La découverte par les Européens de l’Afrique noire suscita bien des rumeurs. On racontait que, lorsqu’ils se sentaient près de mourir, les éléphants se retiraient dans un lieu secret parmi les restes de leurs congénères. Ces cimetières regorgeaient d’ivoire ce qui attisa de nombreuses convoitises.
L’un des premiers voyageurs à mentionner de tels lieux est le célèbre explorateur écossais David Livingstone (1813-1873).
Missionnaire protestant, il sillonna le continent et on lui doit de nombreuses études dont le fameux cimetière des éléphants. Ses récits ont contribué à créer une légende. Des générations d’aventuriers partirent à la recherche de ce trésor jusqu’à la moitié du 20e siècle.
Un trésor d’ivoire
Certaines traditions africaines rapportent que les éléphants, à l’approche de leur mort, abandonnent leur troupeau et, guidés par leur instinct, où la mémoire collective de l’espèce, gagnent un endroit connu d’eux seuls.
Parvenus à cette sépulture ancestrale où s’entasseraient sur des hectares les ossements blanchis, les éléphants s’y coucheraient pour l’éternité.
Ce comportement serait surtout celui des plus vieux mâles donc des animaux dont les défenses peuvent dépasser les 3 m de long et peser plus de 100 kg.
C’est pourquoi, à partir de la moitié du 19e siècle, de nombreux chasseurs, poussés par l’appât du gain, financent des expéditions pour retrouver ces cimetières.
Des cimetières fantômes
La découverte occasionnelle d’amas de squelettes d’éléphants conforte les explorateurs dans leur conviction que les éléphants ont un comportement particulier face à la mort.
L’existence de ces rassemblements de squelettes n’implique nullement un comportement prémédité des animaux.
De plus, quand toutes les défenses ont disparu, on peut en déduire qu’il s’agit là d’un ancien massacre organisé par des chasseurs.
Si les défenses sont présentes, il s’agit de drames naturels : sécheresse, sable mouvant.
La fin d’un mythe
C’est au 20e siècle que la légende trouve une explication rationnelle. Christian Zuber, spécialiste de safaris photographiques, constate que les dents des vieux éléphants présentent une usure dramatique quand l’animal atteint 55 ou 60 ans. Cette usure le condamne à mourir de faim. Il arrive également que les dents usées soient cariées ce qui rend fou de douleur l’animal. Instinctivement, l’éléphant comme le rhinocéros, cherchent dans les mares boueuses un remède à leurs blessures et à leur douleur. Christian Zuber a donc suggéré que ces animaux, déjà affaiblis, n’avaient pas toujours la force de ressortir de ces marécages après y avoir trempé longuement leur bouche. Les points d’eau sont rares dans la savane. On y trouve ainsi regroupés les squelettes d’éléphants âgés et donc avec d’imposantes défenses.
Un comportement étrange
Dans un documentaire animalier, on a pu observer il y a quelques années un éléphant prendre avec sa trompe la défense de l’un de ses congénères mort. Il semblait pratiquer une sorte de danse rituelle assez étrange. On sait que les éléphants, comme de nombreux autres animaux, ressentent la mort des leurs. Dans une horde, les liens familiaux sont très étroits et le décès d’un individu est de toute évidence une source de douleur. Mais, jusqu’à présent, on n’a jamais observé de rituels funéraires dans le monde animal sauf chez l’homme.
Dernière découverte sur la mort des éléphants (Novembre 2005)
Le journal « Biology Letters » publie une étude faite par une équipe anglo-kenyanne. Cette étude a porté sur plusieurs dizaines de familles d’éléphants. Le but était de mesurer le comportement d’éléphants d’Afrique face à des dépouilles de leurs congénères.
La plupart des animaux ne prêtent aucune attention à leurs morts. Les plus avancés, comme les chimpanzés, s’intéressent aux dépouilles jusqu’au moment où la décomposition intervient.
17 familles d’éléphants ont été mises en présence de crânes d’éléphants, de buffle et de rhinocéros. Les éléphants ont portés un intérêt certains aux crânes d’éléphants, en les sentant, les touchant. D’autres expériences montrent la préférence à l’ivoire par rapport au reste du squelette et l’incapacité à reconnaître le compagnon à qui appartenait le squelette.
La longue vie des éléphants et une vie sociale développée expliquerait ces particularités.