Dans la demeure familiale, des plaintes suintaient des murs et une fausse lune captivait les insomniaques. Simple chimère ?.
Alix Charrier est une belle dame élégante de 91 ans au teint diaphane, aux yeux bleu clair et au sourire racé. Elle promène sa silhouette vaporeuse dans des pièces chargées d’histoire avec des portraits d’ancêtres aux murs, des meubles qui sentent la cire d’abeille et des boiseries peintes du XVIIIe. Elle vit au logis de Plassay, superbe demeure à deux niveaux, avec un grand fronton triangulaire et au milieu d’un grand parc bordé d’arbres séculaires. C’est la maison familiale des Charrier depuis des générations. Elle est veuve mais de filles en neveux, de petits-enfants en petites nièces, le logis continue à s’égayer de cris de joie. D’autant qu’en juillet, une aile accueille les festivaliers de Saintes. Les fenêtres et les volets s’ouvrent et se ferment. La demeure vit.
« Le fantôme ? C’était surtout l’affaire de mon mari. C’était un imaginatif. Il vivait beaucoup avec ses ancêtres. Il entendait des bruits et des bruits et des gémissements dans ce mur-là », raconte Alix en montrant une cloison de pierre de 50 centimètres d’épaisseur séparant le salon du bureau. « Mais toi, ma tante, tu te souviens bien de ce cercle lumineux qui nous avait réveillés pendant une nuit sans lune », intervient Jean Charrier, son neveu. « Peut-être bien. C’est très loin tout ça », répond Alix.
Une lueur jaune
Jean avait 17 ans. Et au cœur de cette nuit sombre alors que les volets de sa chambre étaient ouverts, il a soudain vu apparaître une lueur jaune et circulaire. « Ça a duré au moins 10 minutes. Cela semblait diabolique. J’en ai appelé à Satan », sourit le neveu d’Alix aujourd’hui grand-père.
Et le lendemain au petit-déjeuner, Alix qui avait vu la même chose dit avoir imploré Dieu et la Vierge Marie.
« Le surnaturel, on n’y a jamais cru plus que ça. Quand on vit dans une vieille maison en pleine campagne, les volets qui claquent, la charpente qui craque ou le chat-huant, on a l’habitude. Mais là, il s’est vraiment passé des choses étranges », poursuit Jean Charrier.
L’affaire de la fausse lune passée, les gémissements se poursuivirent. « Pas une fois, mais 20, 30 ou 40 fois. C’était devenu habituel. Après avoir pensé à une plainte animale, toute la famille s’était mise d’accord sur le fait que c’était une lamentation humaine. Mon oncle s’était mis à parler au fantôme. On l’entendait dire :
»Mais qui êtes-vous, Monsieur ? Au moins présentez vous ».
Je me souviens même d’un jour où il nous a fait beaucoup rire. Il disait : »Mais Mam’zelle, voulez-vous bien sortir ? ». Naturellement on croyait qu’il dialoguait avec le spectre. Mais pas du tout. Quand on est entré dans la pièce on l’a vu qui interpellait une… couleuvre de 2 mètres de long qui avait élu domicile dans son bureau ».
Sans doute un Anglais
On l’aura compris : le fantôme de Plassay, qu’il fut gémisseur ou lumineux, a captivé l’attention de toute une famille. Isabelle et Véronique, les deux filles d’Alix peuvent témoigner elles aussi de « phénomènes » inexpliquées survenues tant dans la chambre verte, que dans la grise ou la rose. Et comme il y a 10 chambres au logis, le spectre avait de quoi se régaler la nuit pour faire bruisser ses draps ou cliqueter ses chaînes.
Qui était il donc ? Un emmuré, sans doute un Anglais. Voilà ce que disent l’histoire et la raison. Le logis ayant été reconstruit au XVIIIe sur les ruines d’un château médiéval qui avait connu les horreurs de la guerre de Cent ans (lire ci-dessous), tous les Charrier s’accordent à dire que seul un soldat de la perfide Albion pouvait geindre ainsi dans la nuit et que son âme impie devrait errer quelque part entre la souillarde et le vieil escalier en colimaçon s’enfonçant jusqu’à la cave voutée.
18 alambics
Il se murmure aussi que les lointains ancêtres des Charrier n’ayant pas toujours mené une vie monacale – ils eurent jusqu’à 18 alambics – il devait sûrement se trouver dans les murs une âme damnée de la famille à ne pas avoir trouvé le repos éternel. Mais tout cela n’est que médisance.
La vérité vraie c’est que quand Alix et son mari ont ouvert, dans les années 70, leur demeure au tourisme rural et au festival de Saintes, beaucoup d’Anglais mélomanes sont venus dormir dans les chambres de toutes les couleurs. Et comme par miracle, le fantôme ne s’est plus manifesté. D’aucuns disent qu’ils ont simplement su lui parler et le raisonner.
Et dire qu’il suffisait de donner quelques cours d’anglais aux Charrier pour régler le problème.
Source: http://www.sudouest.fr