avait raconté l’histoire de sa mort, la solitude qui l’accablait avant de la rencontrer, et parfois il se plaignait de ne pas pouvoir jouir de la vie, comme elle le faisait. Alors, pour le consoler, la jeune fille lui rapportait les petits événements qui parsemaient ses journées. Puis, au bout d’un moment, il cessait brusquement de répondre et lui disait malicieusement:
A demain
Au cours des mois, l’entité avait amené Patty à croire qu’il était l’esprit d’un adolescent qui avait trouvé la mort alors qu’elle n’était qu’une petite fille. Crédule et confiante, la jeune fille lui avait avoué ses sentiments et l’esprit avait répondu ce qu’elle espérait entendre. Pourtant, la seule fois où elle avait demandé son nom, il avait immédiatement refusé, lui expliquant qu’un esprit ne devait jamais révélé son identité à une personne vivante, où il était ensuite obligé de retourner dans les limbes.
Peu à peu, Patty en était venue à le considérer comme son petit-ami. Pour lui prouver son affection, l’esprit lui avait révélé quelques anecdotes insignifiantes sur l’avenir, qui s’étaient produites par la suite, ce qui avait renforcé un peu plus la confiance de la jeune fille.
Après avoir passé un an à discuter de manière intime avec son ami invisible par l’intermédiaire de la planche Ouija, Patty était devenue complètement dépendante de lui, affectivement parlant. Au cours de la dernière semaine de février 1974, elle lui avait demandé:
Peux-tu me révéler mon avenir?
Bien évidemment, l’esprit s’était montré enchanté de la contenter. Au cours d’une longue séance, il avait décrit un scénario de la vie de Patty pour les six prochaines années, fournissant des détails précis, allant jusqu’à lui donner la date de naissance de son premier enfant et lui affirmant qu’en 1978, elle en aurait déjà trois. Patty ne pouvait plus se passer de son petit-ami éthéré, et elle brûlait de voir à quoi il ressemblait. Alors, le samedi 2 mars, elle l’avait supplié de se montrer. Juste une fois, lui avait-elle demandé, implorante…
Le lendemain, quand Patty et son père avaient tenté de démarrer leurs voitures respectives, cela s’était avéré impossible. En soulevant le capot, Ted avait découvert que les fils des bougies avaient été arrachés, les tuyaux en caoutchouc détachés, et que la courroie du ventilateur avait été sectionnée. Quand à la voiture de Patty, les pièces internes du moteur avaient été démontées.
Puis, tout au long de la semaine suivante, d’étranges incidents étaient survenus dans la maison des Donovan. La sonnette de la porte d’entrée avait été détériorée, des arbustes avaient été arrachés, racines comprises, et sur le toit, un tuyau en fonte de 2m qui servait à maintenir des fils électriques avait été inexplicablement plié selon un angle à quatre-vingt degrés.
Le vendredi 8 mars, Ted Donovan écrivit une nouvelle fois » 1 pneu à plat « , sur le calendrier de la cuisine et le lendemain il fit de même, rajoutant que le pneu semblait avoir été coupé avec un couteau.
Patty était désespérée. Depuis quelques jours, elle ne parvenait plus à communiquer avec son bien-aimé. Nuit après nuit elle tentait de le contacter, mais la goutte glissait toujours sur » Au revoir « . Bien évidemment, elle ne se doutait pas que son bel ami éthéré se manifestait au même moment dans leur maison, les initiant aux joies des phénomènes surnaturels.
Durant la deuxième semaine de mars, les dégâts matériels occasionnés devinrent si inquiétants que Ted, pensant avoir à faire à des vandales, décida de porter plainte. Lorsqu’un agent de police se présenta chez lui, Ted lui montra la destruction des plantes et des arbustes du jardin et il lui expliqua qu’il pensait que quelqu’un s’était introduit dans son garage car des pneus avaient été perforés et les moteurs des voitures détériorés. Il lui signala également qu’à une occasion, il avait même entendu quelqu’un frapper contre les murs de la maison. Avant de partir, le policier rassura Ted, lui assurant que les patrouilles de nuit garderaient un œil sur sa propriété.
Quelques jours plus tard, au cours de la même semaine, Ted et Ellen interrogeaient Brian sur ses amis, bien conscients que ces actes de vandalisme pouvaient être la conséquence d’une querelle d’adolescents, quand soudain, un vacarme impressionnant retentit dans la maison. Se déplaçant précautionneusement, ils fouillèrent toutes les pièces et découvrirent rapidement l’origine du bruit: il y avait maintenant un trou béant de 45 cm dans l’un des murs de la chambre de Brian. Inexplicablement, les bords dentelés de la plaque de plâtre pointaient vers la chambre, comme si le coup avait été asséné de l’intérieur du mur.
Cet incident les intrigua particulièrement. Cette nuit-là, quand ils allèrent se coucher, ils purent entendre des grattements à l’intérieur des murs, comme si un animal s’y était introduit. Alors qu’il écoutait ce frottement étrange, Ted crut entendre un son qui ressemblait au grincement de planches disjointes. Il sauta de son lit, alluma les lumières et passa la moitié de l’heure suivante à tout vérifier de la cave au grenier, sans résultat. Pourtant, ces bruits agaçants allaient continuer toute la semaine.
La voiture de Patty avait subi trois crevaisons, aussi son père lui avait-il acheté des pneus radiaux. Mais le mardi 19 mars, l’un de ces nouveaux pneus était déjà crevé, fendu par la lame d’un couteau. Durant la troisième semaine de mars, les phénomènes commencèrent à s’intensifier. Chaque soir, à la nuit tombée, quelque chose se mettait à taper sur les murs extérieurs de la maison. Les coups venaient par série de trois et ils étaient assénés avec tant de force qu’ils secouaient le bâtiment. Cette semaine-là, Ted et son fils Brian sortirent une douzaine de fois, équipés de lampes de poche, tentant vainement de trouver la source du problème.
Un soir de cette troisième semaine, en plus des grattements qui devenaient habituels, des coups discordants et aigus résonnèrent à l’intérieur de la maison. Ils montèrent rapidement en puissance et lorsque la famille alla se coucher, ils continuaient encore. Le week-end du 20 et du 21 mars, les soupapes des radiateurs à vapeur se dévissèrent, crachant de l’eau chaude sur les murs et les tapis. Perplexe, Ted remplaça méthodiquement les cylindres des radiateurs mais quelques heures plus tard ils lâchaient une nouvelle fois, inondant la maison. Dégoûté, Ted descendit au sous-sol et coupa le chauffage.
En même temps, les martèlements étaient de plus en plus fréquents et de plus en plus intenses. Au lieu de passer son week-end à se reposer, Theodore Donovan, qui travaillait dans la conception de machines depuis plus de vingt-trois ans, écuma sa maison pour tenter de découvrir la source des bruits. Le lendemain, épuisé, il renonça, et décida d’appeler à la fois un chauffagiste et un plombier.
Le chauffagiste se présenta tôt dans la matinée du mardi, la quatrième semaine de mars. Il entendit les coups répétés mais après regardé l’installation il déclara que cela ne venait pas de la chaudière, qui marchait parfaitement bien. Le mercredi, le plombier vint examiner les radiateurs. Ted était au travail mais Ellen lui expliqua que tous les jours, une ou deux vannes de pression se dévissaient d’elles-même, crachant de la vapeur et de l’eau chaude et elle lui mentionna également les coups et les grattements nocturnes.
Le plombier vérifia s’il n’y avait pas de fuites, mais les radiateurs étaient eux-aussi en excellent état de fonctionnement. Par mesure de précaution, il remplaça les anciennes vannes par de nouvelles, les sanglant de toutes ses forces. Mais à peine avait-il terminé que l’un des nouveaux cylindres était retrouvé sur le sol, à côté du radiateur. Après avoir testé les radiateurs une nouvelle fois, il remis les vieux cylindres et dit à Sharon:
Madame, vous avez un problème.
La semaine qui suivit, un autre des pneus de Patty fut lacéré, mais cette fois, la crevaison parut presque anecdotique comparé à ce qui se passait dans le ranch.
Les coups sur la maison et dans les murs, qui commençaient souvent au crépuscule, avaient gagné en puissance, et ils faisaient souvent tomber les décorations sous la force de l’impact. Les Donovan essayaient de contourner le problème en sortant le plus souvent possible, ce qui leur accorda un répit temporaire. Néanmoins, ce qu’ils avaient vu jusqu’alors n’était qu’un petit, mais vraiment tout petit aperçu des possibilités de l’entité.
Le dimanche 31 mars, la trace d’un nouveau coup de couteau apparut dans l’un des pneus neufs de la voiture de Patty. C’était la sixième fois qu’un pneu était coupé ou crevé mais c’était aussi la dernière fois.
Vers 22h, ce dimanche soir, Ted et Ellen tentaient de regarder la télévision dans leur chambre, qui restait l’endroit le plus calme de la maison malgré le malgré le martèlement incessant qui résonnait dans les murs. Brian et Patty, qui avaient peur de rester seuls, étaient assis sur le sol à proximité. Soudain, les lumières clignotèrent trois fois de suite puis la télévision s’éteignit brusquement. La lourde commode de la chambre se souleva alors de quelques centimètres, puis se mit à se balancer d’avant en arrière, faisant tomber des flacons de parfum et des pots de cosmétiques qui se brisèrent sur le sol. La commode redescendit et un moment plus tard, l’un de ses tiroirs s’ouvrit. Le tiroir sembla planer une seconde, avant de se refermer violemment et bientôt, tous les tiroirs se mirent à s’ouvrir et à se refermer d’eux-même de la même manière.
Les Donovan ne bougeaient plus, figés par la peur. Les tiroirs arrêtèrent rapidement leur démonstration et une lourde chaise chargée de vêtements pliés s’éleva à 1m du plancher puis s’inclina sur le côté, faisant tomber les sous-vêtements, avant de retomber dans un bruit sourd. A la suite de quoi les tableaux se soulevèrent de leurs crochets, s’éloignèrent de la paroi et se mirent à flotter en cercle autour de la pièce.
Mon Dieu, dit Ellen, qu’avons-nous fait pour mériter cela?
A ce moment là, les montants du grand lit tombèrent à terre et le lit, avec Ted et Ellen dessus, s’effondra sur le sol. Puis les tableaux retombèrent violemment sur le plancher et soudain, toutes les activités cessèrent.
Plus tard dans la nuit, après avoir nettoyé le désordre, les Donovan tentèrent de dormir. Cependant, quand les lumières s’éteignirent, le miaulement d’un chaton s’éleva de la chambre d’amis et, quelques minutes plus tard, il se changea en des pleurs de bébé. Ted avait envie d’aller voir dans la pièce, mais sa raison lui disait de s’en tenir éloigné. Il lui semblait que des planches étaient arrachées des murs et que toute la maison était en cours de démantèlement. Des coups résonnaient sur le toit et les murs extérieurs, retentissant dans les parois intérieures. Au bout d’une heure, les bruits semblèrent se diriger vers l’entrée et ils cessèrent brusquement. Soudain, des coups répétés firent trembler la tête de lit, et Ted et Ellen sautèrent immédiatement de leur matelas. Alors que la panique gagnait les esprits, l’activité continuait, plus puissante, plus intense. Lorsqu’ils entendirent les meubles retomber dans le salon, Ted voulut aller voir mais à ce moment-là, un cri à glacer le sang retentit dans la chambre de Patty.
Quelque chose était là. Quelque chose était dans cette pièce avec moi! , cria la jeune fille, affolée.
Lors de la journée du 1er avril, il plut des pierres. Elles descendaient droit du ciel bleu et bombardaient le toit du ranch avant de tomber sur la pelouse. Terrifiée en voyant un rocher traverser la fenêtre arrière, Ellen téléphona à son mari au travail. Ted lui répondit qu’il rentrait immédiatement et lui conseilla d’appeler la police. Au moment où Ted arrivait chez lui, les policiers étaient sur les lieux, regardant l’incroyable spectacle. La pluie de pierres s’arrêta au bout d’une heure. Désemparé, Ted demanda aux policiers ce qu’il devait faire et ils lui répondirent:
Appelez un prêtre
ce qui le laissa songeur. Comment un prêtre aurait-il pu les aider? Leurs problèmes n’avaient rien de religieux…
Ce jour-là, Ted ne retourna pas travailler et quand la lumière du soleil commença à faiblir, les meubles et les objets commencèrent à léviter. A l’étage, certains objets tombaient sur le sol, d’autres étaient projetés contre les murs et d’autres encore semblaient viser les Donovan qui passèrent une nuit blanche. Au petit matin, la maison était dans un état épouvantable et Ted, exaspéré, décida d’écouter la suggestion du policier. Comme il était catholique, il téléphona au presbytère de l’église locale et parla avec le prêtre qui était de service. Il lui décrivit les meubles en lévitation, les coups, les grattages, et même les pierres qui étaient tombées du ciel. Le prêtre nota l’adresse du ranch et promit d’être là dans l’heure.
Quand le prêtre se présenta, toutes les perturbations cessèrent brusquement. Enjambant les objets cassés et les meubles renversés, le prêtre en conclut que quelqu’un dans la maison avait un problème psychologique et qu’ils devaient appeler un psychiatre. Mais à peine quittait-il les lieux que les coups et les lévitations reprirent aussitôt.
Confus, Ted arriva au travail en retard ce jour-là et il décida de se confier au seul homme en qui il avait totalement confiance, son superviseur. L’homme, qui croyait en son histoire, aurait voulu l’aider mais il n’avait, aucune idée de ce qu’il pouvait faire. Puis, réfléchissant, il se rappela de certaines personnes dont il avait entendu parler à la radio:
Leur nom est Warren, je crois. Je me souviens d’eux disant que certaines fois, seul un objet béni placé dans la maison parvenait à arrêter les choses étranges qui s’y déroulaient. Je ne sais pas comment mettre la main sur ces gens, mais je pense qu’ils sont ta meilleure chance.
Cette conversation redonna du courage à Ted. Ce soir-là, il descendit au sous-sol et déballa une statue de plâtre de Saint-Anne de 45 cm, qui, espérait-il, résoudrait le problème. Cependant, à peine l’avait-il transportée à l’étage qu’il entendit un énorme vacarme au rez-de-chaussée. Quand il voulut aller voir ce qui se passait, il découvrit que les meubles de la salle de loisir flottaient dans les airs. Non loin de là, les savons et les détergents de la buanderie étaient également en lévitation, déversant leur contenu sur le sol. L’irrationalité de la chose submergea Ted. Il remonta les escaliers mais en arrivant en haut, il s’aperçut que la statue avait disparu. Plus tard, il la retrouva dans la salle de bains, à côté des toilettes.
Cette nuit-là, outre les manifestations habituelles, des cris et des bruits infernaux emplirent la maison. Le lendemain matin, la statue de Sainte-Anne s’était volatilisée une nouvelle fois. Ils la retrouvèrent sous les couvertures du lit de la chambre d’amis, non loin de la chambre de Brian, dont la porte étaient maintenant recouverte d’obscénités écrites au crayon, du même genre que celles que l’on peut lire dans des toilettes publiques.
Durant cette première semaine d’avril, dormir s’avéra impossible et Ted décida de faire partir sa famille de la maison jusqu’à ce qu’une solution soit trouvée. Peut-être imaginaient-ils tout ça ou peut-être le » sort » se briserait-il s’ils s’éloignaient. Ils prirent quelques vêtements de rechange et des articles de toilette puis ils se rendirent dans un motel proche. Ils avaient décidé de tous dormir dans la même chambre mais à leur grand désarroi, la nuit fut infernale: les lumières s’allumaient et s’éteignaient, les photos se décrochaient des murs et, une fois de plus, le martèlement recommença. Le lendemain matin, lorsqu’ils revinrent dans leur chambre après le petit déjeuner, ils s’aperçurent qu’elle avait été dévastée. Le mobilier avait été renversé, les tiroirs retirés des meubles et les draps, les matelas, les sommiers et leurs vêtement gisaient sur le sol, éparpillés un peu partout.
Alors qu’ils tentaient de remettre les choses en ordre, le directeur de l’hôtel surgit à leur porte et leur rapporta que des clients s’étaient plaints de leurs enfants, affirmant qu’ils avaient cogné sur les murs durant toute la nuit. De plus, la femme de chambre lui avait rapporté que la chambre avait été pitoyablement vandalisée.
Ted s’excusa humblement et assura le directeur que cela ne se reproduirait plus. Mais la nuit suivante se déroula exactement de la même manière et les Donovan n’eurent d’autre choix que de retourner chez eux.
Le samedi 6 avril, quand Ted ouvrit la porte d’entrée, une odeur épouvantable parvint à ses narines. Les tapis et les lits étaient remplis de nourriture renversée, de liquides de nettoyage, d’alcool, de cirage, de parfums etc… Les toilettes avaient été bourrées de serviettes, les meubles de chaque chambre avaient été renversés, et certains d’entre eux étaient cassés. Sur les murs, des blasphèmes déments et des accusations religieuses obscènes avait été griffonnés à l’encre rouge sang. Les Donovan passèrent leur journée à nettoyer et à tenter de remettre la maison en ordre.
Le 7 avril, qui était le dimanche des Rameaux, Phil, le frère de Ted, devait venir manger avec sa famille et Ellen espérait que les deux hommes pourraient résoudre le problème ensemble. Ellen et Ted expliquèrent à Phil la terrible épreuve qu’ils traversaient et Phil leur répondit qu’il devait y avoir une explication rationnelle à tout cela. Bizarrement, pendant tout le repas, aucune activité inhabituelle ne se produisit.
Après le dîner, les deux familles se dirigèrent vers la salle de loisir. Phil avait apporté des diapositives récentes de leurs dernières vacances, dont leur visite à Holy Land, une attraction touristique. Alors qu’une diapositive montrant des croix et des statues était projetée, Patty sauta sur ses pieds, pointant quelque chose du doigt. Inexplicablement, de l’eau coulait sur le mur de la pièce. Puis brusquement, les lumières s’éteignirent et quelques secondes plus tard, le martèlement familier commença à résonner à l’étage. Phil et Ted courent au premier pour voir d’où il venait mais à chaque fois qu’ils s’en approchaient, le bruit se déplaçait dans une autre partie de la maison. Puis soudain, un vacarme invraisemblable s’éleva du toit, faisant vibrer les murs et tomber les photos qui y étaient accrochées. La femme de Phil et leurs jeunes enfants avaient suivi les hommes à l’étage, terrifiés, et Ted demanda alors à son frère de leur faire quitter la maison. Phil n’avait aucune envie envie d’abandonner Ted dans une telle situation, mais il n’avait pas vraiment le choix. En arrivant à la porte d’entrée, Phil se tourna vers Ted et lui dit:
Il n’y a rien de naturel dans tout ça. Vous feriez mieux de trouver un autre prêtre disposé à vous écouter!
Ce dimanche soir, la maison sembla basculer dans la folie. Theodore Donovan regardait ses enfants et sa femme se menacer mutuellement de mort quand soudain les larmes lui vinrent aux yeux et il ordonna à chacun d’arrêter. A bout de nerfs, Brian et Ellen tournèrent la tête vers lui et éclatèrent en sanglots mais Patty, indifférente, s’enferma dans sa chambre jusqu’au matin.
Le lendemain, le 8 avril, Ted était fatigué et pâle. Il ne savait plus vers qui se tourner et pourtant, quelque chose devait être fait… Mais alors qu’il se regardait par la fenêtre de la cuisine, il aperçut la grande croix qui surplombait le monastère de la maison de retraite qui bordait sa propriété et l’espoir l’envahit. Les moines… les moines savaient peut-être…
Ted attendit que l’heure du déjeuner soit passée puis il se dirigea vers la maison de retraite où un sorte de moine moyenâgeux lui proposa d’entrer dans le hall. Ted fit de son mieux pour expliquer le problème, puis il demanda au moine, plein d’espoir:
Voulez-vous, s’il vous plaît, venir chez moi et voir de quoi je parle?
A son grand soulagement le moine accepta et ils repartirent ensemble vers le ranch des Donovan.
Une fois à l’intérieur, le moine inspecta les dommages, il écouta les coups aléatoires qui résonnaient dans la maison et il lut les obscénités griffonnées sur les murs. Il ne semblait pas spécialement perturbé par ce qu’il voyait et, après la visite, il demanda à Ted de s’asseoir:
- Permettez-moi de vous expliquer ce que je crois qui se passe ici. Il y a des choses qui se passent dans ce monde qui sont délibérément gardées secrètes, des choses que l’on apprend que par l’expérience. A mon avis, et j’ai seulement une connaissance très limitée de ce genre de choses, le terrible problème dont vous souffrez est causé par des esprits. Croyez-vous en de telles choses Ted?
- Depuis quelques jours, mon Père, je suis ouvert à toutes les suggestions.
- Bien, bien, dit le moine. Ce genre d’esprit, qui se plaît à tourmenter les gens, n’est pas un fantôme mais un esprit d’un genre spécial. Nous ne savons presque rien à propos d’eux si ce n’est qu’ils sont des esprits vraiment mauvais, et à en juger par leurs actions, quelque chose semble ne pas aller dans cette maison. Je ne peux pas défier moi-même ce genre d’esprit qui semble être rentré chez vous, mais je pense que d’autres prêtres le peuvent. Mais, soyez avertis, il y a d’autres mystères dans le monde. Les mystères de la science se déroulent sous nos yeux tous les jours. Toutes les questions étranges ont des réponses étranges. L’esprit nous joue des tours, la nature nous joue des tours. Avant que l’Église assigne un cas comme le votre au clergé, il doit d’abord être prouvé que l’affaire est réellement de nature spirituelle. Quelle est votre opinion?
- Je pense que vous pourriez éventuellement avoir mis le doigt sur la problème, Père. je tiens à poursuivre, répondit Ted.
- Alors je vais vous donner le nom de quelqu’un qui pourrait être en mesure de vous aider à régler cette sorte de chose, son nom est Ed Warren.
C’était la deuxième fois que quelqu’un parlait des Warren à Ted. Lorsque les deux hommes retournèrent à la maison de retraite, le moine passa un appel téléphonique et obtint le numéro d’Ed et Lorraine Warren. Puis, se tournant vers Ted il lui dit: » Vous feriez mieux d’entrer en contact avec ces personnes dès que possible. » Et Ted comptait bien le faire.
Un peu plus tard dans la matinée, Ted téléphona aux Warren et discuta avec Judy Penney, une jeune femme qui travaillait comme agent de liaison quand Ed et Lorraine s’absentaient de chez eux. Judy avait déjà entendu de nombreuses histoires surprenantes par téléphone, mais le récit de Ted la troubla particulièrement.
Les Warren sont dans l’Ouest, mais je vais relayer le message, déclara-t-elle. Je vous suggère d’appeler samedi, ils seront rentrés chez eux.
Mais avant d’arriver au samedi, il fallait attendre cinq longues journées. Le lendemain matin, à l’aube, les Donovan furent brusquement réveillés par des bruits sourds sur le toit. Ils se levèrent précipitamment et ils s’aperçurent qu’une fois de plus, des pierres surgissaient du néant pour s’abattre sur leur maison. Durant toute la semaine, dès l’aube, des pierres tombèrent sur leur propriété, ne s’arrêtant qu’au crépuscule. Leur nombre et leur vitesse variaient. Certaines tombaient lentement, comme si elles sombraient dans l’eau, d’autres zigzaguaient, et parfois un déluge de roches tombaient violemment du ciel. Certaines si lourdes qu’elles s’incrustaient dans le sol. Quand elles touchaient terre la moitié des pierres disparaissait, mais les autres restaient bien visibles à l’endroit où elles étaient tombées.
Dans la maison, les attaques antireligieuses étaient devenues aussi virulentes que les chutes de pierres. Les crucifix étaient renversés, les images de saints déchirées et leurs morceaux entassés en pile. La statue de Sainte-Anne, que la famille conservait dans le salon, était sans cesse dissimulée, comme si l’entité ne pouvait supporter sa vue. Une nuit, Ted et Ellen entendirent un énorme bruit dans la chambre de Brian et quand ils arrivèrent dans la pièce, ils découvrirent que l’un des lits jumeaux avait été déchiré. Le matelas était sous le châssis du lit et le sommier était appuyé contre le mur, couvrant une photo encadrée de Jésus.
A une autre occasion, alors qu’ils étaient assis dans le salon, ils entendirent un terrible gémissement s’élever de la cuisine. Inspectant prudemment les lieux, Ted remarqua que le réfrigérateur avait été tiré au milieu de la pièce, exactement à la longueur de son cordon d’alimentation. La nuit suivante, ils entendirent la même plainte et ils découvrirent une nouvelle fois le réfrigérateur au même endroit. L’après-midi, quand Ted ouvrit le congélateur, dont il détenait l’unique clef, il trouva à l’intérieur la grosse enclume de fer qu’il conservait habituellement dans le garage. Un peu plus tard, il découvrit que sa grande boite à outils en acier avait été mystérieusement téléportée au grenier.
Mais le pire de tout était la présence qu’ils sentaient maintenant dans la maison. Lorsqu’ils étaient seuls dans leurs chambres, tous les membres de la famille avaient le sentiment que quelqu’un se trouvait derrière eux, et que ce quelqu’un les regardait. Ils entendaient des pas, le bruissement de vêtements, parfois une respiration difficile, et la terreur se renforçait chaque jour un peu plus. A une occasion, Ellen s’était retournée rapidement et elle avait aperçu une forme noire dans la salle, debout derrière elle. Le vendredi 12 avril, qui était le Vendredi Saint, fut une nouvelle journée éprouvante. Une atmosphère menaçante enveloppait la maison et la présence se faisait si réelle, si physique, que plus personne n’osait rester seul, même pour un moment. Ellen et Ted, terrifiés, n’espéraient plus qu’une chose: que les Warren, quels qu’ils soient, arrivent enfin.
Délivrance
Le 12 avril, peu après dix-huit heures, un avion atterrit à l’aéroport de LaGuardia. A son bord, se trouvaient Ed et Lorraine Warren, qui rentraient chez eux après une tournée de dix jours. Le lendemain, samedi 13, vers midi, Lorraine reçut l’appel d’un homme qui semblait dévoré par la peur. Après l’avoir rassuré comme elle le pouvait, elle lui demanda:
Pouvez-vous expliquer votre problème aussi précisément que possible?
Pendant un quart d’heure, Theodore Donovan raconta une histoire tellement incroyable qu’elle semblait impossible. Il lui parla des voitures, des flacons qui flottaient dans le couloir et déversaient leur contenu sur les tapis et les meubles, des téléportations d’objets, des lévitations, des pierres qui tombaient du ciel et de l’eau qui coulait sur les murs. Il n’en pouvait plus. Il la suppliait de lui venir en aide, proposant même de payer leurs services.
Dans un premier temps, Lorraine pensa que Ted Donovan faisait preuve d’une certaine imagination mais quand il eut terminé, il était évident pour elle que la maison de cet homme était en proie à un siège diabolique.
Ed est impliqué dans une autre affaire ce samedi, lui dit-elle. Cependant, nous pourrions venir chez vous demain, dimanche.
Ted accepta immédiatement, soulagé. Après six semaines d’angoisse, se dit-il, un jour de plus serait sans conséquence.
Pour Ed et Lorraine Warren, la démonologie ne consistait pas seulement à traquer les phénomènes étranges, ils se faisaient un devoir, malgré leur emploi du temps saturé, d’aider ceux qui se trouvaient opprimés, agressés, ou même possédés par les forces des ténèbres. Ce soir-là, Lorraine prépara leurs sacs de voyage et tôt le lendemain, les Warren prirent la route vers le Vermont, où se trouvait la maison des Donovan. Ils y arrivèrent dans le courant de l’après-midi. Selon Ed: L’endroit avait l’air assez tranquille, sauf pour les pierres qui jonchaient la pelouse . A l’intérieur, cependant, les choses étaient très différentes. Des meubles de prix étaient ébréchés, tâchés, des graffitis recouvraient les murs et une odeur nauséabonde imprégnait l’air. Lorraine ne dit rien, mais en rentrant dans la maison elle sentit immédiatement la présence d’entités. Elles étaient si nombreuses et si menaçantes que la médium dut se battre avec elle-même pour ne pas ressortir immédiatement. Il lui semblait qu’une fureur sauvage se dissimulait là, et que le pire restait encore à venir.
Après avoir présenté sa famille à Ed et Lorraine, Ted leur fit visiter la maison. Dans chaque chambre, il s’arrêta pour raconter une douzaine d’incidents au moins, que les Warren écoutèrent attentivement, essayant de discerner d’éventuelles exagérations, puis, en fin de journée, les enquêteurs interrogèrent tous les membres de la famille. Ils demandèrent tout d’abord à Ted de leur donner une chronologie précise des événements et pendant plus d’une heure ce dernier leur expliqua les diverses manifestations , en commençant par la toute première.
- Est-ce que vous savez ce qui peut avoir causé ce problème dans votre maison?, demanda Ed.
- Non.
- Quand avez-vous remarqué la première occurrence d’une activité inhabituelle?
- Je pense que c’était le mars, quand Patty est revenue de la pharmacie avec un pneu à plat. Peut-être que c’est une coïncidence, mais il me semble que c’était le premier incident.
- Quelqu’un dans le quartier, ou dans votre famille proche, est-il mort récemment, peut-être quelqu’un avec qui nous ne vous entendiez pas très bien?
- Non.
- Quelqu’un dans la famille est-il allé voir un psychiatre?
- Non.
- Avez-vous acheté une pièce antique ou de vieux meubles d’un dépôt-vente, avant le début des activités?
- Non.
- Est-ce que quelqu’un dans votre famille a acheté ou reçu un cadeau inhabituel ou une figurine de l’étranger? Des statues sculptées? Une poupée vaudou haïtienne? L’image d’une divinité d’une autre religion?
- Non.
Alors qu’Ed et Lorraine interrogeaient les Donovan, des cognements intermittents commencèrent à résonner dans les murs. Ils retentirent pendant quelques minutes puis s’arrêtèrent. Quelques instants plus tard, les bruits recommencèrent, s’élevant de différents endroits du sol. Les sons étaient assez audibles pour être enregistrés sur magnétophone. Les Warren continuaient à interroger la famille, n’accordant aucune importance à l’activité. Espérant arriver à cerner l’origine du problème, Ed entreprit alors de poser des questions plus précises.
- L’occultisme est-il pour vous un passe-temps? Avez-vous suivi des séances de groupe pour ouvrir votre conscience?
- Non.
- Quelqu’un a-t-il acheté ou empruntés des livres à la bibliothèques ayant pour sujet le satanisme ou des rituels de sorcellerie?
- Non.
- De ce que vous en savez, des séances ont-elles jamais été tenues dans cette maison, même des années plus tôt?
- Jamais.
- Brian, Patty, est-ce que l’un de vos amis s’intéresse à l’occultisme, quelqu’un qui pourrait accomplir des rituels ou des cérémonies magiques?
- Non.
- Est-ce que quelqu’un ici a utilisé une planche Ouija ou un dispositif d’écriture automatique?
- Oh, dit soudain Patty dans un chuchotement.
- Avez-vous utilisé une planche Ouija, Patty?, lui demanda alors Lorraine.
- Oui, admit la jeune fille, à la stupéfaction de tous.
- Très bien ma chère, vous feriez mieux de tout nous dire à ce sujet. Commencez par le début, s’il vous plait « , déclara Lorraine. Après quoi Patty raconta comment elle avait, à l’aide du Ouija, réussit à communiquer avec l’esprit d’un adolescent mort dans la région une dizaine d’années plus tôt. Patty admit qu’elle n’avait jamais vu l’esprit, même si elle lui avait demandé de se montrer. Elle le défendit ardemment, expliquant qu’il était bien réel et qu’il lui avait prédit avec précision des événements futurs avant qu’ils ne se produisent. Elle réfuta farouchement l’idée que son ami pouvait causer les manifestations, le décrivant comme gentil et compréhensif. » Est-ce que cet esprit vous a dit son nom?, demanda alors Lorraine?
- Non, il m’a dit qu’il n’était pas autorisé à le faire, répondit Patty.
- Je suppose que vous communiquez encore avec cet esprit?, interrogea Lorraine.
- Non, répondit Patty, un peu tristement. Je dois avoir fait quelque chose de mal, je ne suis pas arrivée à lui parler depuis que je lui ai demandé de se montrer cette nuit-là.
- C’était quelle nuit?
- Juste une minute. Patty se leva et alla dans sa chambre. En revenant, elle répondit: Le 2 mars.
- Et l’activité a commencé le…?
- Le 3 mars « , s’exclama Ted en regardant Ed. Ted, Ellen et Brian avaient écouté le récit de Patty avec étonnement. Comment quelque chose d’aussi banal qu’une planche Ouija pouvait-il amener autant de problèmes? Alors que les coups continuaient à faire vibrer les murs, Ed n’eut d’autre choix que de passer les prochaines trente minute à leur expliquer l’horrible réalité des phénomènes démoniaques. Quand Ed s’arrêta de parler, les Donovan restèrent un moment silencieux, abasourdis. Puis finalement, Ted demanda: » M. Warren, comment savez-vous tout cela?
- M. Beckford, répondit Ed, c’est mon travail. Je l’ai fait toute ma vie. Je suis démonologue.
- Mon Dieu. »
A la fin de la discussion, les Warren s’excusèrent et sortirent s’entretenir un moment sur la pelouse. Le cas était beaucoup plus grave que ce qu’ils avaient pensé au premier abord. Le siège ne cesserait pas de lui-même et l’activité avait atteint un niveau dangereux. De plus, comme la famille l’avait constaté, ils ne pouvaient se réfugier ailleurs car l’entité les suivait. Les Warren décidèrent alors que la solution la plus rapide et la plus sure était de faire intervenir l’Église.
S’il y avait une enquête, Ed savait qu’un ecclésiastique serait amener à témoigner et il voulait spécifiquement que le Père Jason soit ce témoin. Avec la permission des Donovan, il téléphona au Père Jason Branford, un prêtre de leurs connaissances qui s’était déjà fait une ennemie de la poupée de chiffon Annabelle. Le Père Jason était un jeune prêtre d’une trentaine d’année qui avait récemment étudié la démonologie et l’année précédente Ed lui avait enseigné les aspects pratiques de cette discipline. Quelques heures plus tard, juste après le coucher du soleil, le prêtre se présenta au ranch. A ce moment-là, des grattements et des coups s’élevaient des murs et de petits objets lévitaient. Pour voir si le martèlement était délibéré, Ed tapa deux fois sur le mur, et il y eut deux coups en réponse. Il martela ensuite la paroi à quatre reprises, et quatre coups rapides résonnèrent sur le sol, puis sur une table, ce qui lui confirma qu’une intelligence était bien responsable des manifestations.
Ed demanda au père Jason d’effectuer une bénédiction dans chaque chambre ce qui réduisit sensiblement la fréquence des coups, qui était l’aspect le plus pénible de la perturbation. Puis Ed et Lorraine s’assirent au salon et informèrent le prêtre qu’ils devaient quitter la maison pour aller dans le Maine, et qu’il se retrouverait donc seul avec la famille en leur absence.
Vous allez maintenant être l’objet de sa haine, le prévint Ed. En aucun cas vous ne devez défier les esprits invisibles qui sont ici. Vous courez un danger physique et un danger psychologique dans cette maison. Si vous n’êtes pas prudent, vous pouvez être très sérieusement blessé. Donc n’essayez pas de résoudre les problèmes vous-même. Soyez juste fort, ne laissez pas vos émotions prendre le meilleur de vous. Utilisez le chapelet, ne perdez pas votre sang-froid. » Ed lui remit ensuite une carte: » Maintenant, voici le numéro de téléphone où vous pourrez nous joindre. Ne prenez rien pour acquis. S’il y a quelque chose que vous ne connaissez pas, ou que vous ne pouvez pas gérer, appelez-nous de jour comme de nuit.
Puis, inscrivant un autre numéro sur la carte, Ed ajouta:
Le Père Eammon Sullivan sera votre supérieur immédiat dans cette affaire. Je l’ai déjà contacté. Appelez le Père Sullivan tous les jours et informez-le des manifestations qui auront lieu ici.
Puis, se tournant vers Ellen Donovan:
En même temps, nous savons que vous êtes entre de bonnes mains et il est toujours possible que la présence d’un prêtre fasse disparaitre les phénomènes.
Après avoir fait tout ce qu’ils pouvaient, Ed et Lorraine partirent pour l’aéroport. Ils avaient prévu de rester en contact téléphonique constant et de revenir immédiatement si le Père Jason avait besoin d’eux. Après que les Warren soient partis, les Donovan proposèrent au Père Jason d’occuper la chambre d’amis et cette nuit-là, après l’extinction des lumières, le prêtre put entendre les bruits terrifiants qui étaient le quotidien de la famille depuis quelques temps. Au cours des journées qui suivirent, l’activité continua comme à son habitude mais en cette semaine pascale, il était évident que l’entité narguait particulièrement le Père Jason. Chaque fois que le prêtre demandait un crayon, un verre d’eau ou un livre, alors l’objet apparaissait à côté de lui ou s’élevait dans les airs et flottait au-dessus de lui. Parfois le prêtre n’avait même pas besoin de demander car l’objet se matérialisait avant même qu’il n’ouvre la bouche.
Le mercredi soir, quand les habitants du petit ranch allèrent se coucher, le vacarme était si épouvantable qu’il leur fut impossible de dormir et tous purent sentir une présence maléfique effroyable. Le jeudi 18 avril, au retour des Warren, le Père Jason était blême. Après avoir passé quatre jours et nuit avec les Donovan, il devait s’éloigner de cette atmosphère démoniaque. Il partit pour son presbytère l’après-midi même, prévoyant d’écrire un rapport au Père Sullivan afin de l’informer de la nécessité d’un exorcisme.
Les Warren avaient prévu de passer la nuit dans la maison des Donovan, pour observer les phénomènes par eux-mêmes et tenter de déterminer la nature précise de l’esprit. Brian et Patty, terrifiés, dormaient sur le plancher de la chambre de leurs parents et Ed et Lorraine occupaient les petits lits jumeaux de la chambre de Brian. En ce jeudi soir, quand les Warren éteignirent les lumières, les phénomènes se déployèrent de toute leur force. Il y eut tout d’abord des grognements, puis des cris à glacer le sang s’élevèrent dans l’obscurité et le martèlement familier retentit. Les coups étaient tellement forts qu’ils en faisaient trembler toute la maison et Ed se demandait, inquiet, si la structure allait tenir encore longtemps.
Pendant plus d’une heure, les manifestations semblèrent gagner en puissance et soudain, des cris terrifiés éclatèrent dans la chambre de Ted et Ellen. Quand Ed arriva à la chambre, la famille hystérique lui rapporta qu’une sorte de silhouette très sombre était apparue et qu’elle avait commencé à se déplacer dans la salle. Dégouté de voir cette famille malmenée ainsi, Ed décida de défier la chose qui les harcelait. Il envoya Brian rejoindre Lorraine dans sa chambre, et demanda à Patty et ses parents de s’asseoir sur le lit. Puis il traça une grande croix en l’air de sa main droite:
Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, je te demande de révéler ton identité. Au nom de Jésus-Christ, es-tu un esprit démoniaque?
En réponse, le lit où étaient assis les trois membres de la famille Donovan s’éleva dans les airs et resta suspendu à 60 cm. Puis brusquement, la commode traversa la salle et le lit retomba sur le sol. Ed eut tout juste le temps de sortir de son passage.
Au même moment, Brian sanglotait doucement sur l’un des lits de sa chambre, et Lorraine tentait de le réconforter quand soudain, le jeune garçon se mit soudain à flotter à 60 cm au-dessus du lit. Puis brusquement, une force terrible le propulsa contre le mur du fond, à 1m50 de distance, puis il retomba lourdement sur le sol. Lorraine bondit du lit et alluma la lumière au moment où Ed et ses parents, alertés par le bruit, pénétraient dans la chambre. Choqué et tremblant, le garçon ne semblait avoir aucune fracture, mais son visage et sa poitrine étaient meurtris et enflés.
Ed avait posé une question, et l’entité lui avait répondu. Sa réponse fut encore plus claire le lendemain matin, après que le soleil se soit levé, quand Lorraine regarda par la fenêtre de la chambre. Dehors, coincé dans un tas de neige fondu, se trouvait le crucifix en noyer qui trônait dans la chambre de Ted et Ellen depuis leur mariage.
Le vendredi 19 avril, l’entité fit une démonstration de sa puissance. Des obscénités et des blasphèmes avaient été écrites au plafond de la chambre à coucher des parents et comme tout le monde regardait, alors le papier peint se mit à se décoller sur les murs, feuille après feuille, révélant le même genre de propos écrits d’une encre rouge sang. Les photos accrochées aux murs se soulevaient et de déplaçaient toujours, mais maintenant, elles se brisaient ou elles se mettaient à brûler, tout comme les napperons, les serviettes et les foulards, qui s’enflammaient mystérieusement.
Durant tout le week-end, les manifestations furent si violentes que les Warren annulèrent tous leurs engagements afin de rester avec les Donovan jusqu’au retour du Père Jason. Dans la salle de jeux du bas, de lourds fauteuils flottaient jusqu’au centre de la pièce où ils s’empilaient les uns sur les autres. Le reste des meubles lévitaient également mais ils étaient relâchés au hasard en divers endroits de la pièce. A l’étage, le papier peint continuait à se détacher, exposant les sentiments haineux de l’entité démoniaque. Durant ces deux jours, des incendies s’allumèrent spontanément ici et là, obligeant tout le monde à surveiller la maison en permanence.
Le dimanche, quand le Père Jason revint, il était évident pour Ed et Lorraine que les manifestations ne pourraient être arrêtées que par un exorcisme. Ordinairement, un prêtre n’a pas besoin de permission pour exorciser une maison mais le film L’Exorciste venait tout juste de sortir et l’Église était extrêmement sensible à la critique. Par conséquent, les instructions du Père Sullivan étaient explicites: ils devaient être en mesure d’appuyer la demande d’exorcisme avec des preuves documentées de l’activité surnaturelle. Les Warren avaient déjà commencé à rassembler les documents nécessaires, cependant ils avaient des engagements importants avec des personnes impliquées dans d’autres cas et ils devaient partir pour New York. Pendant leur absence, le Père Jason devait rester avec la famille et monter le dossier nécessaire à la demande d’exorcisme.
Le lundi 22 et le mardi 23 avril, le prêtre fit un portrait psychologique des différents membres de la famille. Ted était particulièrement affecté par la situation. Chaque son, chaque mouvement, l’emplissait de crainte et il ne pouvait supporter que sa maison soit devenue la demeure du Diable. Fatigué, déprimé, il était également malade et il avait développé un ulcère douloureux qui nécessitait des médicaments couteux. Même s’il gardait ses pilules cachées, tous les matins, le médicaments était retrouvé dans les toilettes et il ne pouvait plus se permettre le luxe de renouveler sa prescription. Depuis un mois, il n’était plus en mesure de travailler et les diverses réparations nécessaires avaient mangé ses maigres économies.
Ellen Donovan réagissait différemment. Elle et son mari avaient fait de leur mieux pour construire un foyer paisible et élever leurs enfants aux mieux. Ils allaient régulièrement à l’Église et elle ne comprenait pas comment toute cette haine, cette violence et cette destruction étaient permises. Ellen posait des questions délicates, auxquelles les réponses étaient difficiles:
Si c’est le Diable qui fait ça, alors où est Dieu?
Le Père Jason, avec qui elle avait sympathisé, s’aidait alors de passages de la Bible pour lui expliquer la situation.
L’effet des perturbations sur Brian étaient difficiles à déterminer. Il était un garçon de quinze ans sensible et impressionnable. Avant les événements, il sortait beaucoup mais depuis le milieu du mois d’avril, il était devenu calme et solitaire. Peut-être avait-il besoin de voir un psychologue.
Patty affichait toute une gamme de sentiments qui allaient de la culpabilité à l’indifférence. Souvent elle était sur la défensive et à plusieurs reprises elle s’était montrée hostile, prêtre à s’en prendre à n’importe qui autour d’elle. Elle était une candidate certaine pour la possession, et toutes les circonstances étaient réunies pour que cela se produise.
Durant cette période, le démon se manifesta comme à son habitude. Avant de partir, les Warren avaient parlé au Père Jason en privé, lui disant:
Il y a un certain nombre d’entités dans la maison, mais à en juger par l’intensité et la puissance des phénomènes, nous pensons que la perturbation est causée par des pouvoirs démoniaques. Il est possible qu’une entité diabolique supérieure soit impliquée. Si c’est le cas, vous devriez avoir un signe indiquant sa présence.
Ce signe eut lieu le mardi soir, alors que le prêtre parlait avec Ed au téléphone. Habituellement, pour une obscure raison, les chapelets de perles sont tabous pour les esprits démoniaques et seules les plus puissantes entités osent s’en approcher. Alors que le Père Jason parlait au téléphone, le chapelet sortit de la chambre d’amis en flottant, il tourna à gauche, traversa le couloir, vira à droite et s’enroula autour d’une chaise de la cuisine. Quand il apprit cela, Ed dit au prêtre de faire sortir la famille de la maison et de rester à l’extérieur jusqu’au jeudi, jour où il devait rentrer de New York avec Lorraine. Immédiatement, tout le monde s’empressa d’emballer quelques affaires. Le Père Jason regagna son presbytère, tandis que les Donovan se réfugiaient chez les parents de Ted, qui habitaient à proximité. Mais une fois de plus, la chose les suivit. Afin de les épargner, Ted Donovan n’avait jamais dit à ses parents de soixante-quinze ans ce qui se passait dans leur maison. Mais ce soir-là, quand tout le monde regagna sa chambre, alors les activités nocturnes coutumières se mirent en route. Les petits objets se mirent à léviter, les photos quittèrent les murs et des cognements retentirent dans toute la maison. Le lendemain, le bruit était devenu effroyable. Les robinets et les accessoires de la salle de bain avaient été arrachés de la paroi, ce qui demandait une force inimaginable. Ted appela un plombier pour réparer les dégâts, et les Donovan quittèrent la maison sans chercher à expliquer la situation.
Le Père Jason se trouvait lui-aussi affecté, d’une manière sinistre et inquiétante. Pendant les deux dernières semaines, il avait été témoin des phénomènes les plus incroyables. La chose qui l’avait suivi semblait capable de se matérialiser et le prêtre se sentait vraiment en danger.
La première fois, il avait vu une forme cylindrique noire bloquer le long couloir étroit menant à ses quartiers. Les nuits suivantes, l’entité s’était montrée dans le couloir, le gardant prisonnier de sa modeste cellule durant la nuit. Alors qu’il se rasait, la lumière de sa salle de bain s’était éteinte et le plafonnier avait été démonté. Un après l’autre, ses différents composants avaient flotté vers l’évier où ils avaient atterri.
Le jeudi 25 avril, après avoir annulé tous leurs rendez-vous, les Warren étaient de retour de New York, pleinement disponibles. Les Donovan étant introuvables, ils donnèrent rendez-vous au Père Jason dans un restaurant. Comme Ted avait confié un double de la clef de son ranch au prêtre, ils décidèrent d’aller visiter la maison en l’absence de la famille. Après avoir déverrouillé la porte d’entrée, Ed pénétra seul dans la bâtisse. Tout ce qu’elle contenait semblait avoir été systématiquement saccagé. Les lampes, tables, chaises, livres, tableaux, vêtements et meubles étaient tous éparpillés autour de la salle de séjour. L’odeur était répugnante. Tout ce qui était liquide avait été renversé et se décomposait. Alors qu’il progressait dans la maison, Ed trouva les lits retournés, les tiroirs retirés, les draps éparpillés un peu partout et tous les objets déchirés ou renversés. Dans la cuisine, le contenu du garde-manger et du réfrigérateur avait été jeté en tas sur le sol et des assiettes et des couverts recouvraient le tout.
De retour dans le couloir, Ed réalisa soudainement que quelque chose n’allait pas et quelques secondes plus tard, la maison commençait à gronder violemment et à trembler, comme sous l’effet d’un tremblement de terre. Craignant qu’elle ne s’effondre sur lui, Ed voulut regagner la porte d’entrée mais il ne parvint pas à bouger.
Lorraine, consciente que son mari était en danger, se précipita vers l’entée. Quand elle atteignit la porte, suivie du Père Jason, elle aperçut Ed qui marchait dans le salon, hébété, la chemise couverte de sang. Ils l’emportèrent rapidement à l’extérieur et découvrirent sur son bras gauche deux blessures profondes qui formaient le signe de la croix. Refusant d’aller voir un médecin, Ed lava les plaies et les pansa avec de la gaze et la bande de trousse de premiers secours de la voiture. Le démonologue leur expliqua que des barres obliques psychiques lui avaient coupé le bras quand il l’avait ramené devant son visage, cherchant à se protéger des forces qui l’attaquaient. Ed pensait que cette agression était dirigée contre lui car il avait provoqué les forces démoniaques et qu’il les avait menacées de prévenir les autorités ecclésiastiques. Cependant, s’il était en danger, la famille Donovan l’était aussi car il ne faisait aucun doute à ses yeux que les choses qui se manifestaient dans cette maison voulaient posséder tous les membres de cette famille après avoir brisé leur résistance. La prochaine étape était forcément la possession.
Ce jeudi 25 avril, vers midi, la berline des Donovan s’engagea dans l’allée. Ils étaient pâles, les traits tirés, l’air débraillé, et la vue de leur maison dévastée les plongea dans le désespoir. Les Warren et le Père Jason tentèrent alors de leur remonter le moral, et, quand vint le crépuscule, la maison paraissait presque en ordre. Le vendredi 26 avril, après une nuit de chaos, Ed et Lorraine aidèrent le Père Jason à terminer la paperasse qu’il devait soumettre au Père Sullivan. Dans des circonstances normales, un prêtre pouvait mettre des semaines à remplir les papiers nécessaires mais avec l’aide des Warren il termina le soir même les documents nécessaires pour demander un exorcisme.
L’oppression à laquelle se livraient les forces démoniaques affaiblissait les Donovan, aussi bien physiquement que mentalement, et Ed et Lorraine ne les quittaient plus, de peur que l’un d’entre eux se retrouve soudainement possédé. Les 27 et 28 avril, les attaques furent les pires jamais endurées. Des cadres en métal fumaient et prenaient feu, des foulards, du linge de maison, des robes et des serviettes s’enflammaient brusquement avant d’être jetés sur les gens, occasionnant parfois des brûlures douloureuses, les meubles de la salle de séjour se retrouvaient dans la chambre de Ted et d’Ellen, le mobilier de leur chambre apparaissait au salon et cinq minutes plus tard, toutes les choses reprenaient leur place sous le regard stupéfait des Donovan et des Warren. Samedi 27 avril, dans la soirée, Ed expliqua au Donovan combien il aimait sa voiture et le lendemain, quand il ouvrit la porte, il s’aperçut que les clignotants avaient été cassés et jetés sur le siège, que les fils des bougies avaient été noués entre eux et que le tuyau d’arrivée d’essence se balançait à gauche, arraché.
Au cours de la journée de dimanche, le Père Jason téléphona avec de bonnes nouvelles. Le Père Sullivan, avec qui le Père Jason était resté en contact constant, approuvait la nécessité d’un exorcisme. Il avait décidé d’envoyer un exorciste sur place, mais trois jours complets de prière et de jeûne étaient nécessaires avant que le rituel puisse être réalisé. Par conséquent, la date de l’exorcisme était fixée pour trois jours plus tard, le jeudi 2 mai.
Les esprits maléfiques devaient sentir la confrontation finale approcher car l’activité dans la maison s’intensifia brusquement d’une nouvelle manière. Tous les mouvements semblaient accélérés, comme un film diffusé deux fois plus vite que sa vitesse normale. Le dimanche soir, les façades métalliques qui recouvraient deux grands radiateurs disparurent soudainement et quelques secondes plus tard, un épouvantable vacarme se fit entendre au sous-sol. Se précipitant à la porte, Brian découvrit les plaques couchées dans les escaliers de la cave et un peu plus tard dans la nuit, une grande échelle de 5m apparut dans la chambre de Patty.
Le lendemain, lundi 29 avril, alors que Lorraine se trouvait dans la chambre de Brian, qu’elle occupait avec son époux, soudain elle entendit le bruit d’un objet métallique. Il s’agissait d’une broche de charnière. Quand elle regarda la porte, elle vit la seconde glisser vers le haut de sa douille et tomber sur le sol. Alors, à ce moment-là, la porte disparut. Quelques minutes plus tard, le même phénomène se reproduisit sur la porte du placard qui s’évapora inexplicablement. Les deux portes furent retrouvées l’une sur l’autre, dans le sous-sol.
Comme l’exorcisme approchait, dormir devint beaucoup trop dangereux pour ne pas dire impossible. Le 1er mai, veille de la cérémonie, tout le monde en fut réduit à se reposer à tour de rôle, les veilleurs devant patrouiller dans la maison et la protéger des éventuels incendies et autres dangers potentiels. Vers 22h30, Lorraine était dans le hall quand soudain la porte de la salle de séjour commença à s’éclaircir et quelques instants plus tard, elle fut engloutie dans une lumière si intense que la médium ne put la regarder directement. Lorraine se demanda alors si cette lueur resplendissante n’était pas un signe positif car personne n’avait jamais vu un démon se manifester au milieu des rayons étincelants de la gloire.
Ted et Ed était dans le salon à ce moment-là, et eux aussi aperçurent la lumière, mais ils virent également une silhouette en émerger lentement. Lorraine entra dans la pièce par une porte différente et elle regarda avec les hommes la matérialisation devenir de plus en plus distincte. Qu’est-ce-que cela signifiait? Cette entité prétendait-elle être responsable de toutes les manifestations?
Parle-nous , lui demanda Ed.
Mais le spectre les regardait sans répondre. Il semblait être un fantôme et Lorraine se disait que cette apparition dans la lumière n’avait été qu’une mascarade. Les Warren pensaient que les fantômes étaient parfois des anges du Diable et que la moitié du temps, ceux qui se prétendaient des esprits humains n’étaient que des démons se donnant une apparence humaine. » Ed, recule, il n’est pas humain, » lui conseilla Lorraine. A cet instant, deux chauffeuses de velours basculèrent sur le côté, puis elles se tournèrent vers Ed et, fendant l’air, elles l’épinglèrent au mur. La silhouette de la porte les regarda un moment, moqueuse, puis elle disparut. Ed fit un signe de croix sur les chaises, qui retombèrent immédiatement sur le sol. Quelques secondes plus tard, une bouteille de vernis à ongles se mit à léviter et vola à travers la pièce, manquant de peu le front de Ed.
L’exorcisme était prévu dans seulement douze heures et Ed, Lorraine et les Donovan comprenaient qu’il ne leur serait pas permis de dormir de la nuit. Bien que tout le monde soit fatigué, les lampes restèrent allumées et de nombreux cafés furent servis. Cette nuit-là, étonnamment, aucun phénomène majeur ne fut à déplorer et vers cinq heures, le soleil commença à émerger lentement à travers les arbres et les oiseaux se mirent à gazouiller. A huit heures, les Warren et les Donovan allèrent assister à la messe puis ils retournèrent à la maison et attendirent l’arrivée de l’exorciste.
Le Père Roark arriva vers 9h30. Vêtu de noir, avec une chemise à manches courtes et un col blanc, il était un homme d’âge moyen, chauve, et il se montrait peu souriant, semblant déjà absorbé par la rude tâche qu’il l’attendait. Avant de se rendre chez les Donovan, il avait longuement prié, soutenu par d’autres prêtres, pour la réussite de l’exorcisme qu’il était sur le point d’effectuer. Le Père Roark et Ed Warren avait déjà travaillé ensemble auparavant et ils avaient pleinement confiance l’un en l’autre. Après les salutations d’usage, ils entrèrent dans la cuisine pour discuter et le prêtre demanda à Ed s’il pensait qu’il y avait plus que des esprits démoniaques impliqués dans l’affaire. Ed lui répondit qu’il croyait qu’un esprit inférieur, probablement un Incube attiré par la jeune fille, était présent, mais qu’un démon était probablement responsable des attaques les plus violentes.
Puis Ed et le Père Roark rejoignirent le salon où les attendaient Lorraine et les Donovan. De son sac noir, le prêtre préleva une étole violette, l’embrassa, puis la plaça autour de son cou. Avant de commencer le rituel, l’exorciste bénit individuellement toutes les personnes présentes afin qu’aucun mal ne leur soit fait lors de l’exorcisme après quoi il commença à lire le rite, dont une partie était en anglais et une autre en latin. Le rituel se composait de prières, de psaumes, de déclarations ordonnant aux démons de quitter les lieux et il durait plus d’une heure. A ce moment-là, le silence était complet dans la maison, et seule s’élevait la voix du prêtre. Puis tout le monde forma un large cercle au milieu de la salle de séjour et le Père Roark lut d’une voix sombre et profonde:
Je t’ordonne, esprit impur, ô serpent ancien. Par le juge des vivants et des morts. Par le Créateur du monde qui a le pouvoir de jeter en Enfer, dis-moi ton nom ou donne-moi un signe et pars immédiatement de cette maison!
Le prêtre attendit une minute, mais rien ne se passa. Mécontent que ses paroles aient été ainsi ignorées, le Père Roark relut son commandement une nouvelle fois, d’une voix forte, ajoutant des phrases plus menaçantes encore:
- J’enjoins tout esprit impur, chaque diable, chaque partie de Satan, de s’en aller au Nom de Dieu.
La litanie continua un moment puis soudain Ellen s’écria:
- Là! Par la cheminée!
Alors que la manifestation devenait plus claire, il devint évident qu’elle se tenait sur ses pieds fourchus, qu’elle avait une queue et que sa tête portait des cornes. Depuis son apparition, la température de la pièce était devenue glaciale et une odeur de chair en décomposition emplissait l’air. Jetant de l’eau bénite sur l’entité de deux mètres, le Père Roark lui cria:
Va-t-en au Nom de Dieu.
L’esprit disparut instantanément. Mais, à peine s’était-elle éclipsée que le visage rouge sang d’un démon se dessinait sur la moquette beige. La tête était menaçante et deux cornes ornait son front. Le Père Roark aspergea d’eau bénite le visage en deux dimensions qui leva les yeux du sol, jetant sur lui un regard de haine enragé. Puis lentement, le visage commença à disparaître et une minute plus tard, il ne restait qu’une trace rose sur le tapis. Le signe avait été donné. En conséquence, l’exorciste lut une prière de clôture d’Action de Grâce, terminant ainsi le rituel:
Le signe de départ nous ayant été montré, je remets la sécurité de ces personnes, les Donovan, et de leur logement entre tes mains, Seigneur. Entends-nous et exauce leurs prières, permets leur de vivre dans la paix et le contentement de ce jour. Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, Amen.
Ce qui s’était passé dans la maison de Ted et Ellen Donovan entre le 3 mars et le 2 mai 1974 fut considéré comme une véritable attaque diabolique. Le terrible assaut avait duré soixante jours consécutifs et il s’était arrêté brusquement lors de l’exorcisme mené dans la maison le 2 mai 1974.
Le cas et tous ses détails ont été enregistrés dans un dossier, et Ed Warren possède un témoignage écrit par le frère de Ted Donovan, témoin involontaire des manifestations.
Ni moi ni personne de ma famille n’avions expérimenté quelque chose d’aussi étrange et effrayant auparavant. Je suis sur que mes enfants terrifiés et ma femme se souviendront à jamais de cette obscure expérience. La situation incompréhensible à laquelle nous avons assistée a jeté notre famille dans la peur et la confusion la plus complète. Elle défie toutes les explications rationnelles et logiques, du moins pour le moment. Toutes les preuves et les faits relatés de ce mystère surnaturel auquel notre famille a assisté doivent être mis à nus, puis rationnellement examinés par des personnes compétentes expérimentées dans ces questions étranges et déroutantes. Quand et si un examen est jamais effectué, je crois fermement que les conclusions finales suggéreront que des pouvoirs ou des influences surnaturelles étaient en œuvre. Phil Donovan
Après l’exorcisme, la vie des Donovan revint lentement à la normale. Toutefois, les frais occasionnés par les dégâts sur le mobilier, les murs, les tapis, les matelas, la plomberie, la toiture et les voitures s’élevèrent à plus de 5000$ (leur assurance ne couvrant pas, ironiquement, les actes de Dieu). Ils continuèrent à habiter la même petite maison de banlieue, puis Brian rentra à l’université et Patty se maria. Elle eut, comme on pouvait s’y attendre, trois enfants.