LE CAIRE – Le patron des antiquités égyptiennes, Zahi Hawass, a annoncé mercredi que l’une des deux dépouilles découvertes il y a un siècle dans une tombe de la Vallée des rois à Louxor avait été identifiée comme celle de la momie de la reine Hatchepsout.
M. Hawass confirme ainsi une information divulguée la veille par la chaîne américaine Discovery Channel sur l’identification de la momie de la reine la plus célèbre de l’Egypte pharaonique.
Cette identification est intervenue à l’issue d’examens scientifiques effectués par une équipe égyptienne sur quatre momies de femmes datant du Nouvel empire, selon un document du Conseil suprême des antiquités égyptiennes (CSAE).
Une molaire, trouvée dans un vase funéraire frappé du nom d’Hatchepsout dans le temple de Deir el-Bahari, correspond à la molaire manquante dans la mâchoire de la momie, a précisé M. Hawass.
M. Hawass s’exprimait lors d’une conférence de presse au musée du Caire, à laquelle assistaient le ministre égyptien de la Culture, Farouk Hosni, et de nombreux journalistes étrangers.
Deux momies avaient été découvertes en 1903 par l’archéologue britannique Howard Carter dans la KV60, étroite tombe de 40m2.
L’une est celle de la nourrice d’Hatchepsout. L’autre, inconnue, d’une femme obèse d’une cinquantaine d’années, s’est avérée être celle de la reine elle-même.
Fille de Toutmosis I, Hatchepsout régna 21 ans, de 1479 à 1458, sous la brillante 18ème dynastie. Elle fit bâtir l’extraordinaire temple de Deir al Baheiri, sur la rive ouest du Nil, théâtre d’un sanglant attentat en 1997.
«Un mal de dent peut tout changer!»
La preuve a été apportée que la momie royale est l’une des deux momies retrouvées, il y a un siècle, dans une tombe de la vallée des Rois, à Louxor. La première reposait dans un sarcophage, et avait été identifiée comme la nourrice d’Hatchepsout, Sitre-In, et l’autre corps embaumé gisait à même le sol de la cache funéraire découverte en 1903 par le britannique Howard Carter.
Comme un puzzle, la pièce manquante «décisive» a été un fragment millimétrique d’une dent repéré, grâce aux rayons X, dans une boîte funéraire frappé du sceau Hatchepsout trouvé en 1881 dans le temple Deir el-Bahari. Ce fragment appartenait à la momie découverte par Carter. «Un mal de dent peut tout changer!» s’est exclamé mercredi le ministre égyptien de la Culture, Farouk Hosni.
Pour un archéologue célèbre, mais qui a requis l’anonymat, «cet élément rend l’identification possible, mais ce n’est cependant pas encore la preuve définitive».
Une momie de retrouvée, une momie de perdue
Simultanément, Zahi Hawass a également affirmé que la momie jusque-là considérée comme celle de Thoutmosis I retrouvée dans une cache du temple de Deir al-Bahiri, ne l’était finalement pas.
«Nous avons découvert grâce au CT scan qu’il ne s’agit pas de la momie de Thoutmosis I» a affirmé mercredi Zahi Hawass.
«C’est du 100 %, ce n’est pas sa momie. Nous avons prouvé qu’il s’agissait de la momie d’un homme d’un trentaine d’années, alors que Thoutmosis I est mort plus âgé» a-t-il insisté.
Des tests ADN devraient être faits sur les momies royales grâce à un laboratoire financé et équipé par Discovery Channel pour un montant de 5 millions de dollars.
Reuters ¦ Hatchepsout fut la plus grande souveraine de l’Egypte antique.
un petit rappel
Hatchepsout
La titulature
Une succession difficile
Lorsque Amenhotep Ier meurt sans héritier mâle, Thoutmosis Ier, descendant d’une branche collatérale, lui succède et rend légitime son ascension au trône en épousant Ahmès, soeur d’Amenhotep Ier. De cette union naîtra une fille, Hatchepsout.
Celle-ci épouse un demi-frère que son père eut de la concubine Moutnefret : Thoutmosis II, qui devient roi à la mort de Thoutmosis Ier. Le couple n’aura pas de descendance masculine mais une fille, Néférourê, que sa mère mariera probablement à son beau-fils, Thoutmosis III, fils de la concubine Isis.
À la mort de Thoutmosis II, Thoutmosis III est trop jeune pour régner. C’est Hatchepsout qui exercera la régence avant de se faire nommer pharaon, reléguant Thoutmosis III au rôle de corégent. On la voit pourvue des insignes royaux et d’une titulature complète. Un nouveau cartouche contient son nom de couronnement, Maatkaré, et ses trois premiers noms seront toujours utilisés au féminin : « puissance de kas, jeune d’années, divine d’apparitions ».
Hatchepsout roi
Nombre d’historiens ont donné de la reine l’image d’une usurpatrice dévorée d’ambition ayant volé un pouvoir qui ne lui revenait pas. La réalité semble différente. Hatchepsout détenait déjà le pouvoir avant son couronnement et son accession au trône ne semble pas avoir suscité une forte opposition. De plus, elle s’inscrit dans les années de règne de Thoutmosis III sans décréter un « an 1 » qui lui est propre et associe Thoutmosis III à plusieurs actes officiels : inauguration de sanctuaires, exploitations de carrières…
Il est vrai que le fait d’être une femme allait à l’encontre de la tradition. La reine doit se masculiniser, du moins dans les représentations : la robe est remplacée par le pagne, elle porte la barbe postiche et n’a pas de seins. Par contre, dans les textes, c’est presque toujours au féminin qu’il est question d’Hatchepsout.
Pour légitimer son statut de pharaon, la reine se crée une origine divine à travers un récit à la fois mythologique et politique qu’elle fait représenter sur les murs de son temple funéraire de Deir el-Bahari. Amon, qui a pris les traits de Thoutmosis Ier, rend visite à Ahmès et lui donne une fille, Hatchepsout. Avec l’aide des autres dieux, il veillera à son éducation. Proclamée roi par les dieux, elle le sera également par les hommes lorsque son père humain l’introduit à la Cour et la fait acclamer.
Pour gouverner, Hatchepsout eut l’intelligence de s’entourer de personnalités marquantes. Senenmout, éducateur de la princesse Néferouré, tient un rôle d’importance dans tous les événements marquants du règne. Il est chargé de surveiller le transport et l’érection des obélisques qui la reine installe dans le temple d’Amon de Karnak et de la réalisation du temple de Deir el-Bahari. Hapouseneb, grand prêtre d’Amon, est responsable du creusement de la tombe d’Hatchepsout dans la Vallée des Rois et de diverses constructions à Karnak. Il fait nommer le chancelier Néhésy qui dirige l’expédition que la reine envoie, en l’an 9, vers le pays de Pount.
Un règne glorieux
Son règne fut brillant, ponctué de quelques faits marquants et d’innovations qui ne sont certainement pas sans rapports avec la personnalité de la reine. Si elle ne mène vraisemblablement pas d’expéditions militaires en Asie, son attention se porte surtout sur les pays du Sud.
Elle conduit une expédition en Nubie mais c’est celle organisée vers le pays de Pount et représentée abondamment sur les murs du temple de Deir el-Bahari qui constitue l’un des hauts faits de son règne. De cette région dont la situation reste floue revient une multitude de produits exotiques : or, encens, ivoire, ébène et autres bois rares, pierres précieuses, sacs d’antimoine, peaux et animaux.
Les arbres à encens transplantés en terre égyptienne feront la fierté d’Hatchepsout.
Autre fait notable, et non des moindres, la construction du temple de Deir el-Bahari en l’honneur d’Amon et dédié au culte de Thoutmosis Ier. Même s’il s’inspire du temple voisin de Mentouhotep II, ce monument architectural d’une conception exceptionnelle et d’un décor tout aussi rare est unique dans l’histoire de l’art égyptien.
Il fait presqu’oublier le fait qu’Hatchepsout a construit partout en Égypte, qu’elle a embelli le temple de Karnak où on lui doit notamment La Chapelle Rouge ainsi que deux paires d’obélisques, une à l’est du temple, la plus gigantesque aujourd’hui disparue, l’autre entre le quatrième et le cinquième pylône.
Enfin, il semblerait que sa tombe soit la première à avoir été creusée dans la Vallée des Rois.
Débats et controverses
Bien des interrogations subsistent sur le règne d’Hatchepsout.
Les dates
Le moment précis où la reine prend la titulature royale, probablement après l’an 2 et avant l’an 7, n’a pas encore pu être déterminé.
La fin de son règne, en l’an 22, reste l’objet de diverses hypothèses. Aucune trace d’une prise de pouvoir de Thoutmosis III par la force ni de la mort de la reine à ce moment, que ce soit naturellement ou dans la violence.
Thoutmosis III
Où est Thoutmosis III pendant les vingt années du règne d’Hatchepsout ?
S’il est incontestable que Hatchepsout ne s’est pas contentée de la régence du pays en attendant que Thoutmosis III atteigne l’âge d’exercer ses fonctions, elle n’a pas pour autant éliminé son « rival » qui reste associé à son règne. De plus, l’image d’un faible jeune homme jeté dans l’ombre par une belle-mère autoritaire est totalement en contradiction avec la personnalité du pharaon qui, par la suite, s’avérera être l’un des plus grands monarques de l’histoire égyptienne.
Et lorsque Thoutmosis III monte sur le trône, il part immédiatement en campagne contre le Mitanni. C’est donc un homme préparé à régner et à mener des opérations militaires qui accède au pouvoir au moment précis où l’Égypte a besoin d’un chef de guerre capable de défendre ses frontières. Or une telle campagne demande plusieurs années de préparation.
Tout se passe comme si Thoutmosis III exerçait sa fonction de chef militaire pendant que la reine gérait politiquement le pays. Peut-être la reine se serait-elle effacée volontairement dans l’intérêt de l’État ?
Les martelages de l’image de la reine.
Il est toutefois certain qu’on a voulu effacer le souvenir de la reine : ses images ont été soigneusement martelées, ses statues fracassées. Vengeance de son successeur ? Tentative de faire disparaître le fait, contraire à l’ordre et à la tradition, qu’une femme a été pharaon ?
Cette seconde hypothèse est renforcée par le fait que les persécutions se sont poursuivies durant la période ramesside et que le nom de la reine, tout comme celui d’Akhénaton, ne figure pas sur la liste royale du temple de Séthi Ier à Abydos.
La date de cette persécution, même si elle est sujette à débats, devrait remonter à la fin du règne de Thoutmosis III. Difficile, dans ces conditions, d’imaginer que Thoutmosis III attende près de vingt ans avant d’exprimer sa haine envers celle qui l’a tenu écarté du pouvoir. Une explication reste plausible : du vivant de la reine, jamais on n’aurait osé toucher à son image, d’autant plus qu’elle avait dû conserver des alliés puissants. Peut-être la persécution serait-elle directement consécutive à sa mort en l’an 42, alors qu’elle avait atteint une septantaine d’années. Et, dans la pensée égyptienne, s’attaquer au nom et à l’image d’Hatchepsout, c’est lui refuser l’accès à l’Éternité, ce qui est bien plus important et efficace que de s’opposer à elle de son vivant.
Source : http://www.bubastis.be/histoire/pharaons/hatcheps.html
http://www.romandie.com/infos/news2/070627090514.7dgd27hu.asp