Budd Hopkins et la découverte du « temps manquant »
Un ouvrage qui reste parmi les plus importants dans l’étude des enlèvements est celui d’un artiste new-yorkais, Budd Hopkins, paru en 1981 et intitulé Missing Time, c’est-à-dire « Temps manquant » (traduit en français sous le titre Enlèvements extraterrestres). Le titre souligne ce phénomène de trou de mémoire affectant souvent le témoin entre le début et la fin de l’incident. Au moins deux heures, on l’a vu, dans le cas de Betty et Barney Hill, éventuellement plus court.
Budd Hopkins relate une série d’enquêtes, réalisées sous hypnose avec l’aide d’une spécialiste compétente, le Dr Clamar, qui confirme d’ailleurs le sérieux de ce travail dans une postface. Selon elle, les douze sujets amenés par Hopkins, qu’elle a soumis à de longues séances d’hypnose pendant deux ans, et dont cinq sont présentés dans le livre, sont des gens normaux, ordinaires, sans aucune pathologie discernable. Pourtant ils sont tous troublés, et révèlent sous hypnose de terrifiantes histoires d’enlèvement à bord d’un ovni, avec examen médical, parfois douloureux et toujours traumatisant. Elle souligne qu’il ne s’agit pas de fantasmes courants, du type plaisant où l’on se voit dans un rôle avantageux : ceux-là amènent « la peur et la terreur ». S’agit-il d’hallucinations, se demande encore le Dr Clamar : on admet en psychiatrie que cela peut arriver à des gens normaux. L’interrogation demeure donc ouverte et exige, selon elle, une étude prolongée.
Un exemple typique de témoin traumatisé, présenté dans le livre, est celui de Steven Kilburn (pseudonyme). Sous hypnose, Kilbum revit avec terreur son enlèvement au bord d’une route peu fréquentée, et un examen médical assez pénible. Après son interrogation sous hypnose par le Dr Clamar, il a eu un entretien avec un neurologue, le Dr Paul Cooper, qui a dit à Budd Hopkins sa stupéfaction devant la description de l’examen, correspondant très exactement au test des différents nerfs moteurs : « II aurait fallu qu’il en sache beaucoup pour inventer tout cela, et je suis certain qu’il n’est pas du genre à mentir. C’est quelqu’un de bien, et qui m’a beaucoup impressionné. Toute cette affaire est remarquable.»
Un cas moins dramatique est celui de Virginia Horton (pseudonyme), une jeune femme menant une vie bien remplie, entre son mariage et son métier de cadre, mais qui avait souvenir de deux incidents bizarres avec » temps manquant « , l’un à l’âge de six ans, l’autre à seize ans, qu’elle désirait éclaircir sous hypnose. Les séances du Dr Clamar dévoilèrent toute une histoire de » relations » étranges, toujours avec ces mystérieux visiteurs, comportant donc deux enlèvements, et peut-être plus. Cette affaire mérite une attention spéciale car elle suggère une relation moins sombre que celle du modèle courant qui va émerger au fil des années. Virginia se remémore des dialogues et des descriptions merveilleuses d’autres mondes, contées par le visiteur : « Oui, il m’a dépeint un tableau merveilleux de tout ce qu’il y a à voir. Des choses belles, des choses incroyables… et qui n’ont pas de fin. Aussi longtemps que vous cherchiez et aussi loin que vous alliez, vous n’en verriez jamais la fin. » Mais il y a aussi cet aspect inquiétant d’opérations sur le corps humain : une coupure assez large et profonde au mollet quand elle avait six ans ; une probable extraction d’implant, qui lui avait provoqué un saignement de nez, lors de sa deuxième expérience, à seize ans au cours d’une promenade dans les bois. On voit aussi apparaître le phénomène de la « mémoire-écran » : elle croit voir un cerf, qui la regarde et lui dit au revoir télépathiquement !
Le cas de Kathie Davis (pseudonyme), relaté par Hopkins dans son deuxième livre, Intruders, est une longue histoire d’enlèvements multiples, touchant plusieurs membres (et plusieurs générations !) d’une même famille. Cette fois, les mystérieuses opérations gynécologiques pratiquées par les aliens sur les humains comportent non seulement des prélèvements d’ovules, mais aussi des implants d’embryons et des prélèvements de fœtus. Les visiteurs de l’espace présentent à Kathie Davis une petite fille, très jolie mais d’allure fragile, au teint pâle et aux grands yeux. Ils lui expliquent qu’il s’agit de son enfant hybride ! Ce livre est un tournant majeur de la recherche sur les enlèvements, car il a ouvert la voie à toute la réflexion sur ce qu’il est convenu d’appeler le « scénario génétique ». Le moins que l’on puisse dire, c’est que cette piste qui a été ouverte par Hopkins, suivi par beaucoup d’autres, dont son ami David Jacobs, n’est pas près d’être refermée, en dépit des critiques, abondantes et prévisibles, dont elle fait l’objet.
Le scénario inquiétant de David Jacobs
Une nouvelle étape a été franchie en 1992 avec le livre Secret Life de l’historien David Jacobs (traduit en français sous le titre fracassant « Les Kidnappeurs d’un autre monde »), spécialiste de l’histoire de l’ufologie, et devenu enquêteur à son tour, à la suite de Budd Hopkins.
Jacobs y fait la synthèse de cinq années d’investigations, sur plus de soixante sujets ayant révélé sous hypnose leurs enlèvements. Il y établit une sorte de scénario-type, de modèle standard, qui semble se répéter, principalement aux Etats-Unis, depuis les années 70. En voici le scénario, très résumé, qui renforce les aspects gynécologiques et génétiques de ces aventures, avec éventuellement quelques variantes. Le début est classique : enlèvement et le transport à bord de l’ovni, puis examen physique. Jacobs met ensuite en évidence deux aspects nouveaux, ou du moins ignorés jusque là : l’inspection mentale (mindscan) – les victimes ont l’impression que leur esprit est envahi, qu’on lit dans leurs pensées, et qu’ils ne peuvent résister – et la création d’un lien affectif très puissant (bonding). Viennent alors des opérations de reproduction.
Pour David Jacobs, comme pour Budd Hopkins, et d’autres chercheurs qui ont pratiqué ce genre d’investigations, les interventions gynécologiques sont une constante et constituent le point focal de tous ces récits d’enlèvements. Ce sont des opérations de prélèvements d’ovule, par le vagin ou au niveau du nombril, et la plupart des victimes savent ce qui se passe. Les êtres utilisent un long tube fin et flexible par le vagin, ou une fine aiguille prolongée par une sorte de seringue, par le nombril. C’était, on l’a vu, cette procédure qui avait été décrite par Betty Hill, lors des séances d’hypnose chez le Dr Simon, en 1964, donc bien avant qu’elle soit utilisée en gynécologie, au cours des années 70, ce qui contribue à exclure toute fabulation de sa part. Evidemment, on ne peut en dire autant des récits plus récents…
Les opérations d’implantation d’embryon semblent comparables. En revanche, on arrive maintenant à la phase cruciale, très au-delà de la pratique médicale, qui est l’extraction de fœtus vivants, mettant fin mystérieusement à la grossesse. Il faut souligner ici qu’il n’y a pas, à ce jour, de cas constaté médicalement de façon certaine (publié dans la littérature médicale : mais quelle revue accepterait de publier cela ?). Enfin, lors d’un enlèvement ultérieur, vient la « présentation d’enfant ». C’est d’abord la visite d’une salle d’incubation (« incubatorium »), avec des récipients transparents, remplis d’un liquide dans lequel baignent des fœtus en incubation : Le « Meilleur des mondes » est arrivé ! Certains témoins disent avoir vu jusqu’à une centaine de fœtus dans un tel lieu… Vient ensuite la présentation d’enfants dans une nursery. Tous les témoignages se recoupent : il s’agit de petits êtres très fragiles, à l’air maladif et prostré, d’apparence hybride. Les aliens demandent aux femmes de prendre les » enfants » dans leurs bras, ce que certaines acceptent, envahies par la pitié. Notons que de nombreuses victimes résistent et refusent toute » coopération « , au point d’étonner les étrangers. Des ruses, telles que des images » écran », semblent employées pour les amener à s’y résoudre : l’enfant revêt alors l’apparence d’un beau bébé humain. Une autre façon consiste à lui faire croire que c’est son propre enfant !
La conclusion de David Jacobs est très pessimiste et est un véritable cri d’alarme : « Nous avons été envahis. Ce n’est pas une occupation, c’est une invasion […]. Nous voyons un programme inquiétant d’exploitation apparente d’une espèce par une autre. Nous ne savons pas comment cela a commencé. Nous ne savons pas comment cela se terminera. Mais nous devons faire face à ce phénomène d’enlèvements et commencer à réfléchir rationnellement à ce que l’on peut faire. » Dans un second livre, au titre provocant de « La Menace » (The Threat. Jacobs m’a dit que c’était l’éditeur qui avait choisi ce titre), Jacobs prédit un scénario d’envahissement et de sujétion de l’humanité, qui fait penser aux plus sombres scénarios de science-fiction : l’humanité tout entière est menacée par une race d’aliens qui fabriquent secrètement des êtres hybrides destinés à nous remplacer, et qui vont bientôt prendre le pouvoir sur Terre ! Ce sera le grand “ changement “ (The Change), et cela se fera dans quelques années, ou peut-être dans une ou deux générations…
Il faut dire que David Jacobs, avec ces vues extrêmes, n’a pas fait école aux Etats-Unis, et encore moins dans les autres pays. Si l’on prend ces témoignages au sérieux, d’autres hypothèses, encore inquiétantes mais moins catastrophiques, sont imaginables. Cela dit, des histoires de ce genre ont été recueillies par de nombreux enquêteurs indépendants, et qui se recoupent bien, comme l’ont montré les études de l’ethnologue Thomas Bullard. On est obligé d’admettre, d’une part la sincérité de la plupart des témoins – en dépit de toutes les critiques des sceptiques, dont je ne vais pas faire ici l’inventaire car il serait trop long et, à vrai dire, fort ennuyeux – et d’autre part une certaine cohérence de l’ensemble du dossier des enlèvements. Si nous prenons par exemple les aspects gynécologiques, ce scénario d’enfants transgéniques, menés à terme artificiellement, pourrait bien devenir possible médicalement au cours de ce siècle, comme le suppose Henri Atlan dans son livre L’utérus artificiel (Seuil, 2005). Au minimum, cela donne à réfléchir : ce que racontent ces témoins n’est pas forcément absurde ! Il y a, d’autre part, des éléments physiques qui, s’ils ne sont pas encore des preuves de la réalité de ces récits, n’en sont peut-être plus très loin.
Des opérations d’implants ?
De nombreux « abductés » ont gardé des traces curieuses sur leur corps, telles que de fines coupures et de petites cavités rondes (les « scoop marks ») suggérant le prélèvement de tissus ou l’insertion d’implants sous la peau.
On parle beaucoup, aujourd’hui, des implants de fabrication humaine, destinés initialement aux animaux, mais maintenant aux humains eux-mêmes. Eh bien, à l’instar de certaines techniques gynécologiques décrites avant l’heure, de tels implants ont été trouvés, semble-t-il, sur le corps d’un certain nombre d’enlevés, et certains ont pu être extraits chirurgicalement, notamment depuis 1995, par le Dr Roger Leir et des collègues, en Californie. Je le connais bien et j’ai pu mesurer sa sincérité et son bon sens. Ce n’est pas un chirurgien fou, ni un escroc comme on l’a prétendu lors d’une émission malhonnête de TF1.
J’ai même rencontré l’un de ses opérés, Tim Cullen, et je peux dire qu’il est tout le contraire d’un mythomane. C’est un petit entrepreneur de bâtiment qui avait fait une « rencontre rapprochée » avec un ovni il y a une vingtaine d’années, alors qu’il roulait un soir avec sa femme sur une route isolée en Arizona. Et il avait, lui aussi, un temps manquant de deux heures. Des années plus tard, à la suite d’une blessure au poignet gauche, on lui a trouvé un petit objet métallique, qu’il a fini par se faire extraire par le Dr Leir, en janvier 2000. Tim avait attendu que ses filles aient une vingtaine d’années pour en parler.
En tout, à fin 2005, le Dr Leir a effectué douze opérations d’extraction d’implant supposé (et seize à fin 2011). Des analyses ont été faites en laboratoire, qui ont donné des résultats curieux, tant sur le plan métallurgique que biologique, mais qui n’ont pu encore être poussés jusqu’à constituer un dossier décisif, et qui ont fait l’objet, bien entendu, d’une vive controverse. Ces analyses n’ont pas été entièrement publiées. Pour en savoir plus, il faut lire son livre, traduit en français sous le titre OVNIS et implants. Un chirurgien témoigne (Le Mercure Dauphinois).
L’approche plus spirituelle du Dr Mack
La question des preuves physiques reste cruciale dans cette affaire des récits d’enlèvements, mais le psychiatre John Mack s’est intéressé davantage aux dimensions psychologiques, et même spirituelles, des témoignages. John Mack était un professeur de psychiatrie américain très réputé, à l’école de médecine de l’université de Harvard. Avant de s’intéresser aux histoires d’enlèvements, il était déjà connu pour son militantisme pacifiste et écologiste, ainsi que pour son indépendance d’esprit dans son propre domaine. C’est dans cet état d’esprit que John Mack a découvert, et s’est rapidement passionné pour les histoires d’enlèvements à bord d’ovnis, après avoir rencontré en 1990 Budd Hopkins. Après avoir étudié de nombreux cas, Mack en a présenté treize dans un premier livre, paru en 1994: Abduction. Human encounters with Aliens (traduit sous le titre Dossier Extraterrestres. L’affaire des enlèvements). Dès sa parution, ce gros livre de plus de 400 pages a provoqué une avalanche de critiques virulentes, aussi bien dans la grande presse que dans les revues spécialisées. Mack a alors subi un tel tir de barrage qu’il a bien failli perdre son poste à Harvard. Mais cela n’a pas arrêté cet homme courageux et il a approfondi encore sa réflexion dans un second livre, Passport to the Cosmos, paru en 1999.
Malheureusement, Mack a été tué dans un accident de circulation à Londres, en novembre 2004, et c’est une grosse perte pour la communauté ufologique internationale, n’en déplaise à ses détracteurs, encore nombreux. Il serait présomptueux d’essayer de résumer sa pensée en quelques mots. Disons seulement qu’il a voulu mettre l’accent sur l’élargissement de conscience qu’il a constaté sur les témoins qu’il a pu étudier. Pour Mack, ceux-ci deviennent préoccupés par la défense de l’environnement, et s’ouvrent à des perspectives nouvelles sur le plan spirituel. Avec le Dr Mack, on voit ainsi émerger une vision nouvelle de ce que pourraient être à l’avenir nos relations avec le « cosmos », avec d’autres « dimensions », et avec d’autres êtres intelligents.
Source: Le blog Ufologique de Gildas Bourdais (http://bourdais.blogspot.com)