C’est en avril de 1983 qu’une nouvelle provenant du journal ouest-allemand Der Stein sidéra la presse internationale. Le journal affirmait avoir mis la main sur l’authentique journal d’Adolf Hitler, un imposant ouvrage divisé en 62 livres. La nouvelle fît rapidement le tour de la planète. Le Stern commança la publication la semaine suivante, et les écrits furent publiés dans le monde entier.Cependant, quelques mois plus tard, suite à une analyse détaillée, les experts déclarent officiellement que les livres sont des faux. Cette nouvelle se répercuta sur tout le globe aussi rapidement que l’annonce de la découverte.
Comment le journal avait-il été berné ? Pourquoi le journal avait-il payé près de 9,4 millions de marks sans même faire examiner les livres par un expert ?
Ces questions sont loin de restées sans réponse. En vérité, toute l’histoire ne repose que sur deux noms, un fraudeur du nom de Konrad Kujau et Gerd Heidemann, un recherchiste ingénu. Gerd Heidemann n’était pas qu’un recherchiste pour le magazine ouest-allemand Der Stein, c’était aussi un véritable fanatique et collectionneur de relique nazi. D’ailleurs, il avait une collection imposante de reliques nazies, donc plusieurs étaient des faux. Il s’était récemment passablement endetté en achetant et en rénovant le yacht de Hermann Goering, un ancien commandant de la Luftwaffe. Il avait probablement une personnalité malhonnête, mais son pire défaut était sans nul doute la naïveté.
Heidemann, étant un obsédé de l’histoire nazi, sait que, vers la fin de la guerre, un des avions d’Hitler déménageant du matériel personnel de l’ancien Führer s’était écrasé près d’un village nommé Boernersdorf, en Allemagne de l’Est. Hitler avait été troublé par l’annonce de cet écrasement car cet avion, disait-il, contenant des notes personnelles de la plus grande importance pour la prospérité de l’empire.
Au cour de l’année 1980, Heidemann fit la connaissance d’un autre collectionneur d’objets nazis. Ce dernier lui révéla sa plus précieuse pièce, un volume du journal personnel d’Adolf Hitler, qui fût retrouvé dans l’épave d’un avion près du village de Boernersdorf. Après avoir fait quelques recherches, Heidemann réussi enfin à retrouver la source du précieux journal, un certain Konrad Fischer. Près d’un an après avoir vu un des volumes du journal, notre recherchiste réussi finalement à s’organiser une rencontre avec Fisher.
Ce dernier explique que son frère, un général de la garde frontalière de l’Allemagne de l’Est à découvert le journal dans la maison de villageois de Boernersdorf, qui l’avaient ramassé dans l’épave de l’avion. D’ailleurs, cet ouvrage n’est que le premier d’une série des vingt-sept volumes qui composent l’ensemble du journal intime d’Hitler. Heidemann mord à l’hameçon, il saute sur l’occasion incroyable qui s’offre à lui et commence immédiatement à négocier les journaux et un manuscrit inédit de Mein Kampf.
De retour en Allemagne de l’Ouest, Heidemann explique toute l’histoire à la direction du journal. Il déclare au journal que Fisher demande 2,5 millions de deutschmarks pour les volumes du journal, un manuscrit inédit de Mein Kampf et le transport des livres au-delà de la frontière de l’Allemagne de l’Est. Ils ne doivent pas appeler aucun expert et garder le secret le plus absolu alentour de la nouvelle, sinon le général douanier est-allemand cessera de les envoyer. La direction du journal, voulant absolument mettre la main sur ce qui pourrait devenir le plus grand scoop du monde, sont d’accord.
Cependant, l’équipe du journal aurait dû se méfier d’une chose, la passion obsessionnelle de Heidemann pour les objets nazis. D’ailleurs, tout le monde était au courant. En effet, il avait déjà fait perdre beaucoup d’argent au journal pour la recherche de Martin Bormann, un assistant d’Hitler qui disparût après la guerre, qui se résulta infructueuse. Pourtant, le Stern accepta les conditions. Le recherchiste était le seul à connaître le possesseur des volumes. Ils firent donc ouvrir un compte en banque spécial dans lequel Heidemann allait pouvoir puiser de gros montants pour payer les précieux écrits.
C’est donc en Février 1983 que Heidemann présente au journal les trois premiers volumes. C’était trois cahier, reliés en cuir noir et d’une épaisseur d’un centimètre. Les initiales A.H. se trouvaient sur les ouvrages avec un sceau de cire rouge. L’écriture des ouvrages est du style gothique et personne ne remis en doute l’authenticité des documents. Personne ne se posa de question lorsque Heidemann annonça, après la livraison de douze volumes, que le prix pour chaque livre était maintenant de 100 000 marks. Après 6 autres livraisons, le prix tomba à 200 000 marks. Le journal accepta aussi de verser la somme de 1,5 millions de marks à leur recherchiste pour la découverte des livres. Et finalement, il leur annonça que beaucoup d’autres volumes avaient survécus à l’écrasement…
Évidemment, tout cet argent ne va pas directement dans les poches de Fisher, Heidemann en garde une grosse partie pour lui même et profite pleinement de la situation pour faire le maximum d’argent possible.
Le vrai visage de la fraude
Konrad Fisher se nomme en réalité Konrad Kujau, et son frère n’est pas vraiment un général, ce n’est qu’un simple portier de gare. En vérité, Kujau est un faussaire qui s’est tranquillement spécialisé dans la reproduction fausse relique nazie. Ce qu’il affectionne particulièrement, c’est les faux tableaux soi-disant peint par Hitler. Le commerce de souvenir nazi est très florissant et il adore duper les collectionneurs en leurs vendant des reliques factices pour des sommes faramineuse. Fabriquer ce faux journal sera à la fois sa plus facile et la plus payante de ses opérations.
Avec les années, Kujau s’est ramassé une bibliothèque importante de plus de cinq cents livres et ouvrages ayant comme sujets Adolf Hitler. En étudiant bien, il a apprit à recopier l’écriture du Führer. Pour que son oeuvre semble authentique, il a récupéré des vieux cahiers scolaires trouvés en Allemagne de l’Est. Il ne lui reste plus qu’à les tordre dans tous les sens et les frapper pour leurs donner un aspect plus véridiques. Il a besoin d’environ 5 heures pour compléter un livre. D’ailleurs, ce fût la principale lacune qui réveilla très rapidement les soupçons de la communauté internationale. Le contenu des livres était banal et sans véritable intérêt, rempli de rapports détaillés de conférences officielles et de communiqués du parti nazi. Un expert aurait évidemment rapidement trouvé l’erreur, mais le journal et Heidemann étaient convaincu et ont respectés les conditions.
Cependant, après les parutions des premiers volumes, beaucoup de journalistes, d’historiens et même d’anciens nazis commencèrent à exprimer leurs doutes quant à l’authenticité des documents. Rapidement, la pression internationale devint plus urgente et le journal décida de faire tester les manuscrits. La nouvelle tomba rapidement, tous les documents, de la première à la dernière page étaient faux. Absolument tout. Le plus grand scoop de l’histoire était un faux, et le magazine allemand ne peut qu’en endosser la responsabilité.
En tout, le magazine a payé 9,4 millions de marks à Heidemann, donc 5 millions sont encore manquant aujourd’hui. Avec les frais, le fiasco se chiffre à 19 millions de marks.
Pour toute cette arnaque, Kujau fût condamné pour fraude. Mais le grand perdu fût définitivement Heidemann qui, se trouvant piégé les sommes utilisées, fût aussi condamner pour le même motif.
Références: Facts and fallacies ( Sélection du Reader’s Digest ) 1988