On croyait tout connaître de la célèbre Vallée des Rois, zone archéologique très riche où l’on a notamment découvert la tombe de Toutankhamon en 1922. Et c’est d’ailleurs à seulement quelques mètres de cette dernière que des archéologues américains viennent de découvrir une autre tombe royale, contenant des sarcophages en bois peint, des jarres portant le sceau pharaonique et… 5 momies non identifiées ! Il s’agit d’une première depuis la mise au jour du caveau de Toutankhamon, en 1922. La sépulture (3 m2) contient des sarcophages en bois peint et 5 momies non identifiées.
Elle a été repérée par une équipe de l’université de Memphis, Tennessee, menée par Otto Schaden. Elle se trouvait à seulement 5 m de la tombe de Toutankhamon, à 3 m de profondeur.
Le tombeau était dissimulé par les restes de huttes d’ouvriers construites pendant la XIXe dynastie, une centaine d’années plus tard. Le chef des Antiquités égyptiennes, Zahi Hawass, a expliqué vendredi à la presse qu’il s’agissait probablement de « momies royales », remontant à la XVIIIe dynastie, la première du Nouvel Empire (1567 à 1085 avant J.C.), l’âge d’or des grands Pharaons. Les sarcophages renferment selon lui des rois, princes ou membres de la noblesse. Dans le caveau, les sarcophages, surmontés de masques funéraires colorés, sont entourés de 20 grandes jarres portant des sceaux pharaoniques disposées sans ordre, pouvant laisser penser, selon les archéologues américains, que les inhumations ont été précipitées. En attendant d’être nettoyée et restaurée, avant l’ouverture des sarcophages et l’identification des momies, la tombe a été momentanément baptisée « KV63 » (celle de Toutankhamon était la « KV62 »). Les archéologues ne l’ont ouverte que début février. « C’est la deuxième tombe où plusieurs momies sont découvertes après celle d’Amenothep II (XVIIIème dynastie) où 12 momies avaient été trouvées en 1898 », selon Zahi Hawass. La toute première découverte de momies pharaoniques remonte à 1887 et fut réalisée dans le village de Gourna, entre la Vallée des Rois et la Vallée des Reines, sur la même rive ouest de Louxor, l’ancienne Thèbes, à 700 km au sud du Caire. Les archéologues ne pensaient plus faire de telles découvertes sur ce site très célèbre.
La 63e tombe de la Vallée des Rois
Après quelques jours de rumeurs, la nouvelle est tombée le 9 février dernier : une nouvelle tombe dans la Vallée des Rois a été découverte ! La première depuis 1922 et le tombeau de Toutankhamon. Désormais, l’hypogée porte le numéro 63. Le 10 février, Zahi Hawass et de nombreux officiels des antiquités égyptiennes ont participé à la « cérémonie ».
Par François Tonic (toutankhamon magazine n°26)
Avertissement : étant donné la constante évolution des informations, ce présent article s’appuie sur les données disponibles au moment de sa rédaction. Il est possible que de nouvelles analyses et hypothèses soient disponibles à la sortie de ce numéro de Toutankhamon Magazine. Nous n’avons eu que des réponses partielles d’Otto Schaden, le directeur des fouilles.
La tombe 63 ou KV63 (KV = King Valley, Vallée des Rois) suscite énormément d’interrogations. Le premier plan de localisation créé par la BBC s’est révélé erroné. Et les différents articles du monde entier sont restés imprécis sur l’emplacement de la tombe. Il a fallu attendre quasiment une semaine pour voir apparaître une première carte réaliste. La présence de la tombe de Toutankhamon (tombe 62) a aiguisé les commentaires et toutes les références de la tombe 63 se faisaient sur celle du jeune roi…
Une découverte inattendue
Après avoir en grande partie étudié et nettoyé la tombe n°10 du mystérieux roi Amenmès (XIXe dynastie), usurpant les pouvoirs de Séthy II durant quelques années, l’équipe d’Otto Schaden s’occupait de nettoyer les abords du tombeau : devant, sur les côtés, sur les flancs de la colline. Après de longs efforts, les archéologues retrouvèrent le sol antique et découvrir plusieurs huttes, de part et d’autre de l’entrée de l’hypogée royale. Les plus nombreuses se trouvant à l’est (à gauche de l’entrée). Ces huttes datent sans doute de l’époque d’Amenmès. Elles servaient à loger les ouvriers et artisans creusant et décorant la tombe du roi. Après avoir enlevé ces constructions, une légère dépression se dévoila aux chercheurs. Plusieurs mètres sous le niveau des huttes, un puits vertical se fit jour à la fin de la saison 2005…
La localisation
La tombe 63 se situe donc près de l’entrée de la tombe 10 et fait face à la tombe 62, celle de Toutankhamon. La carte de la BBC pouvait, par extrapolation, faire penser à deux fouilles précédentes. Depuis 30 ans, on soupçonne la présence d’une ou plusieurs anomalies géologiques dans la zone de la tombe de Toutankhamon et de Ramsès V/VI.
Ce n’est pas un hasard si plusieurs tombes se trouvaient sous des huttes. Les pluies torrentielles s’abattant sur Thèbes Ouest périodiquement charrient d’immenses quantités de débris. La tombe de Toutankhamon fut sans doute cachée grâce à cela, pareillement pour la tombe 63. De plus, les débris du creusement des tombes voisines s’accumulaient aussi.
À la recherche des puits inconnus de Carter
En 1977, une étude au sonar est effectuée par Lambert Dolphin dans la zone de la tombe de Toutankhamon. Elle relève plusieurs échos inconnus pouvant correspondre à des cavités. Nicholas Reeves entreprend des fouilles dans la même zone à partir de 1998 (projet Amarna Royal Tomb Project). Sans doute au même endroit, Howard Carter, peu après la découverte de Toutankhamon, semble avoir mis au jour un ou deux puits. Reeves note dans son compte-rendu du 7 décembre 1998 : « Les autres développements intéressants est que Nubi ait parlé avec plusieurs hommes de son village qui travaillèrent avec Howard Carter au début des années 1920. Aujourd’hui, ils sont très âgés mais ils se rappellent distinctement que Carter trouva l’entrée de deux puits funéraires (shaft tombs) entre la tombe 56 et la tombe de Ramsès VI, précisément dans la zone que nous fouillons. Apparemment, Carter ne les excava jamais parce que cette découverte venait peu de temps après celle de Toutankhamon et que son attention était focalisée [par la tombe du jeune roi] ». Bien qu’il faille se montrer prudent, ce témoignage pourrait être intéressant pour de futures fouilles. Par d’anciennes photographies, on sait que Carter était à quelques mètres de découvrir kv63 lors de ses fouilles…
Le 28 février, Nicholas Reeves réclama tout ou partie de la découverte. Il précise que son équipe avait en l’an 2000 effectué des analyses-radars de la zone où se situe KV63. L’équipe d’Otto Schaden affirme ne pas avoir eu connaissance de cette étude pour ces fouilles. Cependant, durant les deux saisons suivantes (2001 et 2002), Reeves ne fouilla pas la zone.
La découverte
La trouvaille est due à une équipe de l’université de Memphis dirigée par Otto Schaden, explorant les alentours de la tombe d’Amenmès après avoir excavé et étudié l’intérieur du tombeau durant plusieurs années. Après avoir dégagé le site des huttes des ouvriers datant de l’époque ramesside, les fouilleurs découvrirent une dépression au niveau du sol. Cet indice signifiait la présence de quelque chose. Durant plusieurs jours, les archéologues dégagèrent les gravats et le sable. À plus de 3 mètres sous le niveau actuel du sol de la Vallée des Rois, un début de puits se dessine. Sur plusieurs mètres, le puits s’enfonce dans le roc de la nécropole. Puis, après des jours de labeur, au fond d’un puits de 10 mètres, un accès horizontal de 5 mètres qu’une porte constituée de blocs de calcaire bloque…
La datation de la tombe 63
Selon l’emplacement de la tombe dans la nécropole royale de la Vallée des Rois, ce tombeau, ou shaft tomb en anglais pour nommer les tombes à puits, date de la XVIIIe dynastie. Il s’agit sans doute d’une fondation privée et donc pas d’une tombe royale. L’architecture de la tombe ne correspond en rien aux tombes royales de la même époque. De nombreuses personnes ont tout de suite fait un rapprochement avec la tombe de Toutankhamon ou encore la cachette amarnienne (tombe 55). Cependant, l’architecture de KV63 ne ressemble pas à celle de KV62 ou de KV55. KV63 se rapproche plutôt des tombes 36, 44, 45 et 48. Elles possèdent la même organisation : un puits suivi d’une chambre. Leur creusement se situe en Amenhotep II et Amenhotep III.
On évoque aussi une ressemblance avec KV56, la tombe d’or (golden tomb). Hypogée privé, les égyptologues la datent de la XVIIIe dynastie mais des doutes subsistent. Elle pourrait dater de la XIXe dynastie. Notons que l’architecture de KV63 n’est pas utilisée sous les règnes allant d’Amenhotep IV / Akhenaton à Horemheb, soit toute la fin de la XVIIIe dynastie.
La tombe fut inaccessible pendant plusieurs décennies avant la construction des huttes et le creusement de KV10. Sa disparition peut avoir été provoquée par une des pluies torrentielles qui s’abattent périodiquement sur Louxor, la dernière datant de 1994. Pour Otto Schaden, la tombe date de la fin de la XVIIIe dynastie sans datation précise. Il ne s’agit encore que d’une estimation.
Une cachette réellement intacte ?
Contrairement aux premières déclarations qui parlèrent d’une cachette (nous verrons pourquoi il faut parler de cachette un peu plus loin) intacte, KV63 fut ouverte au moins une fois après le scellement initial.
Il semblerait que la porte, non scellée, faisant face aux archéologues ne soit pas la porte originelle. Les blocs de pierre éparpillés sur le sol dans le couloir menant à la chambre unique appartiendraient au premier scellement. Cela signifie donc qu’après une première inhumation, la tombe-cachette fut rouverte au moins une fois, à une période où elle était accessible. Reste à déterminer si la ou les premières inhumations demeurent in situ. Le désordre visible du contenu montre un travail rapide d’inhumation.
Le contenu de la cachette
Hawass parle de KV63 comme d’une cachette, opinion généralement partagée. La forme de la tombe, sa petitesse (une chambre de 4 mètres sur 5), une inhumation hâtive et désordonnée font penser à une cachette. Elle ne possède aucune décoration. Il y voyait une cachette royale, contredit quelque temps après par Mansour Borraiyk, un responsable des antiquités égyptiennes, ne voyant pas d’indice pouvant conclure à des momies royales. Une grande confusion régna plusieurs semaines sur le nombre d’objets de la cachette. Il faut dire que les observations jusqu’en fin février se faisaient de loin, car la porte demeurait en place.
Officiellement, on nous annonça 5 ou 6 cercueils et plusieurs momies ainsi qu’une vingtaine de jarres brisées ou intactes et scellées. Le 22 février, Atef Abul Dahab (responsable des antiquités pour la Haute Égypte) annonçait à nos confrères de la Gazette Egyptian qu’il y avait (au moins) 8 momies. Pour le moment, les chercheurs dénombrent 7 cercueils anthropoïdes et 27 jarres contenant sans doute des offrandes de nourriture. D’autres objets non visibles peuvent se cacher sous les débris et les recoins de la cachette.
Sur les cercueils, si plusieurs possèdent des visages fins et dorés, plusieurs furent recouverts d’une résine noirâtre (voir plus bas). On distingue aussi sur plusieurs cercueils des mains situées au niveau de l’abdomen. Cependant, elles ne sont pas croisées, indice montrant qu’il ne s’agit pas de cercueils royaux. Aucun uræus n’a été découvert jusqu’à présent.
Il apparaît que trois cercueils possèdent un visage peint à dominante jaune (dit « yellow face »). Ce sont visiblement trois cercueils de femmes. Un des cercueils appartient à un enfant. Celui-ci est posé sur plusieurs cercueils adultes. Autre preuve d’une inhumation à la va-vite :sur le nombre exact de momies, rien n’a été précisé. Les archéologues ne savent pas s’il y autant de cercueils que de momies ou non. Le jour de l’ouverture, les fouilleurs brisèrent par inadvertance un grand ostracon portant un dessin au charbon d’un homme.
Pillage ? Dégradations volontaires ?
Si l’hypothèse de la cachette semble la plus probable actuellement, il semble que plusieurs cercueils furent volontairement mutilés. Impossible de savoir, sans étude approfondie, si cela s’est fait avant la fermeture initiale du tombeau ou lors d’une réouverture. Est-ce lié aux personnes inhumées ? Indice pour dater la tombe après le règne d’Akhenaton ? Est-ce une nouvelle cache amarnienne ? Cette dernière hypothèse revient régulièrement, notamment à cause du visage du premier cercueil qui peut rappeler ceux de Toutankhamon. Cependant, il faut se montrer très prudent avant toute analyse.
L’inhumation rapide se remarque aussi par le fait que l’on voit des cercueils ouverts et d’autres plus ou moins ouverts. Mais difficile d’en dire plus sans analyse. L’étude devrait tenter de déterminer d’où vient tout ce matériel. D’autres tombes de la Vallée des Rois ?
Le mauvais état des cercueils
Les cercueils (et les momies ?) donnent des « sueurs froides » aux archéologues. Les termites, depuis des siècles, s’acharnent sur ces objets en bois. Leur mauvais état obligera à de lourdes consolidations et restaurations in situ avant de vouloir bouger quoi que ce soit. Il semble, selon les premières constatations, que la résine noirâtre de plusieurs cercueils ait été appliquée afin de protéger l’intégrité de l’objet. Cette détérioration risque de compliquer le travail d’analyse. Cependant, plusieurs cercueils semblent intacts.
L’identité des momies, des jarres et des cercueils
Cercueils royaux, momies de rois, de reines, de princes, momie de Néfertiti, de princesses amarniennes, etc. Toutes les hypothèses défilèrent et défilent encore. À l’heure où nous écrivons, nous n’avons ni noms, ni titres, ni dates selon la formule d’Otto Schaden. Il est intéressant de noter que dans une interview, Earl Ertman dit qu’il n’a vu encore aucune inscription pouvant aider à la moindre identification. Les jarres, bien que scellées, ne comportent aucun sceau ou marques visibles.
Un long travail
Juste avant la dernière semaine de février, l’équipe américaine a finalement terminé de dégager la porte et les premiers débris du couloir menant à l’unique chambre de la tombe. Le travail avance lentement, très lentement diront certains. Mais il ne faut omettre aucun indice, aucun fragment. Tout peut avoir son importance. La tombe 10 d’Amenmès servira de réserve et de laboratoire de travail. Les différents objets y seront transférés pour étude et terminer la restauration. Personne ne sait combien de temps prendra le travail de consolidation in situ des cercueils. Leur sortie constituera une étape délicate.
La chaleur commence à s’abattre sur la Vallée des Rois depuis quelques semaines. Et la fin de la saison s’approche rapidement. L’un des objectifs de l’équipe est pouvoir vider la cachette avant de quitter le site, mais la lenteur des fouilles et des restaurations peut compliquer la tâche…
Otto Schaden nous a confirmé que la mission KV10 n’en sera pas pour autant laissée de côté. Si la saison à l’intérieur de la tombe n’est pas terminée, sans doute à cause de la nouvelle tombe, le travail continuera les saisons prochaines.
Dommage que les photos soient souvent impossible à voir