Il adorait les enfants. Au point de passer presque tout son temps avec eux. Mais c’était uniquement pour son propre plaisir. Cet ancien Mormon a assassiné cinq garçons et en a violé des dizaines d’autres. Il s’en est prit à des enfants de son voisinage uniquement mais, bien que certains parents le savaient et n’aient jamais rien dit, il n’a été soupçonné qu’au bout de cinq ans. C’est à cause d’une « erreur classique » de tueur en série qu’il a finalement été appréhendé : il s’en est pris à une victime qu’il connaissait.
Hinckley, dans l’Utah, est une petite ville perdue au milieu du désert possédant moins de 700 habitants. Elle se situe à 170km au sud de Salt Lake City, dans le Comté aride de Millard, où les touristes sont bien rares. L’endroit créé des hommes et des femmes dures, des scorpions et des serpents à sonnette. C’est dans ce petit coin de paradis qu’Arthur Bishop est né, en 1951.
L’Utah est « l’état des Mormons ». Les parents de Bishop étaient profondément dévots. Ils déménagèrent à Salt Lake City en 1954.
Arthur Bishop était un gentil garçon, un fils modèle, à qui ses parents donnèrent une éducation stricte et fort religieuse, mais n’abusèrent jamais. Il était un « Eagle Scout » et un « étudiant d’honneur ».
Toutefois, Bishop était éffacé, timide, et aucune fille n’accepta jamais de sortir avec lui. Il fut élu gérant au conseil des étudiants non en raison d’une quelconque popularité mais, au contraire, parce que, par tradition, on élisait à ce poste un « crétin » pour se moquer de « l’élite sociale »…
Toutefois, le frère d’Arthur Bishop, Gary, né en 1956, idolâtrait totalement son grand-frère.
Après avoir obtenu son bac, en 1969, Arthur Bishop suivit le dogme de son église et alla « servir » comme missionnaire aux Philippines. A son retour dans l’Utah, il entra à l’Université Stevens-Henager de Salt Lake, où il étudia la comptabilité et reçut d’excellentes notes. Il obtint facilement son diplôme.
Sa famille et ses amis furent donc abasourdis lorsqu’il fut condamné, en février 1978, pour malversation : il avait volé 8.714 dollars à un concessionnaire de voitures chez qui il travaillait comme… comptable. Mais Bishop semblait repentant, plaida coupable et parvint à obtenir une sentence de cinq ans avec sursit s’il rendait l’argent.
Mais, au lieu de restituer la somme, il disparu de la circulation. Un mandat d’arrêt fut émis à son encontre. Lorsque Bishop refusa de se rendre, il fut excommunié de l’église Mormonne.
Il allait passer les cinq prochaine années à vivoter, trouvant des petits boulots là où il le pouvait, empruntant divers pseudonymes, volant de l’argent.
Mais ni sa famille ni son église ne savaient qu’Arthur Bishop cachait un côté encore plus sombre de sa personnalité, un côté qui se révélait peu à peu. Il était devenu « accro » à la pornographie, et plus spécifiquement à la pornographie infantile. Il nourrissait ses fantasmes, élaborait des scénarios… jusqu’à ce que les fantasmes ne lui suffisent plus.
Les Crimes
En octobre 1978, Bishop s’était créé une nouvelle vie. Il ne s’était pas caché bien loin et vivait toujours à Salt Lake City, mais sous le nom de « Roger Downs« . Ce simple changement de nom suffit à embrouiller la police, qui perdit sa trace.
Il déménagea plusieurs fois. Où que Bishop s’installe, son charisme lui permettait d’attirer les enfants pour qu’ils passent du temps chez lui ou pour qu’ils partent en camping avec lui.
Un an après avoir été excommunié, il céda à ses fantasmes meurtriers et décida de les réaliser.
Le premier a disparaître fut Alonzo Daniels, quatre ans. Il jouait dans le jardin de l’immeuble où habitait ses parents, le 14 octobre 1979, lorsqu’il disparu sans laisser de trace. Sa mère, affolée, demanda à ses amis et ses voisins de l’aider à retrouver son garçon, sans résultat.
La police fut prévenue et commença à faire du porte-à-porte. Il rencontrèrent « Roger Downs », qui vivait juste en face de l’appartement des Daniels, mais leurs questions de routine ne leur apprirent rien et Downs nia savoir où était le petit Alonzo. Il n’avait « rien vu, rien entendu ». Les enquêteurs n’avaient aucune piste.
Les policiers ne pouvaient pas savoir qu’Alonzo était déjà mort lorsqu’il étaient arrivés dans l’immeuble. Bishop l’avait attiré chez lui en lui promettant des bonbons, puis avait tenté de le déshabiller et de le caresser dans son salon. Il avait paniqué lorsque le petit garçon s’était mis à pleurer, le menaçant de révéler à sa mère ce qui s’était passé. Bishop avait frappé le garçonnet avec un marteau, mais celui-ci s’était mit à pleurer de plus belle. Bishop l’avait alors traîné jusqu’à la salle de bain et l’avait noyé dans la baignoire. Ensuite, il avait placé le corps dans un grand carton qu’il avait porté dans sa voiture, croisant la mère d’Alonzo alors qu’elle appelait son fils.
En fin d’après-midi, l’équipe de recherche spécialisée du Comté de Salt Lake s’était jointe aux policiers dans leurs recherches. Des centaines de bénévoles cherchèrent également le garçon, sans résultat. Des photos d’Alonzo et une description de ses vêtements furent imprimées et distribuées dans tout l’état. La police interrogea des centaines de personne mais personne n’avait vu le petit Alonzo Daniels.
Durant la nuit du 14 octobre, Bishop conduisit jusqu’à Cedar Fort, un village situé à une trentaine de kilomètres au sud de Salt Lake City, et enterra Alonzo dans le désert, sous des arbres.
De retour chez lui, Bishop ressentit plusieurs émotions contradictoires, comme il l’expliqua par la suite. Du dégoût pour son crime, la peur d’être arrêté, mais aussi une excitation perverse. Dominant toutes ces sensations, il y avait la certitude qu’il tuerait encore.
Durant l’année qui suivit le meurtre d’Alonzo Daniels, Bishop chercha un autre moyen de satisfaire ses pulsions assassines. Au lieu de tuer des enfants, il décida de s’en prendre à des chiots. Durant 13 mois, il en adopta 15 à 20 dans un petit refuge et les utilisa comme substituts aux enfants. Il allait expliquer par la suite :
« C’était tellement stimulant. Un chiot gémit comme Alonzo l’avait fait. Ca m’énervait et je les frappait avec un marteau ou les étranglait ou les noyait ».
Les voisins de Bishop ne semblèrent jamais remarquer quoi que ce soit d’étrange. S’ils l’avaient fait, de toutes manières, la cruauté envers des animaux était un délit bien moindre comparé à l’enlèvement et au meurtre d’un enfant.
Au bout d’un moment, les chiots ne parvinrent plus à satisfaire les envies de Bishop. Il continuait d’agresser des enfants lorsqu’il le pouvait, usant de son charme ou de menaces pour éviter qu’ils parlent.
Il avait utilisé son pseudonyme pour joindre le programme « Big Brother » (qui tente d’aider des jeunes pauvres et désavantagés), afin d’être en contact permanent avec des enfants qui recherchaient une figure de père. Des responsables de l’organisation « Big Brother » admirent par la suite avoir été prévenu que « Downs » agressait sans doute les enfants et en avait brutalisé au moins deux, mais Bishop ne fut pourtant pas licencié et même jamais interrogé ! Les accusations furent rapportées à la police… qui ne fit absolument rien !
Rassuré, sans doute persuadé que rien ne pouvait lui arriver, Bishop décida de faire une seconde victime.
Le samedi 8 novembre 1980, Kim Peterson, 11 ans, rencontra Bishop (qui se présenta sous un autre nom) sur la piste de roller-skate de Salt Lake City. Ils discutèrent et Kim mentionna le fait qu’il cherchait à vendre sa paire de rollers pour en acheter une neuve. Bishop feignit d’être intéressé et dit à Kim qu’il lui en donnerait 35$. Ils décidèrent de se revoir le lendemain pour la vente et, le 9 novembre, Kim Peterson quitta la maison en disant à ses parents qu’il avait trouvé un acheteur pour ses rollers. Il ne prononça pas le nom de cet homme mais promis de revenir dès que la transaction aurait été conclue. Mais il ne revint jamais.
Ses parents appelèrent la police à l’heure du dîner, alors que Kim était toujours absent. De nouvelles recherches commencèrent et l’on tenta d’interroger toutes les personnes qui avaient fait du roller le samedi et/ou le dimanche. Plusieurs témoins se souvinrent d’un garçon ressemblant à Kim qui parlait à un homme entre 25 et 35 ans, au visage rond, portant des lunettes, un jeans et une veste de l’armée. Deux des témoins acceptèrent d’être hypnotisés et la session permit d’obtenir des détails supplémentaires : des cheveux foncés et des sourcils touffus, un poids d’environ 80 kilos… L’un des témoins affirma que l’homme conduisait une Chevrolet Camaro grise avec une plaque qui n’état pas de l’Utah.
Mais toutes ces pistes ne menèrent à rien.
La police ne trouva pas de similarités entre la description de l’agresseur et « Roger Downs« , qui vivait à quelques immeubles de la maison de Kim Peterson. Les policiers le questionnèrent par routine, comme tous les gens du quartier, sans faire la connexion avec la disparition d’Alonzo Daniels. Rien dans le comportement doux de ce jeune homme de 29 ans ne les laissa soupçonner qu’il avait frappé Kim Peterson à mort et avait enterré son corps à côté de celui d’Alonzo, près de Cedar Fort.
Il y avait de la place dans le désert et tuer avait été plus facile cette fois.
Bishop avait encore peur d’être arrêté (il continua à épargner ses victimes si elles promettaient de se taire), mais il réalisait que le meurtre lui procurait du plaisir par lui-même. Il allait bientôt ne plus pouvoir s’en passer.
Onze mois s’écoulèrent avant que Bishop ne tue à nouveau.
Il se promenait dans un supermarché le 20 octobre 1981 lorsque : « J’ai vu le plus beau des petits garçons agenouillé au milieu du passage ».
Danny Davis, 4 ans, essayait d’obtenir une boule de gomme d’un distributeur sans la payer, en vain. Bishop lui offrit un bonbon, mais le garçonnet refusa. Bishop n’insista pas et quitta le supermarché mais il jeta un œil avant de partir et vit Danny Davis le suivre vers la sortie. Il l’attendit, souriant, puis lui donna la main à travers le parking.
La mère du petit Danny ne le trouva pas lorsqu’elle finit ses courses. Affolée, elle appela le responsable du magasin. Des employés et des clients se joignirent à eux pour chercher le garçon mais il était déjà trop tard.
Plusieurs clients se souvinrent d’un petit garçon qui trifouillait le distributeur de boules de gomme, et d’un jeune homme qui lui souriait, mais ils ne purent reconnaître Danny Davis sur les photos qu’on leur présenta.
Une fois encore, les recherches se poursuivirent jusque dans le désert et dans les montagnes. La température baissa fortement durant la nuit, rappelant à la police que Danny ne portait qu’un t-shirt, un jeans et des sandales. Les policiers ne découvrirent rien et, au bout du 2ème jour, des plongeurs inspectèrent la Big Cottonwood Creek, à l’est de la ville. Les hommes du Shérif drainèrent les étangs, fouillèrent les fossés des routes, retournèrent les détritus d’une centaine d’allées.
En vain.
La « traque » de Danny Davis devint rapidement la recherche la plus intense de l’histoire du Comté de Salt Lake. Des posters furent imprimés avec la photo du petit garçon et des copies en furent envoyées à toutes les polices des Etats-Unis. Une récompense de 20 000$ contre des informations ne trouva pas preneur. Les appels au FBI, à Child Find et au National Crime Information Center n’apportèrent pas de pistes utiles.
« Roger Downs« , qui habitait dans le quartier du supermarché où Danny Davis avait disparu, n’eut rien à dire à la police lorsque les enquêteurs frappèrent à sa porte. De nouveau, les questions n’étaient que « de la routine ». Et cette fois-ci encore, personne ne réalisa que le même « gentil voisin qui ne savait rien » vivait près de chez Alonzo Daniels et Kim Peterson.
Des voisins allaient par la suite se souvenir que « Roger Downs » exprimait une tendresse inhabituelle envers les enfants. Durant la même période, il logea également chez lui des groupes de « voyous hippies » et des motards nauséabonds, et notamment un adolescent qui aimait allumer des feux… jusqu’à ce que Downs le jette dehors. Les voisins ne se rappelèrent de tout cela qu’un an plus tard.
Trop tard.
« Roger Downs » n’était pas tenté par la récompense de 20 000$. Il avait déjà beaucoup d’argent, qui provenait de son dernier détournement : plusieurs semaines avant d’enlever Danny Davis, le comptable « Lynn Jones » avait travaillé dans un magasin de ski de Salt Lake City. Un jour, lorsqu’il n’était pas revenu après le déjeuner, le propriétaire avait réalisé qu’il lui manquait 10 000$… et le dossier personnel de « Lynn Jones« .
En fait, lorsque la police se rendit chez Bishop pour lui poser les question « de routine », Danny Davis était déjà mort. Après avoir brutalisé le petit garçon, Bishop l’avait étouffés en plaquant ses mains sur sa bouche et son nez. Le lendemain, Bishop se rendit à nouveau à Cedar Fort, et enterra sa troisième victime à côté des deux autres.
La police de Salt Lake City n’avait pas le moindre indice.
Les enquêteurs étaient impuissants face à la ruse de Bishop mais les législateurs de l’état étaient galvanisés par les disparitions de ces enfants. Lorsque Rachel Runyan, 3 ans, fut enlevée devant son école à Sunset (45km au nord de Salt Lake City), en août 1982, le tollé publique fut prévisible. La découverte de son corps étranglé un peu plus tard transforma la peur en panique.
Assourdis par les appels à l’action, les politiciens locaux firent ce que font toujours les politiciens : ils firent voter une nouvelle loi. Le meurtre au 1er degrés état déjà un crime passible de la peine capitale dans l’Utah, mais les législateurs montrèrent leur indignation en créant une nouvelle loi concernant l’enlèvement d’enfant, l’une des plus dure de tout les Etats-Unis. Selon les circonstances de l’enlèvement, l’agresseur pouvait être condamné à 5, 10 ou 15 ans pour son crime. Les « groupes civiques » applaudirent l’effort mais cela ne permit pas de localiser l’assassin d’Alonzo Daniels, Kim Peterson et Danny Davis.
Les enquêteurs réalisèrent rapidement qu’il n’existait aucun lien entre le meurtre de la petite Rachel Runyan et les disparitions de garçons à Salt Lake City. D’un bout à l’autre de l’état, ils recevaient un déluge de rapports concernant des hommes accostant des enfants dans la rue, les parcs publiques ou les jardins d’enfants. Mais malgré cela, personne ne les contacta au sujet d’Arthur Bishop, alias « Roger Downs« .
Des rumeurs circulaient selon lesquelles il existait un mobile occulte pour ses crimes mais la police écarta cette possibilité, notant qu’aucun des garçons n’avait été enlevé durant la période d’Halloween. La théorie du « sacrifice humain » disparue d’elle-même lorsqu’octobre 1982 passa sans qu’un nouvel enfant ne soit enlevé.
Les autorités étaient déconcertées. Dans l’espoir de trouver de nouvelles pistes, ils se rassemblèrent au Metropolitan Hall of Justice de Salt Lake City. Des représentants de la police de la ville se réunirent avec des enquêteurs des shérifs des Comté de Salt Lake et de Davis, rejoint par des agents du FBI. Ils examinèrent leurs affaires en cours, désorientés par le manque apparent de points communs. Chacun des enfants avait été enlevé à une heure différente, un jour différent de la semaine, empêchant toute spéculation sur l’emploi (du temps) du tueur.
La plupart des tueurs s’attaquent à des personnes de la même couleur de peau qu’eux, mais Alonzo Daniels était Afro-Américain alors que Kim Peterson et Danny Davis étaient blancs et blonds. Kim était presque trois fois plus âgé qu’Alonzo et Danny, jetant le doute sur l’image d’un pédophile s’attaquant à de très jeunes enfants.
En fait, cette réunion ne mena à rien.
Le 23 juin 1983, le dossier était presque classé. Presque deux années s’étaient écoulées depuis la dernière disparition à Salt Lake City, mais le tueur allait bientôt refaire parler de lui.
Troy Ward célébrait son 6ème anniversaire, ce mercredi après-midi. Ses parents l’avaient autorisé à jouer seul dans le petit jardin publique à côté de chez eux, en attendant un ami de la famille qui devait arriver à 16h00. L’ami devait le reconduire à la maison, où les cadeaux et le gâteau d’anniversaire attendaient Troy. Pourtant, à 16h, l’ami ne trouva pas le garçon dans le parc. Il conduisit jusqu’à chez ses parents, pensant que Troy y serait, mais ce n’était pas le cas.
La police fut immédiatement appelée et les enquêteurs cherchèrent le garçon tout autour du parc et dans les rues avoisinantes. Un témoin se souvint d’un petit garçon quittant le parc avec un homme jeune, à pieds, quelques minutes avant 16h. L’homme et le petit garçon semblaient se connaître et le témoin avait pensé qu’ils étaient père et fils.
En fait, le jeune homme était Arthur Bishop et sa quatrième victime venait de disparaître. Une fois chez lui, il avait répété son rituel sinistre de caresses et de coups. Il allait par la suite dire aux enquêteurs qu’il avait voulu libérer Troy vivant, mais que le petit garçon avait menacé d’en parler à ses parents et Bishop avait changé d’avis. Son marteau était à porté de main et la baignoire était pleine. Ensuite, plutôt que de conduire le corps de Troy jusqu’à Cedar Fort, Bishop alla vers l’est et l’enterra près de Big Cottonwood Creek, dans la Twin Peaks Wilderness Area.
C’était tellement simple. Il n’allait pas attendre à nouveau deux ans avant de tuer. En fait, il n’allait même pas attendre un mois.
Graeme Cunningham, 13 ans, se préparait pour un week-end de camping, le 14 juillet 1983. Ses affaires étaient prêtes et cette aventure était son seul sujet de conversation depuis des semaines. Il allait camper avec un ami de l’école et un moniteur de « Big Brother », un certain « Roger Downs ».
Mais Graeme ne participa pas au week-end. Alors qu’il jouait non loin de chez lui, il disparut dans la nature. Ses parents, affolés de ne pas le voir arriver pour le dîner, appelèrent la police. Toutes les télévision signalèrent la disparition de Graeme et « Roger Downs » alla voir ses parents pour offrir de les aider à le chercher.
Plus tard, Bishop allait expliquer aux enquêteurs qu’il avait été sincère. Il voulait réellement les aider et ne savait pas comment leur dire que c’était lui qui avait tué leur fils.
Les policiers menèrent leur enquête de la même manière que d’habitude, la « routine ». Les recherches ne permirent pas de retrouver Graeme. Les personnes interrogées n’avaient rien vu, rien entendu et ne savaient rien.
Cette fois, malgré tout, un déclic se produisit chez les policiers qui poursuivaient le « tueur d’enfants » depuis 1979. Les enquêteurs remarquèrent enfin le nom de « Roger Downs ». Ils ne connaissaient pas encore sa véritable identité, mais ils réalisèrent soudain que « Downs » avaient été interrogé après chacune des cinq disparitions. Il avait vécu à proximité de quatre des cinq victimes et les parents de la 5ème, Graeme, le connaissaient.
Cela pouvait-il être aussi simple, après tous ces efforts exténuants et stériles ?
Quatre ans auparavant, John Wayne Gacy avait été arrêté à cause d’une erreur similaire : il avait été vu discutant avec la dernière de ses 33 victimes peu avant qu’elle ne disparaisse. En fait, les affaires de meurtres en série sont souvent résolues de cette manière, lorsque le tueur baisse sa garde et commet une erreur stupide.
Le Sergent Bruce White et le Détective Steven Smith retournèrent interroger « Downs ». Ils n’avaient aucune preuve contre lui mais quelque chose dans son comportement suggérait qu’il avait quelque chose à se reprocher. « Downs » accepta de suivre les deux enquêteurs au quartier général de la police. Il leur expliqua qu’il voulait les aider à trouver Graeme.
Mais à son arrivé, un policier expérimenté de la criminelle, Don Bell, l’attendait. Lentement mais sûrement, il détruisit les mensonges de « Roger Downs », qui lui avoua rapidement sa véritable identité. Avant la tombée de la nuit, Arthur Bishop avait avoué les cinq enlèvements et meurtres.
Bell et Bishop passèrent une bonne partie de la nuit ensemble, enregistrant et écrivant tout en détail.
Le lendemain matin, Bishop conduisit la police jusqu’aux tombes où il avait enterré ses victimes, trois à Cedar Fort et deux à Big Cottonwood Creek. Certains corps avaient été mutilés.
Après l’annonce de l’arrestation d’Arthur Bishop, la police fut assaillie d’appels de parents qui accusaient Bishop d’avoir agressé leur enfant ou l’enfant d’un ami. Personne n’avait pris cette initiative lorsque Bishop était en liberté et les autorités furent abasourdies par ce long silence. Le Capitaine Jon Pollei expliqua au Salt Lake Tribune : « Ce que j’aimerais savoir, c’est où étaient tous ces gens qui nous appellent, il y a deux ou trois ans, lorsque nous n’avions aucune piste ! »
La dernière habitation de Bishop fut fouillée et la police découvrit des objets qui étayaient ses aveux. Les enquêteurs trouvèrent un revolver de calibre 38, un maillet et un marteau couvert de taches de sang, ainsi que des dizaines de photos de garçons nus. Plusieurs de ces photos avaient été cadrées pour que l’on ne voit pas les visages, rendant l’identification des enfants impossible, mais elles offraient le témoignage muet de la longue carrière criminelle de Bishop.
Un livre, « 100 façons de disparaître et de vivre libre » indiquait aux enquêteurs que Bishop avait étudié son rôle de fugitif éventuel.
Arthur Bishop fut inculpé de cinq meurtres avec préméditation, de cinq enlèvements, de deux agressions sexuelles et d’abus sexuel sur mineur. Cette dernière accusation ne s’appliquait qu’à sa toute dernière victime, Graeme Cunnigham, car les preuves du viol étaient encore « disponibles » sur son corps, contrairement aux quatre autres garçons, enterrés depuis plus longtemps. De toutes façons, les accusations de meurtres étaient les plus importantes. Si l’état pouvait prouver que Bishop avait tué les cinq enfants, il serait condamné à mort.
Le procureur du Comté, Robert Scott, décrivit Bishop dans une interview au Salt Lake Tribune, comme un tueur sans pitié et un pervers sexuel possédant « un esprit calculateur, rusé et insidieux ».
Pourtant, Bishop, lors de ses aveux aux policiers, avait donné l’impression que ses crimes étaient terriblement simples. Comme le Détective Bell le raconta par la suite, Bishop lui avait dit : « Vous pouvez offrir ce que vous voulez à un enfant et il va venir avec vous ».
Il semble que cette leçon ait également servit au jeune frère de Bishop, Douglas : Arthur Bishop attendait toujours son jugement lorsqu’il apprit que Douglas avait été arrêté pour abus sexuel sur des jeunes garçons à Provo, au sud de Salt Lake City. Ces crimes étaient apparemment sans liens avec ceux d’Arthur Bishop, et rien ne suggérait que les deux frères aient jamais « partagés » des victimes, mais la nouvelle provoqua des spéculations concernant leur passé, leurs parents, leur éducation et la source de leurs désirs criminels.
Arthur Bishop ne fit aucun commentaire sur son frère. Il se préparait pour son procès.
Il commença en 1984. L’équipe d’avocats de Bishop, menée par Mme Jo Carol Nesset-Sale, n’avait pas l’espoir de gagner un acquittement pour son client. Ses aveux lui garantissaient la prison à vie.
Toutefois, ses avocats allaient essayer de lui éviter la peine capitale en atténuant ses crimes, pour qu’il ne soit reconnu coupable que d’assassinat plutôt que de meurtre au 1er degrés, en argumentant que c’était le « déficit » émotionnel et psychologique de Bishop qui l’avait conduit à tuer.
Nesset-Sale expliqua à la court que « Arthur est devenu, pour on ne sait quelle raison, obsédé par son attraction sexuelle envers les petits garçons. Il n’a jamais dépassé ce stade de sensations érotiques. C’était un enfant solitaire et apeuré ».
Selon ses avocats, l’une des raisons pour lesquelles Bishop s’était mis à tuer était la pornographie. Un expert sur le sujet, le Dr. Victor Cline, fut appelé par la défense pour témoigner du fait que la pornographie avait « déformé » l’esprit de Bishop au point qu’il n’avait plus été capable de résister à son attraction envers les enfants et aux désirs de meurtres qui avaient suivis.
Cette « explication » était déjà connue pour avoir été utilisée par Ted Bundy lors de ses aveux filmés en 1979, et claironnée par les Chrétiens Conservateurs dans leur campagne pour « nettoyer » l’Amérique.
Bishop expliqua ensuite : « Durant mon procès, le Docteur Cline a expliqué les effets dévastateurs de la pornographie. Alors que j’écoutais ses explications, j’ai pu comprendre comment mes propres désirs s’étaient intensifiés. Ces sentiments normaux (sic) étaient devenus désensibilisés et ils ont tendance à réaliser ce qu’ils ont vu. Et ils étaient en moi. Je suis un pédophile homosexuel (sic) coupable de meurtre et la pornographie a été un facteur déterminant dans ma chute. Je suis devenu sexuellement attiré par les jeunes garçons, et je fantasmais de garçons nus… J’avais besoin de photos de plus en plus explicites et, rapidement, ce genre d’image devint pour moi acceptable et commun. Se procurer du « matériel » sexuellement excitant devint une obsession. Pour moi, regarder de la pornographie, c’était comme allumer un bâton de dynamite. Ca me stimulait et je devais satisfaire mes désirs et j’explosais… Si, dès le début, tout ce « matériel » pornographique n’avait pas été disponible, il est probable que mon activité sexuelle ne se serait pas intensifiée jusqu’au degré où elle est arrivé ».
Mode opératoire
Arthur Bishop savait comment s’y prendre avec les enfants. Il les voyait souvent, jouait avec eux, était tendre, les habituait à sa présence.
Il était simple pour lui d’attirer des enfants dans ses filets. Il avait l’air gentil et les enfants ont une tendance naturelle à croire les adultes, à obéir à leur autorité, à leur faire confiance.
Il a utilisé trois fois la « technique classique » du pédophile (proposer des bonbons) avec Alonzo, Danny et Troy. Il a promi d’acheter les roller de Kim. Il était censé être le chaperon, le protecteur de Graeme.
Il a ramené ses cinq victimes chez lui (comme tant d’autres enfants qui, eux, ont survecus) pour les caresser, les tripoter, voir les agresser.
Il semble que si on lui résistait et/ou qu’on le menaçait, ses instincts de tueur se réveillaient et il tuait.
Il assassinait en frappant les garçons à la tête avec un lourd marteau et s’ils survivaient, il les noyait dans sa baignoire : des manières longues et douloureuses de mourir.
On a appris lors de son procès que Bishop avait mutilé les cadavres des garçons et avait eu des rapports sexuels nécrophiles avec eux.
Mais cela ne fit aucune différence pour les jurés, cinq hommes et sept femmes. Ils reconnurent Arthur Bishop coupable de cinq meurtres avec préméditation, de cinq enlèvements aggravés et d’un abus sexuel sur mineur.
Lors de la seconde phase de son procès, qui allait décider de la peine qui lui serait infligée, le procureur fit entendre aux jurés les aveux enregistrés de Bishop.
Pétrifiés ou en larmes, ils écoutèrent Bishop expliquer qu’il avait violé les corps des enfants après leur mort, se mettre à rire ou prendre une voie de fausset pour imiter la voix d’un garçonnet demandant pitié. Personne ne fut surpris lorsque les jurés recommandèrent la peine capitale.
Le Juge Jay Banks expliqua à Bishop que la loi de l’Utah lui permettait de choisir entre le peloton d’exécution et l’injection mortelle. Sans hésiter, Bishop choisit l’injection.
Il refusa de faire appel et fut exécuté le 9 juin 1988.